La Chronique Agora

Ce qu’Amazon.com et le Japon ont en commun

▪ Aux dernières nouvelles, Amazon a levé six milliards de dollars de fonds supplémentaires. Les investisseurs jettent volontiers leur argent dans la Rivière Sans Retour. A seulement 100 points de base au-dessus des coûts d’emprunt du Trésor US, ils ne s’inquiètent ni du retour sur investissement ni du retour de l’investissement.

Du côté des chiffres, les investisseurs sont encore plus insouciants. Sur le Nasdaq, Amazon a un PER de MOINS 714. Après 20 ans d’existence, le géant du commerce en ligne n’a toujours pas appris à faire de profits. Son dernier rapport trimestriel montrait des pertes d’environ 1 $ par action, soit environ 2,50 $ pour chaque dollar de vente.

Fortune Magazine :

"Le smartphone Fire d’Amazon, baptisé ‘machine à acheter’, a fait un flop. L’appareil, que l’entreprise a présenté en juin, a mené à une dépréciation de 170 millions de dollars au trimestre dernier. Tom Szkutak, directeur de la Technologie chez Amazon, a déclaré à Fortune en octobre que le téléphone était ‘au mauvais prix’.

‘J’ai essuyé des échecs de plusieurs milliards de dollars avec Amazon.com’, a déclaré [Jeff Bezos]. ‘Des milliards de dollars, littéralement… Les entreprises qui n’acceptent pas pleinement les échecs pour continuer d’expérimenter finissent par se retrouver dans une position désespérée…’

Parmi les erreurs à plusieurs milliards de dollars de Bezos, on trouve un site d’enchères qui n’a pas fonctionné. L’idée a évolué pour devenir zShops, qui a aussi échoué, avant de finalement se transformer en Amazon Marketplace — lequel représente à présent 40% des ventes à l’unité d’Amazon, a déclaré Bezos".

Les investisseurs sont si généreux et si peu exigeants que Jeff Bezos ne ressent aucune douleur suite à ses nombreux échecs. Chaque four, chaque fiasco le rend plus riche. Il n’apprend rien.

Un échec douloureux vaut bien plus qu’un succès agréable

Rien ne réussit mieux que l’échec — mais uniquement s’il fait mal. Un échec douloureux vaut bien plus qu’un succès agréable. Personne ne peut savoir ce qui va "marcher" en affaires. Au lieu de ça, on improvise. On tente des choses. La majeure partie de ce qu’on fait est embarrassante et improductive. Mais que reste-t-il après qu’on se soit débarrassé de tant d’échecs ? Le succès !

De même, dans la vie personnelle, mieux vaut rater son coup. Un homme engage la conversation avec une jolie femme dans un bar. Elle se détourne en bâillant. La prochaine fois, il n’essaiera pas de parler du déficit commercial japonais ! Mais imaginez que la malheureuse ait feint de s’intéresser à ses paroles : il aurait pu finir par l’épouser avant de passer les quatre décennies suivantes à le regretter.

▪ Un autre exemple : le Japon.
Au cours des 20 dernières années, le Japon a dépensé des milliers de milliards pour tenter de revigorer son économie. Il a inventé les taux zéro et l’assouplissement quantitatif pour y parvenir. Et il a fait passer le ratio dette gouvernementale/PIB d’un confortable 60% à un écrasant 235%.

Ces efforts ont été de gigantesques fours ; le PIB nominal stagne depuis 23 ans. (Le PIB ajusté à la déflation a légèrement progressé, mais dans la mesure où le but avoué de ces programmes était d’éliminer la déflation, les politiciens japonais n’ont pas vraiment de raisons de se féliciter). Les déficits gouvernementaux sont encore aux environs de 8% du PIB…

Et avec le déclin de la population, il est presque impossible que la croissance économique tienne le rythme de la croissance de la dette.

Aucun pays, depuis la début de la révolution industrielle au 18ème siècle… ou depuis le début de l’Etat-Providence au 19ème siècle… ou le début de l’expansion du crédit en 1949…

Tout ce que le Japon a fait ces 25 dernières années pour relever ce défi a échoué

… ne s’est jamais trouvé confronté à un tel défi. Et tout ce que le Japon a fait ces 25 dernières années pour relever ce défi a échoué.

Mais où est la douleur ? Il n’y en a pas. Ah, voilà bien le problème. No pain, no gain. Rien n’est appris. Rien n’a changé.

Le gouvernement a pu profiter de dépenses supplémentaires sans augmenter les impôts. Les entreprises ont profité de renflouages et de prêts bon marché. Le secteur des ménages a profité de prix bas.

Qu’apprend-on d’une telle situation ? Rien. On continue simplement de faire ce qui ne fonctionne pas. Comme Jeff Bezos, on continue à lever de l’argent et à le dépenser ; les décennies passent… et on se demande pourquoi ça ne fonctionne pas.

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