La Chronique Agora

Allez comprendre

** Nous avons envisagé de ne pas revenir.

* Tout contre les Andes, des viticulteurs comme notre voisin de palier, Donald Hess, font certains des meilleurs vins au monde. Le palier en question est assez loin — à environ 40 minutes en voiture. Mais ça en vaut la peine. Non seulement vous pouvez refaire vos réserves de vin, mais Hess fait également tourner un excellent restaurant.

* Plus tard, une fois revenu chez nous, nous nous sommes assis devant la cheminée et avons somnolé.

* Peut-être était-ce le manque d’oxygène (il faut quelques jours pour s’habituer à l’altitude), ou peut-être était-ce le vin de Donald Hess… quelle qu’en soit la cause, nous sommes parti dans un tel état de relaxation que Juanita, qui s’occupe de la cuisine, a pensé qu’il fallait s’inquiéter.

* "Señor Bonner ?" a-t-elle demandé.

* Voyant que nous nous réveillions facilement, elle a été rassurée, et nous a offert une tasse de thé — du mate, bien entendu. Nous l’avons bu, ajouté quelques bûches sur le feu… et nous sommes rendormi.

* Le lendemain matin, nous sommes monté à cheval et sommes parti dans une petite vallée à environ deux heures à l’est.

* "C’est là que je suis né", déclara Jorge, montrant ce qui semblait être un tas de briques d’adobe délabré. Jorge, âgé de 54 ans, avait un sourire si large que nous nous sommes demandé quelle avait été son enfance.

* "J’ai vécu là jusqu’à mes 17 ans. Ensuite, on a déménagé dans la vallée".

* Nous chevauchions depuis une heure environ. L’endroit où Jorge a grandi était à une heure de cheval du ranch, lequel est à 40 minutes en voiture de notre premier voisin, lui-même à plus de quatre heures de la grande ville la plus proche. Jorge ne devait pas avoir d’autre moyen de transport qu’un cheval. Il devait ne pas aller à l’école… ou pas souvent. Il ne devait pas avoir accès à la télévision, ou à des soins médicaux.

* Même ainsi, en tant qu’intendant du ranch, Jorge a une maison où vivre — basique, mais pas épouvantable. Il n’a pas de télévision, mais il réussit à capter quelques stations de radio. Son électricité provient de la même source que la nôtre — un générateur que nous avons installé sur la propriété l’an dernier. Son eau chaude provient d’un chauffage solaire installé sur son toit.

* (Le chauffage solaire était censé être bon marché. Mais ce n’est pas le cas. Il y a toujours quelque chose qui ne va pas. Et chaque fois qu’une avarie se produit, un ingénieur doit parcourir les cinq heures de voiture depuis Salta).

* Nous connaissons aussi les finances de Jorge — puisque nous payons son salaire. Il gagne moins qu’un éboueur américain… moins qu’un serveur de hamburgers… soit 500 $ par mois. Mais nous sommes prêt à parier que sa valeur nette est bien meilleure que celle de la plupart des Américains. Jorge ne peut pas dépenser d’argent — et ne peut pas non plus en emprunter. Il n’y a nulle part où le dépenser. Et aucune banque ne voudrait lui en prêter. Pourtant, il est là — une image vivante de la santé et du bonheur, toujours le sourire aux lèvres, avec toujours un mot gentil pour tout le monde.

* "Il faudrait vraiment augmenter Jorge", déclarait notre gestionnaire en Argentine. "Il n’a pas été augmenté depuis trois ans, et l’inflation se situe entre 10% et 20% par an. Personne n’en est tout à fait sûr, parce que le gouvernement ment sur les chiffres. Mais quoi qu’il en soit, Jorge devrait gagner plus".

* "Oui, absolument", avons-nous répondu. "Mais Jorge est déjà plus riche que quiconque d’entre nous. Nous n’avons jamais rencontré une personne plus heureuse et plus généreuse. Et de toute évidence, l’argent n’a rien à y voir".

** Pendant ce temps, USA Today nous apprend que les PDG président peut-être des désastres, mais qu’ils ne sont pas près de partager les misères de leurs actionnaires. Le salaire des dirigeants des 50 plus grandes sociétés américaines atteint en moyenne 15 millions de dollars, selon le journal. Et peu importe, apparemment, que les actionnaires gagnent de l’argent ou non. Prenez le PDG de KB Homes, par exemple. La société a perdu 929 millions de dollars l’an dernier. Le cours de l’action a chuté de 70%. Pourtant, Mezger, son PDG, est payé 1 000 fois plus que Jorge.

* Allez comprendre.

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