La Chronique Agora

Amazon s’enflamme… et signe un marché qui a atteint son maximum

▪ « Ce qui est mauvais pour Obama est bon pour Wall Street ! ». Voilà un titre choc glané au hasard des commentaires figurant sur les principaux portails d’information financière anglo-saxons. Si vous pensez que cela ressemble à une accroche à la Fox TV, vous êtes bien dans la tonalité du média… mais il provient d’un éditeur beaucoup plus modéré : il s’agit de CNBC.

De nombreux stratèges font le pari que le tandem parti républicain/Tea Party ira jusqu’au bout dans son refus d’inclure une hausse de la fiscalité touchant les plus privilégiés dans une solution globale pour réduire l’endettement des Etats-Unis.

Barack Obama multiplie les points de presse pour prendre l’opinion à témoin ; les républicains (le GOP, Great old party) font de même… Et chacun des deux camps accuse l’autre de s’arc-bouter sur des principes idéologiques et privilégier les calculs politiques au détriment de « l’intérêt supérieur de la nation ».

Cela peut durer comme cela encore quatre ou cinq jours. Si le blocage des négociations va à son terme, c’est la Maison Blanche qui se retrouvera acculée et devra accepter un compromis suicidaire électoralement.

Ce sont en effet les classes moyennes et défavorisés qui seront spoliées par les coupes budgétaires exigées par les conservateurs pour valider l’extension du plafond de la dette.

Ils manoeuvrent de façon à ce que Barack Obama se retrouve dès le printemps prochain de nouveau confronté au problème de l’impasse budgétaire, à quelques mois des élections… avec le risque de voir les difficultés ressurgir précocement si la croissance n’est pas au rendez-vous pour cause de contraction des recettes fiscales.

Le FMI a prévenu dès lundi, dans son rapport annuel sur l’économie américaine, que les Etats-Unis risquaient de subir « un choc grave » si le Congrès ne réglait pas à temps la question du plafond de la dette.

Mme Christine Lagarde a réitéré cet avertissement mardi en insistant sur les répercussions qu’un défaut de paiement des Etats-Unis aurait sur l’ensemble des économies de la planète.

▪ La réponse de Wall Street depuis fin juin est invariablement : « même pas peur ».

Les Etats-Unis n’ayant désormais le choix qu’entre un mauvais compromis et un bon chaos obligataire (en cas de défaut), le raisonnement des opérateurs est le suivant : face à la montée des taux qui se profile — quelle que soit l’issue envisagée d’ici le 2 août –, la Fed n’aura guère d’autre choix que d’inonder le marché de liquidités. Cela afin de maintenir le rendement des T-Bonds au sein de la fourchette que nous connaissons depuis mars 2009 : le 10 ans sous les 3,8% et le 30 ans sous les 4,60%.

Bien sûr, Wall Street pourrait traverser une période de turbulences, mais les indices américains sont actuellement proches de leurs records annuels. Une correction de 5% ou 10% n’invaliderait pas la tendance haussière et ramènerait — en théorie — le marché dans une zone d’achat.

Cela revient à faire le pari que casser les jambes d’un sprinter lui permettra de courir plus vite… parce que le bon docteur Bernanke lui prescrira un mélange de morphine (contre la douleur) et d’amphétamines (pour une convalescence plus sportive).

▪ L’économie américaine boitille depuis des mois mais il n’est pas encore question de fracture. C’est peut-être ce qui explique la parution d’un bon indice de confiance du consommateur américain. Le baromètre du Conference Board est ressorti à 59,5 en juillet, contre 57,6 en juin, alors que les économistes l’attendaient plutôt en baisse autour de 56.

Aucune embellie en vue sur le front de l’immobilier : les ventes de logements neufs ont reculé de 1% à 312 000 unités en rythme annualisé le mois dernier. La seule bonne surprise provient de la hausse de 1% du prix des maisons aux Etats-Unis au mois de mai.

Selon S&P/Case-Shiller, qui réalise l’enquête, un raffermissement du marché est traditionnel au printemps. Les écarts en question n’ont donc rien d’inhabituel ni de très spectaculaire.

Pendant que l’on s’interroge sur la nature des moteurs de la croissance aux Etats-Unis au second semestre, Wall Street se focalise sur les résultats trimestriels. Ils sont comme de coutume « meilleurs que prévus », surtout ceux prédits à l’intention des non-initiés ».

Mais comme le rappelait Marc Mayor https://la-chronique-agora.com/mauvais-signe-les-insiders-vendent-leurs-titres/, avec les dizaines de milliards investis dans des rachats de titres (cela ne crée pas un emploi mais cela dope mécaniquement le bénéfice par action), ce serait un prodige si les profits ne donnaient pas globalement le vertige.

Cependant, les premiers signaux d’alerte commencent à clignoter sur le grand tableau des valeurs du S&P 500. Les banques déçoivent et les constructeurs automobiles voient leurs bénéfices se contracter (c’est le cas de Ford) ou leurs comptes retomber dans le rouge (à l’image de Chrysler, plombée par le coût de son endettement).

▪ Wall Street a fait illusion jusqu’à l’heure du café, mais a soudain perdu pied au cours des 90 dernières minutes sous la pression d’une nouvelle vague de dégagements de précaution. Le Dow Jones termine en repli de 0,73% (General Electric chutant de 2,2%) ; le S&P lâchait quant à lui 0,4% à 1 332 points, pratiquement au plus bas du jour.

Le Nasdaq est passé du vert clair ou rouge pastel à l’issue du dernier quart d’heure. Il avait pourtant passé l’essentiel de la séance en territoire positif grâce à la hausse d’Apple, qui franchit le cap des 400 $ (+1,25% à 404 $), et à l’envolée de Broadcom (+9,4%) après publication de ses bons trimestriels lundi soir.

Le Nasdaq aurait pu terminer positif s’il avait pu bénéficier de la montée en flèche d’Amazon (+6%). Le groupe anticipe une hausse de 15% à 20% de son chiffre d’affaires au troisième trimestre 2011. Son cours franchit, comme pour Apple, un cap symbolique : celui des 222 $ (en transactions hors séance).

Ces deux titres assurent à eux seuls un bon quart des gains indiciels du Nasdaq depuis mars 2009 ! Ceux qui les ont vendus prématurément — après 100% de gain dès fin octobre 2009 — ne font pas mieux que le CAC 40 depuis cette période.

C’est pourquoi nous pensons que certains « biais indiciels » (une poignée de titre servant de leviers) entretiennent une griserie très utile pour masquer nombre de performances bien moins glorieuses… notamment de cette majorité de titres qui sont encore loin d’avoir retrouvé leurs niveaux de septembre 2008.

Beaucoup d’actionnaires américains sont en réalité bien moins riches que ne le suggèrent les performances ébouriffantes du Nasdaq 100.

Cela nous rappelle un célèbre précédent : lorsque les cinq plus grosses valeurs technologiques du CAC 40 pesaient plus de la moitié de la capitalisation parisienne en septembre 2000 (tout comme les valeurs financières en juillet 2007). Quand ce genre de distorsion apparaît puis se radicalise, c’est le signe imparable que les marchés ont atteint le maximum de leur potentiel.

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