La Chronique Agora

Activation des CDS grecs : y a-t-il vraiment un risque de contagion ? (1)

Portez-vous volontaires, qu’ils disaient !
Dans un récent article, j’expliquais qu’une participation volontaire d’abandon de créance se situant entre 75% et 90% devait conduire les autorités grecques à activer ce que l’on a appelé les CAC (pour Clauses d’Actions Collectives). L’idée étant de contraire les « volontaires réfractaires » à participer à l’offre et porter le taux de participation au-dessus de 90% (afin de satisfaire l’objectif prévu par le plan de réduction du ratio dette/PIB). C’est ce qui s’est finalement passé.

En effet, les détenteurs de 152 milliards d’euros de titres d’Etat grec régis par la loi grecque (soit 85,8%) et 20 milliards d’euros régis par le droit anglais (69%) avaient accepté « volontairement » l’offre d’échange du PSI. Donc au total, il y a eu 172 milliards d’euros apportés pour un encours total concerné de 207 milliards d’euros, soit 83,4%.

A partir de là, les CAC entraînent le déclenchement des CDS puisqu’une partie de l’échange n’est plus volontaire. Bon, on sait bien que l’on est dans l’hypocrisie la plus totale puisque tout cela revient à faire croire que les 83,4% apportés à l’issue de l’offre d’échange l’étaient volontairement. Mais on ne reviendra pas sur cette mascarade.

Le comité de l’ISDA a donc finalement admis que l’utilisation des CAC était génératrice d’un « événement de crédit » de type restructuration sur les CDS souverains grecs. Des transactions sous forme d’enchères ont donc eu lieu le 19 mars pour déterminer la valeur exacte des indemnités à verser…

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Au 2 mars, le total de ces CDS concernant la Grèce atteignait 3,2 milliards de dollars en net, selon l’organisme de référence américain le DTCC (Depository trust and clearing corporation). En réalité, l’indemnisation sera un peu plus faible — de l’ordre de 2,5 milliards d’euros pour les investisseurs — puisque ces 3,2 milliards d’euros avaient été estimés dans l’hypothèse d’un taux de recouvrement nul. Or le prix des titres grecs concernés par ces enchères de CDS a été fixé à 21,5%, donc il aura fallu verser 78,5% de ces 3,2 milliards d’euros soit 2,5 milliards d’euros. Jusque-là, c’est clair.

▪ De quoi parle-t-on au sujet du déclenchement des CDS ?
Un peu de clarification sur les montants qui sont en jeu. Lorsque l’on parle d’un encours brut de 55 milliards d’euros sur les CDS grecs, on fait référence à la somme totale des transactions réalisées et non dénouées entre un acheteur et un vendeur (je dis bien transaction de façon à ne pas comptabiliser en double vente + achat).

Le montant d’environ 3,2 milliards d’euros estimé début mars correspond à tout autre chose. C’est la position nette ouverte sur ce marché des CDS grecs. Il correspond au montant qui sera versé par les vendeurs de CDS (les assureurs) aux acheteurs de CDS (les assurés) compte tenu des prix moyens auxquels se sont réalisées les transactions et compte tenu du prix estimé de la perte sur les papiers par l’officialisation de l’événement de crédit.

D’un côté, donc, nous avons une statistique d’encours de transactions (nos 55 milliards d’euros) et de l’autre une estimation du montant des indemnités à verser (nos 3,2 milliards d’euros).

Tout le problème est de savoir s’il n’y a pas une ou deux contreparties qui sont anormalement exposées sur les ventes de CDS sur la dette grecque. Et sur ce sujet, il faut bien avouer qu’il est quasiment impossible de le savoir — sauf si l’on est soi-même ce vendeur.

On remarquera néanmoins que le ratio CDS nets/CDS bruts est plutôt faible sur la dette grecque — autour de 5,82% (3,2/55). Cela est peut-être dû au fait qu’il y avait sur les dérivés grecs plus de spéculation (transactions dénouées rapidement) que de couverture (transactions en général portées jusqu’à l’échéance ou jusqu’au déclenchement de l’événement de crédit).

▪ Quelques repères statistiques
Selon les données du DTCC, la position ouverte brute sur le marché des CDS souverains était évaluée autour des 2 500 milliards de dollars pour un volume net (donc d’indemnisations potentielles) de l’ordre de 275 milliards de dollars au troisième trimestre 2011, soit un ratio net/brut bien plus élevé que pour la Grèce, à 10,9%.

Parmi les pays de la Zone euro, les positions nettes les plus importantes sont celles des pays à stock de dette important : l’équivalent de 18 milliards d’euros au troisième trimestre 2011 pour l’Italie et de l’ordre du même montant pour la France. Pas inutile non plus de savoir que pour des pays déjà secourus par le FESF, les positions nettes sont estimées, toujours au troisième trimestre 2011, autour de trois milliards d’euros (Irlande) et quatre milliards d’euros (Portugal). En tout cas le déclenchement de l’événement de crédit a été dédramatisé par les marchés.

1/ Le parallèle avec l’activation des CDS sur la signature Lehman en septembre 2008 est souvent fait. Il faut avoir en tête que les montants à indemniser sont effectivement comparables : 3,2 milliards d’euros net sur les CDS de la Grèce contre 5,2 milliards de dollars sur ceux de Lehman.

2/ Mais là où la situation est moins stressante, c’est qu’avec la faillite de Lehman disparaissait une contrepartie clé sur les dérivés de crédit et autres dérivés. Il s’agissait d’un risque systémique de nature différente du défaut de la signature grecque. Car il ne s’agissait pas seulement d’indemniser des investisseurs acheteurs de protection sur Lehman : tous ceux qui avaient des couvertures (que ce soit sur des taux, crédit, equity, change) avec Lehman comme contrepartie voyaient la valeur de leur assurance réduite à néant. Pour vous donner une métaphore, ce n’était plus seulement le droit de l’assuré d’être indemnisé suite à l’incendie de sa maison qui était en cause, c’était aussi le fait que l’assureur qui devait vous indemniser n’existait plus.

3/ Puisque l’on fait le parallèle avec Lehman, faisons remarquer qu’il y a les CDS officiels déclarés. Est-on sûr qu’il n’existe pas de situation comparable à celle de septembre 2008 avec les CDO synthétiques qui contenaient des CDS « cachés » ? (On dit en finance « implicites », ça fait savant et ça fait moins peur). Il peut, dans le cas de la Grèce, exister effectivement des produits structurés de type credit link note avec first to default. Cela signifie que l’investisseur a acheté des titres structurés avec forte rémunération tant qu’un événement défavorable n’est pas survenu.

On pouvait craindre que certaines banques aient dans leur bilan ce type de produits structurés qui ne rapporteraient plus rien en rémunération dès l’officialisation du défaut et qui pourraient même leur coûter cher en capital.

J’entends dire que l’époque des CDO synthétiques de 2008 (qui avaient un très fort leverage) n’existe plus. Je veux bien le croire… mais combien de fois ai-je vu du risque que l’on avait viré par la porte repasser par la fenêtre !?

Nous verrons la suite dès demain…

Première parution dans le Billet du Trader du 23/03/2012.

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