La Chronique Agora

And the winner is… l'espoir que Barack Obama puisse tenir ses promesses

** Le "fait accompli" provoque une franche consolidation des places européennes ce mercredi (-2% dès l’ouverture) mais il aurait été presque miraculeux d’assister à la poursuite du rally haussier pour une septième séance consécutive, surtout après une envolée de 5,5% de l’Euro Stoxx 50 mardi.

Les marchés ont horreur de l’incertitude et il était évident dès mardi matin que le résultat des présidentielles américaines ne faisait de mystère pour personne… et surtout pas pour Wall Street ou pour les cambistes. Ils donnaient Barack Obama largement vainqueur du scrutin… et ce fut bel et bien le cas avec un score sans appel de 350 à 150 qui excède largement les projections les plus optimistes.

Même des observateurs politiques plus nuancés, voire proches du camp républicain, estimaient que seule une discipline de fer des électeurs évangélistes dans tous les états susceptibles de basculer dans un camp comme dans l’autre pouvait éviter une lourde défaite à John McCain.

Parmi les signes qui ne trompent pas, des journalistes du monde entier convergeaient par milliers depuis le week-end vers Chicago où un million de personnes seraient attendues pour célébrer la victoire du candidat démocrate. John McCain n’avait quant à lui prévu d’accueillir mardi soir qu’un millier de personnes dans un grand hôtel des environs de Phoenix. Cette ville était étrangement calme contrairement à la capitale de l’Illinois qui se préparait à une fête mémorable bien avant que les derniers sondages enterrent les espoirs des républicains.

** Une victoire de leur favori aurait été la surprise du siècle — du XXIe naturellement ! — pour les marchés qui ont assimilé la forte mobilisation électorale à un sursaut de civisme de classes défavorisées. Elles sont pourtant traditionnellement abstentionnistes par dégoût de la politique mais votent très majoritairement démocrate lorsqu’elles décident de se déplacer jusqu’aux urnes.

Parmi les derniers arguments de campagne les plus souvent recensés dans le camp républicain, il y avait cet appel récurrent à voter "pour la bonne personne". La formulation semble anodine mais elle signifie pour tout électeur de race blanche qu’il convient de ne pas contribuer — quelles que soient ses compétences supposées — à l’élection d’un candidat "de couleur" et dont l’ancrage chrétien reste superficiel.

Les prêches des pasteurs protestants ultra-fondamentalistes n’ont pas fait dans la nuance et ils ne risquent pas grand-chose dans la mesure où le respect de la liberté d’expression — y compris religieuse — interdit aux Etats-Unis de poursuivre les auteurs de propos ouvertement racistes.

C’est une réalité qui dérange beaucoup les consciences en Europe mais qui choque assez peu les Américains eux-mêmes. Ils sont beaucoup plus sensibles à la débâcle du système bancaire et aux 750 000 licenciements auxquels ont déjà procédé les entreprises ayant une activité dans la finance ou le real estate.

** Ces chiffres seront connus et analysés vendredi mais avant de revenir à la dure réalité, le vent d’espoir suscité par la perspective d’un vrai changement politique aux Etats-Unis a permis aux places européennes de grimper de 5,5% en moyenne et à la Bourse de Paris d’inscrire une sixième séance de hausse consécutive. Elle s’est même avérée tonitruante puisque le CAC 40 affichait plus de 4,6% de progression à 3 691 points.

Ce sont donc pratiquement 25% qui ont été repris sur les planchers du 27 octobre dernier et il s’est écoulé tout juste une semaine et un jour entre le plancher annuel des 2 960 points et la zone des 3 700 points.

** La journée de mardi avait pourtant débuté sur une note hésitante puisque l’indice CAC 40 avait testé un plancher de 3 520 points. Par la suite, l’anticipation d’une forte hausse de Wall Street n’a cessé de pousser les indices boursiers européens toujours plus haut au fil des heures.

Mardi soir, peu avant que ne se dessine la carte des grands électeurs soutenant l’un ou l’autre camp politique, le Dow Jones bondissait de 3,3% et le S&P 500 de 4%. Il pouvait ainsi retracer le seuil symbolique des 1 000 points pour la première fois depuis le 14 octobre dernier.

Les indices américains s’envolaient également pour la sixième séance consécutive — le Nasdaq Composite a réussi un sans-faute — en dépit de la publication d’une statistique bien décevante concernant les commandes à l’industrie (-2,5% en septembre après -4,5% au mois d’août).

** Sur le Vieux Continent, les indices avaient été dopés (+5,5%) par la progression des valeurs bancaires sur fond de détente des marchés du crédit ; la BCE devrait réduire son taux directeur de 50 points supplémentaires dès jeudi après un premier geste équivalent le 8 octobre dernier.

L’euro se redressait nettement face au dollar à 1,3005 alors que le baril de pétrole matérialisait un surprenant rebond de 8% par rapport à ses planchers de la matinée (62,4 $) à 67,8 $ le baril. Cette hausse s’est exercée au détriment du dollar mais également du yen qui est retombé sous les 130 euros.

A compter d’aujourd’hui, les marchés commencent à s’interroger sur ce que peut réellement tenter le nouveau président pour redresser la situation économique. Les statistiques du chômage donneront dès ce vendredi la mesure de la gravité de la crise. Le mois d’octobre pourrait en effet se solder par 150 000 suppressions d’emplois supplémentaires dans les banques, les sociétés de gestion, les officines de prêts et les agences immobilières.

Philippe Béchade,
Paris

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