La Chronique Agora

Alerte rouge sur la liquidité ! (1/2)

Quand les systèmes financiers sont étroitement connectés, la chute d’un petit composant de l’un peut assez vite provoquer d’importants dégâts partout ailleurs.

Les ouragans sont une menace réelle dans certaines régions. Pourtant, ils surviennent toujours durant la saison des ouragans, qui court de juin à novembre dans l’hémisphère nord.

De la même manière, les incendies de forêt sont une menace, mais ils surviennent généralement durant les périodes où les conditions de sécheresse et les vents forts concourent à rendre, sans surprise, les forêts inflammables.

Dit autrement, il est impossible de prédire les dates exactes auxquelles surviendront certaines catastrophes, mais elles sont généralement liées à certaines saisons et conditions.

Au moment même où j’écris ces lignes, nous sommes en plein cœur d’une crise bancaire. Pire même, nous pourrions nous diriger tout droit vers une crise financière pire que celle de 2008.

Une crise financière mondiale représente pour votre épargne et votre bien-être une menace aussi grande qu’un ouragan ou un feu de forêt. Voici quelques signaux d’alerte et facteurs que les investisseurs et les épargnants doivent prendre en compte…

Séisme dans la cryptosphère

Les investisseurs considèrent la faillite de Silicon Valley Bank, survenue le 10 mars dernier, comme le début d’une nouvelle crise bancaire. Mais en y regardant de plus près, on peut arguer que la crise a commencé un an auparavant, en novembre 2021. C’est à cette époque que le Bitcoin a entamé une chute vertigineuse.

Le cours du bitcoin s’est effondré de 77,5% entre novembre 2021 et novembre 2022, de près de 69 000 $ à 15 000 $.

Si vous ne possédez pas de bitcoin, vous allez me dire « et alors ? ». Le problème est que les systèmes financiers sont étroitement connectés, même si les problèmes surviennent dans l’univers des cryptomonnaies. Une faillite de grande ampleur en entraîne une autre et en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, c’est la débandade.

L’effondrement du bitcoin a provoqué une série de krachs.

En mai 2022, le prétendu stablecoin TerraUSD et son pendant Luna ont vu leur valeur fondre de 40 Mds$. En juin 2022, la plateforme d’échange de cryptomonnaies Celsius a gelé tous les retraits, puis le fonds spéculatif en cryptomonnaies Three Arrows a été placé en liquidation forcée. En juillet 2022, la plateforme d’échange de cryptomonnaies Voyager a subi une ruée sur ses dépôts et a déposé le bilan.

Le mois de novembre 2022 a été le théâtre de la plus grosse débâcle de l’histoire des cryptomonnaies, quand la plateforme d’échange FTX a déposé le bilan. Il pourrait s’agir de la plus grande fraude de l’histoire. Les liquidateurs et les commissaires aux comptes sont encore en train de démêler les fils de mensonges et de virements frauduleux. Il manque au moins 5 Mds$, et le total pourrait être bien plus important.

La débandade se poursuit dans l’univers des cryptomonnaies. La plateforme d’échange de cryptomonnaies Genesis a déposé le bilan en janvier 2023. En mars dernier, le stablecoin USDC a vu sa valeur unitaire passer largement sous les 0,90 $. C’est un véritable désastre, car la raison d’être d’un stablecoin est de maintenir une valeur de 1 $ en tout temps.

La crise des cryptomonnaies se propage au système bancaire traditionnel

Le virus de la contagion financière a fini par se propager de la cryptosphère au monde de la banque traditionnelle. C’est Silvergate Bank qui a propagé le virus, annonçant son dépôt de bilan le 9 mars dernier.

Silvergate est une banque réglementée, garantie par la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) et membre du système de la Réserve fédérale. Il s’agit également d’une banque qui octroyait des prêts en cryptomonnaies et proposait d’acheter ou de vendre des cryptomonnaies contre du dollar.

Partant de là, le virus de la liquidité a infecté le système bancaire américain, et les dominés sont tombés les uns après les autres. Voici une brève chronologie des faillites de banques traditionnelles depuis début mars :

9 mars : Silvergate Bank se déclare insolvable et dépose le bilan.

10 mars : Silicon Valley Bank est placée en liquidation par la FDIC.

12 mars : Signature Bank est placée en liquidation par la FDIC.

19 mars : UBS rachète Crédit dans le cadre d’un mariage forcé.

1er mai : First Republic est placée en liquidation par la FDIC.

L’incohérence de la politique de la Fed

En réponse à cette succession de faillites, les autorités réglementaires ont pris des mesures extraordinaires, sans précédent. La Réserve fédérale a ouvert une facilité permettant aux banques membres d’obtenir des prêts garantis par des titres du Trésor américain. Cette facilité a ceci d’inhabituel que la valeur des prêts est égale à 100% de la valeur nominale des titres portés en garantie, alors même qu’ils ne sont valorisés qu’à 80% de leur valeur nominale par le marché. La Fed prête donc plus que la valeur des titres portés en garantie.

Cette facilité pourrait conduire la Fed à imprimer des milliers de milliards de dollars supplémentaires pour réaliser les prêts. Cette politique de la planche à billets intervient au moment même où la Fed prétend réduire la masse monétaire dans le cadre de son combat contre l’inflation. La Fed réussit donc le tour de force de resserrer et d’assouplir sa politique monétaire en même temps.

C’est le genre d’incohérence qui résulte d’une politique d’intervention sans entrave sur les marchés.

Nous verrons la semaine prochaine les risques que pourrait faire peser une nouvelle crise financière sur les épargnants.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile