Les Etats-Unis sont en train de regagner leur indépendance concernant les vols habités dans l’espace. Boeing paraît mieux placé que SpaceX pour profiter de ce renouveau.
La capacité à aller dans l’espace est un exploit dont l’humanité peut être fière.
Excellence technologique, effort des peuples qui financent la recherche, courage des pionniers qui s’enferment dans de minuscules vaisseaux : nous ne pouvons qu’admirer tout ce qui est nécessaire pour que quelques êtres humains puissent évoluer dans le vide et revenir sains et saufs.
Certains voient dans l’exploration spatiale le salut de la race humaine toute entière, d’autres préfèrent imaginer des retombées économiques, les corps célestes regorgeant de métaux et de composés rares sur Terre…
Pourtant, force est de constater que l’humanité patine dans le domaine des vols habités. Après la course à la Lune des années 1960, les États-Unis ont tenté de banaliser l’accès à l’espace avec la bien connue navette spatiale (space shuttle). Sans succès.
Côté russe, après l’effondrement de l’URSS, la recherche a été mise en pause et seuls les vénérables vaisseaux Soyouz permettent encore d’envoyer des hommes en orbite.
Avec l’abandon de la navette spatiale en 2011, la NASA s’est de fait rendue dépendante de son concurrent historique pour envoyer les Américains dans l’espace.
Pour beaucoup d’Américains, devoir acheter aux Russes des places sur leurs lanceurs est à la limite de l’humiliation.
Faute d’alternatives, la NASA n’avait cependant pas d’autre choix. La situation devrait pourtant changer dès l’année prochaine avec le grand retour des lancements habités américains.
Les nouveaux pionniers de l’espace de la NASA. Crédit David J. Phillip/AP
Une question de souveraineté pour l’Occident
L’accès à l’espace est une question qui va au-delà des simples aspects économiques.
Le problème pour la NASA n’est pas de payer 80 M$ pour chaque lancement de fusée Soyouz (les programmes spatiaux habités, dans leur globalité, engloutissent des dizaines de milliards de dollars).
La vraie question est celle de la légitimité de l’avance technologique de l’Occident.
L’Europe s’est dotée de lanceurs spatiaux pour ne pas dépendre des Américains et des Russes pour ses mises en orbite. L’Inde et la Chine lui ont depuis emboîté le pas. Ces programmes permettent à l’industrie locale d’être à la pointe de l’innovation sur les nouvelles technologies (matériaux, chimie, électronique) et d’accéder à l’espace sans dépendre du bon vouloir de puissances étrangères avec lesquelles des guerres commerciales (voire des conflits armés) sont toujours possibles.
Les programmes habités obéissent à la même logique.
Il était inconcevable pour les États-Unis, après avoir marché sur la Lune, de dépendre uniquement d’antiques lanceurs russes pour envoyer leurs citoyens dans l’espace !
Après le fiasco économique et humain de la navette spatiale, la NASA a décidé d’externaliser la recherche & développement de ses futurs vols habités. Plutôt que de développer en interne la nouvelle génération de lanceurs, l’agence a préféré financer des entreprises privées.
Elle a, pour ce faire, généreusement subventionné SpaceX et Boeing en leur accordant plus de 6 Mds$ de contrats sur les cinq dernières années.
En contrepartie, les deux entreprises devaient être à même d’envoyer des équipages de sept personnes dans la Station spatiale internationale dès 2017 et de les ramener à bon port.
Quelques incidents, dont une explosion de fusée Falcon 9 sur son pas de tir en septembre 2016 et d’inquiétantes fuites dans le CST-100 découvertes cette année, ont retardé les deux programmes.
Le contrat d’acheminement d’astronautes via les fusées Soyouz touchant à sa fin au mois de novembre, la NASA sera à partir de cette date clouée au sol.
Il était donc plus que temps que Boeing et SpaceX puissent commencer à envoyer des hommes dans l’espace.
Des premiers lancements au printemps
La NASA l’a annoncé il y a quelques jours : le premier tir embarquant des astronautes aura lieu dès le mois d’avril 2019 dans une capsule Dragon 2 installée sur une fusée Falcon 9, la fameuse fusée réutilisable de SpaceX.
Le vaisseau Dragon de SpaceX aura la lourde responsabilité de renvoyer les Américains dans l’espace. Crédit : NASA
En milieu d’année, Boeing emboîtera le pas à SpaceX et fera à son tour voler son CST-100.
Chaque appareil fera deux vols de test avant de pouvoir être considéré comme fiable par la NASA. Une équipe de neuf astronautes a déjà été constituée pour piloter ces vols hautement critiques.
En attendant, la NASA devra faire face à une période blanche durant laquelle elle n’aura plus de vols réservés sur la fusée Soyouz et pas encore accès à des lanceurs américains… un prix bien acceptable pour retrouver sa souveraineté !
Quelles conséquences pour vos investissements ?
L’accélération du calendrier des programmes habités financés par la NASA est une excellente nouvelle pour Boeing et SpaceX.
L’agence spatiale fédérale a semble-t-il pris le parti d’ignorer la relative incertitude technologique qui demeure quant à la fiabilité de ces nouveaux vaisseaux et de faire confiance aux industriels.
Ce sont, bien sûr, eux qui seront les premiers gagnants en cas de succès des vols d’essai, mais aussi les premiers à devoir assumer d’éventuels échecs.
Passons rapidement sur SpaceX. La société est habituée à jouer sa survie sur des coups de poker. L’avenir de l’entreprise a été remis en question lors du franchissement de chaque jalon. Premier tir de Falcon, première du Falcon 9, réutilisation de premiers étages : chacune de ces étapes se devait d’être franchie avec succès.
Les premiers vols habités ne feront pas exception à la règle. Même si la société d’Elon Musk est devenue en quelques années une référence en termes de fiabilité de lancements inhabités, un échec serait catastrophique pour son image et remettrait en question tout son programme de développement actuel.
L’entreprise n’étant de toute manière pas cotée en Bourse, la question de l’opportunité d’un investissement ne se pose pas.
La situation est différente pour Boeing (US0970231058-BA).
Le groupe, très diversifié et valorisé plus de 200 Md$ au cours actuel, est dans une position beaucoup plus confortable.
Un éventuel échec de ses vols spatiaux habités n’aurait que peu de retombée sur ses comptes. Avec un chiffre d’affaires de plus de 93 Md$ en 2017 et un bénéfice supérieur à 8 Md$, la survie du groupe semble assurée pour de longues années. Le démarrage de l’activité de transport d’astronautes pourrait bien être son relais de croissance des prochaines décennies !