La Chronique Agora

L’âne, la poignée de foin et les plus-values

Qu’est-ce que la véritable fonction des marchés ? Plus important encore, quel est votre propre rôle là au milieu ?

Ce texte n’est accessible qu’aux vrais curieux, à ceux qui veulent vraiment comprendre. Il faut investir, se creuser le crâne pour l’assimiler.

Si les masses n’étaient pas aussi crédules et aussi paresseuses, les élites ne pourraient pas les exploiter comme elles le font.

Ce texte n’est pas un bien de consommation, c’est un bien d’investissement… mais la récompense quand on a compris est énorme.

La vraie fonction d’un marché

Le marché financier n’est pas un lieu d’enrichissement pour le public : c’est un lieu d’exploitation de lui-même et de son épargne, un lieu de destruction des signes monétaires, quasi-monétaires et simili-monétaires excédentaires.

La véritable fonction d’un marché – de tout marché – au travers des excès, des aberrations, des essais et erreurs, c’est la découverte des vrais prix.

Et sur le long terme, les vrais prix s’imposent toujours, c’est radical.

Les prix subventionnés, les prix bloqués, les prix soutenus, les prix trafiqués finissent toujours par s’effondrer ; il n’y a aucune exception dans l’histoire.

La chute de l’Union Soviétique, par exemple, c’est la chute d’un système de prix qui n’avait tenu que par l’artifice du rationnement.

La chute du système chinois, système de prix faussés qui ne traduisent pas les besoins et désirs des gens, sera de même provoquée par un mouvement vers la vérité des prix.

La chute du système occidental actuel – et son remplacement par un autre – se fera au terme d’une opération de vérité des prix des biens patrimoniaux, par une remise à zéro des compteurs de la richesse.

La chute des anges rebelles, Brueghel l’Ancien

Capital = argent + pouvoir

Pour tourner, le système doit d’une part faire ressortir une profitabilité suffisante, au moins pour le très grand capital, et d’autre part émettre beaucoup de papier, beaucoup de promesses de plus-values et de rendement.

Je précise que le très grand capital n’est pas évalué en masse de pognon – non, il est évalué en pouvoir. Il détient le pouvoir. Le capital, c’est argent + pouvoir.

Pour comprendre une fois pour toutes comment tourne le système, imaginez un âne. On fixe un bâton au-dessus de son crâne et à ce bâton horizontal, devant son nez, on fixe une carotte. La carotte se balance, hors de portée devant son nez.

Notre âne va sans cesse avancer pour attraper la carotte – à quoi il n’arrivera jamais –, mais ce faisant il va fournir un travail, produire une plus-value. Le soir, ses propriétaires retirent la carotte et lui donnent une poignée de foin.

Ces mêmes propriétaires vont ensuite déguster non seulement la carotte mais également les mets qu’ils se seront payés avec le produit du travail de l’âne. Ils vont ripailler, se goberger, savourer, après lui avoir donné sa petite poignée de foin.

Il ne faut pas confondre le produit du travail qu’accomplit l’âne avec la petite poignée de foin qui sert à le nourrir.

Merci l’alchimie boursière…

Le marché financier est un lieu d’exploitation. Cela veut dire que, comme en matière de travail, on fait levier sur lui, on rémunère le moins possible l’épargne qu’il draine… et « on » engrange la plus-value et la rentabilité de l’argent que l’« on » fait travailler au maximum.

Il y a d’un côté les épargnants sur lesquels Bernard Arnault fait levier, et de l’autre il y a Bernard Arnault qui s’est construit un capital de 100 milliards avec une petite mise de 10 millions.

Le marché financier, actions et obligations est le lieu où le très grand capital vient exploiter/tondre la petite épargne, les caisses de retraite, les assurances-vie, etc.

Le marché financier est l’équivalent du marché du travail : il fixe, par la concurrence, un prix bas du travail et ayant payé le travail un prix bas, il s’octroie la plus-value. Aux uns la portion congrue, c’est-à-dire la poignée de foin ; aux autres, le caviar, les œuvres de maîtres et le portefeuille de politiciens aux ordres.

Je n’ai pas le temps de vous montrer comment le très grand capital extrait la plus-value mais sachez que c’est grâce à l’alchimie boursière. Intuitivement, vous le savez puisque vous constatez qu’Arnault devient très riche et que vous vous léchez la glace ! Un jour j’y reviendrai.

C’est en tout cas ce que j’ai découvert il y a plus de 55 ans dans un article que j’avais alors intitulé « L’exploitation de ceux qui financent les investissements ».

J’y démontrais que le très grand capital, celui qui contrôle les entreprises, se servait du petit capital des épargnants comme d‘un marchepied pour bonifier son propre profit ; il s’en servait comme d’un levier. Et il écrème.

Passons à la suite.

Ne faites pas l’âne

Le marché financier est un lieu de destruction, cela veut dire qu’il rend tout biodégradable. Quand on a émis trop de promesses, trop de papier, trop de titres – actions ou obligations –, la chute des marchés vient remettre les choses au niveau correct. Elle remet la masse de papier en proportion des richesses réelles qui servent à l’honorer.

En 1929 on a remis les cours au bon niveau, on a chuté de 89% ; en 2000 on a chuté de 83%. En… à une date indéterminée, on chutera de plus de 50%. C’est le minimum.

Je ne cherche pas à vous convaincre : après tout c’est votre problème si vous avez envie de vous ruiner… Simplement il faut que ce soit dit ! Il faut que vous compreniez une fois pour toutes pourquoi le système veut toujours vous attirer en Bourse, pourquoi il agite les grelots/gros-lots de la loterie, pourquoi il salue la hausse des cours, pourquoi il dirige fiscalement votre épargne vers les placements à risques.

Vous êtes l’âne.

Il fait cela parce que cela fait baisser le coût apparent, je dis bien apparent du capital, parce que cela enrichit les ultra-riches et parce que, quand vient la baisse, cela permet l’accomplissement de ce que l’on peut appeler la fonction d’assainissement/nettoyage/destruction.

La destruction, c’est ce qui permet de purger et de repartir pour un tour.

Tout cela constitue non pas une opinion, mais un savoir ; c’est le résultat de plus de 50 ans d’étude et de réflexion pratique et théorique sur le marché financier. Faites-en ce que vous voulez !

[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]

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