La Chronique Agora

Un acte de guerre

Nord Stream, inflation, ovnis

Des pipelines détruits, des ovnis abattus, des chiffres de l’inflation révisés et quarante siècles d’histoire…

« Soldats, songez que du haut de ces pyramides, quarante siècles vous contemplent. »
~ Napoléon Bonaparte

Le premier week-end de ce mois de février aura été animé. Objets volants non identifiés… Super Bowl… Et les chiffres de l’inflation du mois de décembre, qui faisaient état d’une baisse précédemment, ont été ajustés : ils font désormais état d’une hausse. Yahoo Finance :

« Après les ajustements saisonniers publiés par le BLS, les chiffres de l’inflation, qui indiquaient une baisse de 0,1% en rythme mensuel en décembre, font désormais état d’une hausse de 0,1%. »

Mais l’actualité du week-end a été éclipsée par l’actualité de la semaine précédente.

Voici le sujet le plus brûlant, présenté par le journaliste Seymour Hersh :

« Comment les Etats-Unis ont mis la main sur le gazoduc Nord Stream.

Le New York Times parle de ‘mystère’ mais les Etats-Unis ont mené une opération en mer secrète qui l’est restée… jusqu’à maintenant. »

Un coup de maître

Ce n’est pas tous les jours que les Etats-Unis commettent un acte de guerre contre deux des plus grandes puissances du monde. Ce n’est pas tous les jours non plus que les Etats-Unis attaquent leurs propres alliés.

Si c’était bien le cas, faire sauter le gazoduc Nord Stream serait une attaque non seulement contre la Russie, mais également contre l’Allemagne. L’Allemagne s’approvisionne en énergie auprès de la Russie. C’est ce qui permet à l’économie allemande de tourner. L’Allemagne est un allié des Etats-Unis et un membre de l’Otan.

L’article est de Seymour Hersh, un journaliste d’investigation de renom qui n’en est pas à son coup d’essai en matière de controverse. Il a remporté le prix Pulitzer pour avoir alerté l’opinion publique sur le massacre de My Lai [NDLR : lors de la guerre du Vietnam]. Il a également révélé au grand jour les tortures des prisonniers d’Abou Ghraib [NDLR : en 2003]. Dans les deux cas, le gouvernement américain a nié en bloc.

La suite des événements a montré que Seymour Hersh disait la vérité sur ces deux scandales. Il est impossible de savoir quelles seront les conséquences de cette nouvelle révélation (un acte de guerre inconstitutionnel perpétré par un président américain en exercice est un motif de destitution). Peut-être qu’il n’y en aura aucune.

Mais si cela se révélait vrai… Quel courage ! Quelle audace ! Les « experts » en politique étrangère qui conseillent nos élites doivent être sacrément fiers d’eux. Victoria Nuland, Anthony Blinken, Jake Sullivan et le « patron », Joe Biden en personne. Ils auraient ainsi réalisé un véritable coup de maître. En un instant, cette explosion a coupé l’Allemagne de la Russie, la rendant ainsi dépendante des ressources américaines de carburant, et a privé la Russie des revenus provenant de ses exportations, frappant et humiliant en pratique les deux pays.

N’oublions pas

Cela pourrait être une source de fierté similaire à celle qu’a ressentie George W. Bush lorsque les États-Unis ont envahi l’Irak. Jack Wheeler a déclaré que Bush était un « génie géopolitique » pour avoir instauré une démocratie à l’américaine en plein cœur du monde musulman. Jack devait s’imaginer que les cafés glauques de Bagdad se transformeraient tous en Starbucks, remplis de jeunes entrepreneurs travaillant sur leurs ordinateurs portables et de femmes (en shorts et t-shirts) retirant de l’argent à des distributeurs pour faire du shopping dans des centres commerciaux, avec des manucures immaculées.

Rien que d’y penser, les conseillers va-t-en-guerre devaient jubiler.

Malheureusement, les choses ne se sont pas passées comme prévu.

Il y a aussi eu les « experts » de la Wehrmacht. Ils pensaient qu’en envahissant la Russie, Hitler mettrait la main sur les ressources dont l’Allemagne avait tant besoin, tout en privant son rival bolchévique de ces mêmes ressources.

Là aussi, les choses ne se sont pas passées comme prévu.

Et n’oublions pas la campagne égyptienne de Napoléon. Il pensait pouvoir faire main basse sur le couloir d’approvisionnement clé qui s’étendait de la Méditerranée à la mer Rouge, et ainsi menacer les possessions britanniques en Inde. Là aussi, ce fut un éclair de génie… jusqu’à ce que la flotte de Horatio Nelson intervienne, privant les Français de leurs propres ressources et de leur ligne de retraite.

Napoléon était connu pour son audace et pour sa propension à perdre des armées. Il les plaçait au mauvais endroit, les exposant au danger alors qu’il tentait un coup audacieux. Espagne, Egypte, Russie… Il a perdu toutes ces campagnes.  Puis, il a fini par perdre la France.

Ici, à La Chronique Agora, la politique intérieure et la politique étrangère ne nous intéressent que lorsqu’elles sont sources de divertissement ou qu’elles affectent l’économie. Observer le Congrès dans ses œuvres s’apparente à observer les pires patients d’un asile psychiatrique. C’est amusant, mais c’est un plaisir malsain. Ce sont des idiots pour la plupart, mais ce n’est pas de leur faute.

Nécessaire, mais pas suffisant

Malheureusement, la stupidité ne suffit pas à faire un bon membre du Congrès. Il faut également faire preuve d’une capacité extraordinaire à mentir… et il vaut mieux être aveugle.

En tant que membre de l’élite, il y a deux choses que vous n’êtes jamais censé voir ou évoquer. Ce sont pourtant les choses qui provoquent le plus de dégâts : la guerre et l’inflation.

La Constitution américaine confère clairement aux représentants du peuple une autorité exclusive sur ces deux sujets. Le Congrès est censé contrôler l’argent. Pourtant, la Fed est responsable de la plus forte poussée d’inflation des 40 dernières années et le Congrès n’a pas bronché une seule fois. