La Chronique Agora

Appel aux ARMs

ARM, dette, inflation

La dette publique américaine a officiellement passé les 33 000 Mds$, les rendements des bons du Trésor s’envolent et une nation éplorée tourne les yeux vers la Fed…

La semaine dernière, le grand jour est arrivé. La Fed devait annoncer une « pause »… largement interprétée comme le prélude d’une baisse des taux l’an prochain. C’est bien ce qu’il s’est passé, à quelques détails près. Et, il y a près de 20 ans, Addison Wiggin et moi avions vu cela venir.

Un jour sombre dans l’avenir, avions-nous alors prédit, « la Fed va paniquer. De désespoir, [le président de la Fed] va pointer son doigt vers le sud, vers l’Argentine. ‘Là… voilà notre seule issue de secours’, dira-t-il ».

C’est ce que les météorologues appellent une « prévision à long terme ». Mais le délai se réduit constamment. Et les investisseurs commencent à se demander où sont leurs parapluies.

Escalader le mont de la dette

Voici un autre signe de pluie, pointé par Scripps News :

« La dette fédérale des Etats-Unis a dépassé les 33 000 Mds$ pour la première fois, d’après le département du Trésor, surpassant un seuil critique alors que les dépenses publiques sont sous le feu des projecteurs. »

Allons un peu plus loin sur le sujet avec Reuters :

« La dette mondiale a atteint un niveau record de 307 000 Mds$ durant le deuxième trimestre de cette année, malgré des taux d’intérêts en hausse limitant le crédit bancaire, avec des pays comme le Japon et les Etats-Unis menant la course aux déficits, selon l’Institute of International Finance (IIF).

L’association regroupant les grandes banques du monde entier a expliqué dans un rapport que la dette mondiale calculée en dollars avait augmenté de 10 000 Mds$ durant le premier semestre de 2023, et de 100 000 Mds$ durant la décennie écoulée.

La dernière augmentation a provoqué une hausse du ratio  dette/PIB mondial pour un deuxième trimestre d’affilée, vers 336%. Un ralentissement de la croissance, en même temps qu’un ralentissement des hausses de prix, ont limité la hausse des PIB nominaux à des rythmes plus lents que la hausse des niveaux et dettes, et étaient la cause de cette hausse du ratio de dette/PIB, selon le rapport de l’IIF. »

Et voici un autre article, qui présente des indices de la panique à venir de la Fed, nous venant du Washington Examiner :

« Les rendements des bons du Trésor américains ont augmenté durant la période précédant la décision de la Fed concernant son taux directeur, le bon à 10 ans ayant notamment atteint son plus haut rendement en plus d’une décennie.

Le taux de référence à 10 ans était de 4,43% le mardi avant l’annonce de cette décision, soit un plus haut depuis 2007. Dans le même temps, le taux de référence à 2 ans était de 5,08%, un niveau plus vu depuis 2006, à part pendant une petite période en mars dernier. »

Voyons voir. La montagne de dette mondiale s’élève de plus en plus haut… alors que les taux d’intérêt augmentent. Quelque part, plus loin sur cette route, le conducteur ivre rencontre son mur de brique.

Deux fois plus cher

En juillet 2020, le rendement d’un bon du Trésor américain à 2 ans était de 0,11%. Désormais, à plus de 5%, il est 45 fois plus haut. Et si la dette mondiale devait être financée à ce nouveau taux, cela impliquerait un service annuel de la dette de plus de 15 000 Mds$ – soit 17% du PIB mondial.

Cela n’arrivera pas. Cela ne peut pas arriver.

