La Chronique Agora

Alcatel-Lucent gâche la neuvième séance de hausse du CAC 40

banques centrales

▪ La fin du mois de novembre 2012 s’est apparentée de façon assez troublante à une fin d’année fiscale. Nous avons assisté à une hausse linéaire durant une dizaine de séances, caractérisée toutefois par des volumes anémiques, les vendeurs se mettant aux abonnés absents dès qu’ils identifient l’ébauche d’un rally algorithmique.

La séance de vendredi devait constituer le couronnement du mouvement amorcé le 19 novembre dernier vers 3 340 points, avec un test des 3 600 points pour finir en beauté (histoire de retracer le zénith des 16 mars et 14 septembre dernier).

Mais la fête a été gâchée par le titre Alcatel-Lucent en fin de journée à Paris. Il y a eu un effondrement complètement inexpliqué des cours entre 16h40 et 17h35, ainsi que des volumes surréalistes durant le fixing. Un scénario improbable qui transpire à plein nez la manipulation de cours et le délit d’initié (ou les deux à la fois).

Les opérateurs ont pu savourer durant plus de huit heures et quart (de 9h à 17h15) la matérialisation d’une neuvième hausse sur une série de 10. Mais l’indice CAC 40 a lâché 0,6% en ligne droite au cours de la dernière heure et perdu 0,33% (à 3 557 points) au final.

Alors qu’une clôture positive semblait encore possible à 17h29 (avec un repli symbolique de 0,08%), le CAC 40 a reperdu 0,25% supplémentaire durant le fixing.

▪ Alcatel-Lucent gâche la fête du CAC 40
Cette mésaventure s’explique donc par l’effondrement d’Alcatel-Lucent à la dernière minute dans un volume  insensé de 170 millions de titres. Cela représente 107 millions — ou 4% du capital — au cours du seul fixing, soit l’équivalent de la totalité des échanges cumulés au cours des quatre séances précédentes.

A cause du seul titre Alcatel-Lucent, le CAC 40 a mis un terme à une série historique de neuf séances de hausse ; le bilan de la semaine se trouvait ainsi ramené de 1,5% à 0,8% — après 5,6% la précédente, soit 6,5% en 15 jours.

▪ L’euro/dollar nous surprend
L’autre surprise de la séance de vendredi s’est matérialisée sur le marché des changes : l’euro a franchi résolument la barre des 1,30 $, en dépit d’une série de chiffres plutôt positifs publiés aux Etats-Unis la semaine dernière (notamment le PIB américain revu à 2,7%).

Le repli symétrique du dollar aurait dû soutenir Wall Street, mais le Dow Jones finissait stable à 13 025 points (0,03%). Le S&P 500 inscrivait un score strictement identique à celui de jeudi soir, à 1 416 points.

Ce n’est peut-être pas une fin de mois flamboyante, mais les deux seuils techniques et psychologiques majeurs (13 000 et 1 400) ont été préservés.

Il semble donc que les opérateurs se soient appliqués depuis 48 heures à verrouiller les gains de cette fin de mois de novembre tout à fait exceptionnelle. En effet, nous assistons à une hausse de 1,2% pour le Nasdaq au global, 0,25% pour le S&P 500 qui revient de loin, et 3,5% pour le CAC 40 qui comble ainsi une partie de son handicap des neuf premiers mois de l’année.

▪ La fin d’année euphoriserait-elle les marchés ?
Alors que les indicateurs conjoncturels mondiaux sont loin de promettre des lendemains qui chantent, les opérateurs manifestent depuis le 19 novembre un appétit pour le risque quasi univoque. Ils affichent un niveau de confiance jamais observé depuis octobre 2007.

Des indicateurs de stress tels que le VIX ou le V-STOXX (associé à l’Euro Stoxx 50) flirtent avec des planchers plus approchés depuis cinq ans. Cela peut paraître dément compte tenu de ce qui nous savons de l’état des finances des Etats-Unis et du niveau de chômage qui sévit en Europe. Mais vu la manne des superdividendes distribués en toute hâte avant le 31 décembre, il n’est pas surprenant d’entendre ressurgir le leitmotiv concernant la rentabilité inégalable des actions et la conviction que l’essentiel des difficultés de la Zone euro a été surmonté.

Cela fait juste quatre ans que de fortes hausses de cours ponctuelles que personne n’a vu venir font ressurgir ce genre de discours dans la bouche de ceux qui sont tout heureux de voir leur portefeuille prendre 10% sans avoir eu à lever le petit doigt !

▪ Les républicains mènent la valse concernant un compromis sur la falaise fiscale
La question de la falaise fiscale, personne non plus ne l’avait vue venir. Il y a 15 jours, il fallait être idiot pour privilégier les actions, alors que Barack Obama a clairement fait connaître sa détermination à obtenir l’alignement de la fiscalité des dividendes et des plus-values boursières sur celles des revenus du travail — ce qui va bien au-delà des 20% de taxes en vigueur lors de l’entrée en fonction de W. Bush.

Les investisseurs se sont persuadés depuis la mi-novembre que les républicains sauront faire reculer la Maison Blanche — mais personne ne peut jurer de rien.

Wall Street vit depuis mercredi dernier au rythme des communiqués et des petites phrases. Le chef de file des républicains, John Boehner, soumet les marchés à un régime de douche écossaise.

A l’en croire mercredi dernier, tous les espoirs d’un compromis étaient permis. Vendredi, il constate tristement que les négociations sont dans l’impasse et que les démocrates « ne sont pas sérieux » sur la question des économies budgétaires — lesquelles devraient naturellement s’appliquer aux dépenses de santé et aux aides accordés aux citoyens les plus pauvres car il n’est pas question de toucher au budget de la défense ni d’ôter une part du gâteau que se partagent les marchands de canons.

Nous avions lu vendredi que de nombreux stratèges voyaient le mois de décembre démarrer en fanfare, dans le droit fil des deux semaines écoulées. Cependant, nous émettons un doute car le secrétaire américain au Trésor, Tim Geithner, est devenu à la charge ce week-end au sujet de la fiscalité des placements boursiers.

Il confirme que le projet de la Maison Blanche est bien de faire doubler du jour au lendemain la facture fiscale des 2% d’Américains les plus riches, lesquels ne payent que 15% d’impôts sur les plus-values et les dividendes — ce qui peut représenter 90% ou 95% de leurs ressources pour les plus malins, comme un célèbre Mitt Romney.

Tim Geithner continue de soutenir un plan d’économie de 600 milliards de dollars sur 10 ans, tandis que les 2% les plus riches (dont la fortune a doublé en 10 ans) devraient contribuer à hauteur de 1 000 milliards de dollars supplémentaires afin de rééquilibrer les recettes fiscales.

Il reste confiant dans la possibilité de parvenir à un accord d’ici le 31 décembre — en fait, Barck Obama souhaite que le débat soit bouclé avant Noël. La seule chose qui pourrait conduire à un échec serait que les républicains s’opposent à une hausse de l’imposition des plus riches.

C’est exactement ce qu’ils ont l’intention de faire… car ce n’est pas pour rien que les contribuables les plus fortunés financent depuis des décennies les campagnes et élections des parlementaires se déclarant hostiles à toute hausse de la fiscalité — au nom de la croissance cela va de soi !

Oui mais… de la croissance de leur propre fortune et de rien d’autre, affirment les mouvements de type Occupy Wall Street.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile