La Chronique Agora

Activation des CDS grecs : y a-t-il vraiment un risque de contagion ? (2)

▪ La dimension systémique de l’événement de crédit grec est minimisée, avons-nous vu hier. Certes l’activation des CDS Lehman avait provoqué une crise de liquidité sans précédent. Mais vous l’avez compris, ce fut plus à cause du rôle prédominant de Lehman en tant que contrepartie de CDS. On ne s’attend donc pas à un tel phénomène pour l’activation sur les CDS grecs car, pour rappel :

– le montant à indemniser est circonscrit, mis à part les risques des CDS implicites non déclarés ;
– les risques de crise de liquidité type 2007-2008 sont limités à court terme suite aux deux LTRO massifs de la BCE.

Donc ce qui reste à redouter touche plus aux fondamentaux budgétaires et économiques de la Grèce avec la persistance aux yeux des marchés de l’insolvabilité du pays. Et touche également aux risques de contagion à d’autres pays de la zone plus ou moins solvables.

▪ Fallait-il sauver la Grèce ?
Dans un autre article récemment publié sur la Quotidienne d’Agora j’expliquais que le débat faisait rage en Allemagne sur le maintien de la Zone euro en l’état. Ce débat porte essentiellement sur la comparaison entre le coût d’une sortie de la zone et le coût du sauvetage de plusieurs pays.

L’enjeu est de savoir si un pays secouru peut retrouver une situation de solvabilité à moyen terme suite à la mise en place des dispositifs de sauvetage publics (UE-FESF-FMI), privés (abandon de créances des banques, assureurs et autres investisseurs institutionnels) et à l’acceptation de pertes par la BCE. Si oui, l’Allemagne ne peut envisager une implosion de la Zone euro ; si non, elle peut avoir intérêt à réfléchir à une reconfiguration de la Zone euro.

En tout cas, Wolfgang Schäuble, ministre des Finances allemand, ne va pas clarifier ce débat. Il s’est dit convaincu que « les difficiles mesures décidées par la Grèce la mèneront sur la voie de l’assainissement » mais n’a pas pour autant exclu la nécessité d’un nouveau plan d’aide, à peine le second plan version 3 finalisé : « personne ne peut exclure que la Grèce puisse avoir besoin d’un nouveau plan d’aide »…

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Nous persistons à penser que s’agissant de la Grèce, la situation budgétaire est celle d’une insolvabilité structurelle. Il ne sert donc à rien d’aider ce pays comme on l’a fait puisque les structures économiques actuelles et la déliquescence de l’Etat ne permettent pas de créer les conditions de la croissance. On revient sur ce fameux proverbe chinois : « on ne donne pas un poisson à quelqu’un qui a faim, on doit lui apprendre à pêcher ».

On peut et on doit, dans la vraie vie, certes calmer la souffrance… mais on ne doit jamais perdre de vue qu’il faut s’attaquer aux vraies racines du mal. Arrêtons l’obstination aveugle des politiques qui ne veulent pas, pour des raisons politiques (ce sont des hommes… politiques), reconnaître leurs erreurs et décident de continuer à foncer dans le mur. De grâce, aidons la Grèce autrement et faisons-la sortir intelligemment de la Zone euro.

Il s’agirait par exemple de mettre en place de réels dispositifs pour l’aider à revitaliser son économie : zones franches et fiscalité adaptée pour les industriels étrangers (de la Zone euro comme des zones émergentes).

Si on ne fait pas cela, alors il faut anticiper beaucoup de nouvelles fuites en avant sur 2012 voire 2013. Voici quelques scénarios hypothétiques mais probables de ce qui nous attend :

– un nouveau PSI complémentaire sur la dette grecque (après tout il ne reste que 46,5% à perdre d’un point de vue comptable sur les anciens titres grecs détenus) et l’on commence à voir sur le marché secondaire un début de décote des nouveaux titres grecs. Cela veut dire qu’en dépit de la baisse officielle de l’aversion au risque sur les actifs risqués et du « triomphalisme » des politiques, les problèmes de confiance restent persistants, tout simplement ;
– une restructuration des nouveaux papiers d’Etat grecs échéancés entre 2022 et 2042 ;
– la mise en place de nouveaux concours du FMI à condition que ses moyens financiers augmentent vite ;
– la transformation du FESF en banque avec un approvisionnement « illimité » en liquidités adossé à des collatéraux pour refinancer à nouveau la Grèce (on serait ici dans une forme déguisée de quantitative easing façon BCE comme l’ont été dans une certaine mesure les LTRO).

▪ Et nous pouvons aller plus loin : le risque de contamination aux autres pays est réel
En s’obstinant à sauver ce qui ne peut plus l’être, on tue encore un peu plus les marchés financiers (or ceux-ci sont essentiels à l’économie et à son financement, et ce n’est pas parce que l’on a constaté gabegies, excès et inconséquences qu’il faut les supprimer…).

On tue là d’abord le fonctionnement des marchés de la dette souveraine des pays en crise de liquidité mais pas encore de solvabilité. En effet, on imagine mal que les banques reprennent du risque souverain périphérique — en tout cas de la même manière.

Suite au PSI grec, les investisseurs vont désormais intégrer des probabilités plus ou moins fortes de restructuration, haircut et impact négatif sur leurs comptes de résultat en ce qui concerne les dettes souveraines. Et je pense que les pays jugés encore récemment comme très peu risqués (on pense naturellement aux OAT françaises dans un contexte politique et budgétaire incertain) vont aussi en subir les conséquences.

On prend donc là le risque d’institutionnaliser le doute sur le contenu des bilans bancaires. Et on tue (encore une fois !) un marché interbancaire qui ne fonctionne déjà plus et auquel la BCE se substitue de plus en plus.

Bref, ce sauvetage de la Grèce est un fiasco ; pas forcément dans l’immédiat, mais nous allons en payer longtemps les conséquences.
[NDLR : Ne faites pas partie de ceux qui sont heurtés le plus durement ! Mory Doré vous donne ses scénarios — et des moyens de lutter — dans un rapport exceptionnel à découvrir sans attendre]

Première parution dans le Billet du Trader du 22/03/2012.

 

 

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