Le problème, ce sont les « ARMs ». Il y a deux semaines, le monde financier a été enchanté par l’introduction en Bourse la plus importante en 2 ans. Le Financial Times nous en dit plus :

« Les actions du confectionneur de semi-conducteurs ARM ont bondi d’au moins 20% lors de leur première séance de cotation sur le Nasdaq, valorisant l’entreprise financée par Softbank à plus de 63 Mds$. »

Cette entreprise valait seulement 32 Mds$ en 2016. Sept ans plus tard, sa capitalisation a presque doublé. Comment est-ce possible, étant donné que son chiffre d’affaires et son bénéfice net ont en fait diminué l’an dernier ?

« Nous sommes plus diversifiés désormais », a expliqué le PDG.

Ce n’est, évidemment, pas une explication suffisante. La diversité peut rendre une entreprise plus résiliente ; elle a peu de chance de la rendre plus profitable. L’an dernier, ARM a dégagé un bénéfice net de 500 M$. Avec une valorisation de 63 Mds$, le marché estime que ce groupe vaut 120 fois son bénéfice. Autrement dit, si vous achetiez l’entreprise entière… et que la situation économique restait la même indéfiniment… vous devriez attendre l’an 2143 pour revoir votre argent. Ce qui est une période bien longue passée à attendre, en espérant que la technologie n’évolue pas.

Oui, certaines personnes possèdent probablement encore des téléphones à cadran et des pantalons patte d’eph. Les vinyls reviennent à la mode. Mais personne ne s’enrichit en vendant des disquettes ou des cassettes. Pour chaque nouvelle technologie, il y a une technologie encore plus innovante qui émerge. Et pour chaque personne qui gagne de l’argent en pariant sur ces technologies, il y a au moins 10 personnes âgées qui peinent à vivre de leur retraite et qui regrettent de ne pas avoir vendu plus tôt leurs actions de sociétés passées de mode.

Prospérité de planche à billets

Nous savons tous que les propriétaires seraient dans une meilleure situation si, alors que que c’était encore possible, ils avaient négocié des emprunts immobiliers à taux faible et fixe pour du très long terme. Ils auraient ainsi pu payer leurs petites mensualités… puis attendre que leur prêteur leur supplie de rembourser l’intégralité du restant au plus vite.

Un prêt à taux variable (en anglais « adjustable rate mortgage »… ou ARM), en revanche, durant une période de montée des taux d’intérêt, est mortel. Imaginez que vous ayez emprunté 300 000 €. Vous avez obtenu un taux de 3% – c’est-à-dire une mensualité de moins de 1000 €. Désormais, le taux est d’au moins 7% – soit plus de deux fois plus.

Les prêts à plus court terme sont généralement moins chers, donc une grande partie de la dette mondiale est de la dette de court terme et – en pratique – à taux variable.

Nous avons vu ci-dessus que la dette fédérale américaine officielle a dépassé les 33 000 Mds$. Nous savons que 7 600 Mds$ de ce montant devront être roulés durant les 12 prochains mois. Au lieu de payer 0,11% d’intérêt – comme l’a fait le Trésor pendant 2 ans sur un bon du Trésor émis en 2020 – il devra payer plus de 5%. Il s’agit d’un ajustement important.

Mais ce n’est pas tout. La dette fédérale officielle n’inclut pas les obligations pour la Sécurité sociale, les allocations aux anciens combattants ou aux handicapés, et d’autres dépenses non-provisionnées qui pèsent en tout et pour tout environ 200 000 Mds$, d’après notre source fiable habituelle, MN Gordon d’Economic Prism. Ces dépenses changent quotidiennement. C’est-à-dire que les fonds pour les payer doivent être obtenus quotidiennement, à mesure que les échéances se succèdent.

Toute cette dette à taux variable est comme un rendez-vous chez le dentiste qui aurait été repoussé pendant trop longtemps. Ce ne sera pas très agréable, quand vous serez finalement allongé sur la chaise.

Nous maintenons notre prévision. A mesure que les taux augmentent… et que les entreprises, les ménages et le gouvernement vont tenter d’ajuster leurs positions, les banques centrales du monde entier vont paniquer… et relancer leurs planches à billets.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile