La Chronique Agora

L’Allemagne renoncera-t-elle au salaire minimum pour les réfugiés ?

populismes réfugiés

L’accueil d’un million de réfugiés constitue un défi de taille pour l’Europe et l’Allemagne. Il ne suffit pas d’exprimer de bons sentiments par une politique d’ouverture pour que celle-ci réussisse. Le succès dépend de la capacité des réfugiés à s’inclure dans notre société dans un contexte où les tentations d’un repli identitaire sont extrêmement fortes sur le vieux continent.

Un éventuel échec en matière d’inclusion des étrangers radicaliserait sans aucun doute ces tentations. C’est pourquoi il est vital de démonter les barrières de nature à mettre en péril la réussite de l’ouverture des politiques migratoires. L’inclusion des étrangers sera d’autant plus facile que les marchés seront ouverts pour permettre à chacun de trouver sa place.

Quel rapport avec le salaire minimum, me direz-vous ?

Il est avéré que le salaire minimum est une barrière à l’embauche pour les travailleurs les moins qualifiés : ceux dont la productivité n’égale pas le prix arbitrairement fixé par l’Etat. C’est pourquoi les autorités fédérales allemandes réfléchissent aujourd’hui à exempter les réfugiés peu qualifiés du salaire minimum légal.

C’est une proposition raisonnable pour la Confédération des associations d’employeurs allemands (BDA) qui avance néanmoins l’idée que cette exemption devrait concerner tous les travailleurs. Après tout, si le salaire minimum nuit aux peu qualifiés de manière générale, il n’y a aucune raison de traiter différemment les locaux et les immigrés.

Cette proposition fait écho à un rapport du Fonds monétaire international, publié le 20 janvier 2016, qui recommandait lui aussi de permettre aux réfugiés de déroger au salaire minimum. Le rapport reprenait ainsi une idée émise par le Conseil allemand des experts économiques qui consiste à traiter les réfugiés comme des chômeurs de longue durée, ce qui permettrait de déroger au salaire minimum pour accroître leur employabilité.

En dérogeant au salaire minimum, on permettrait à certaines populations jusque-là exclues du marché de l’emploi d’accumuler de l’expérience, des compétences et de développer ainsi de nouvelles qualifications utiles pour grimper progressivement les barreaux de l’échelle sociale.

Cette idée est par exemple déjà mise en oeuvre dans le cadre de l’apprentissage qui permet aux entreprises de former leurs apprentis en dérogeant au salaire minimum le temps d’accroître leurs qualifications. Ce dispositif répandu outre-Rhin explique en partie le faible taux de chômage des jeunes Allemands (6,9% contre 25,9% en France en novembre 2016, selon Eurostat).


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Le mythe de l’immigré bon marché voleur du travail des autres a la peau dure

Bien sûr l’idée d’assouplir les réglementations pour faciliter l’inclusion des étrangers ne plaît pas à tout le monde. C’est notamment le cas de la Confédération syndicale allemande (DGB) qui avertit sur le risque de conforter les populismes et le discours protectionniste traditionnel sur l’immigré bon marché qui viendrait voler le travail des locaux.

La confédération omet néanmoins de préciser qu’elle fait partie des forces qui agissent régulièrement dans le sens du protectionnisme salarial. En effet, le salaire minimum neutralise les avantages comparatifs des travailleurs étrangers peu qualifiés (souvent disposés à accepter des rémunérations plus faibles). Par conséquent, le relèvement arbitraire du prix du travail peut inciter les employeurs à discriminer certains profils.

On comprend ainsi le risque qu’induirait ce genre de dérogations : elles reviennent à admettre l’inefficacité du salaire minimum et réduisent la capacité des syndicats à verrouiller les marchés sur le long terme pour mieux exclure les étrangers dont ils redoutent la concurrence.
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Bien sûr le salaire minimum n’est pas la seule forme de barrière à l’entrée. A ces restrictions s’ajoutent de multiples tracasseries administratives : problème de reconnaissance des qualifications professionnelles (le cas typique d’un médecin étranger dont le diplôme n’est pas reconnu en Allemagne) ; délais imposés avant de pouvoir prétendre à un emploi, impossibilité de lancer une entreprise individuelle durant la procédure de demande d’asile, nécessité d’obtenir une autorisation administrative après avoir obtenu une promesse d’embauche… Vendre ses services constitue un parcours du combattant en Allemagne et dans la plupart des pays européens.

Le problème de ces mesures, qui rendent plus difficile l’insertion professionnelle des réfugiés, est qu’elles risquent de compliquer leur coexistence avec les locaux.

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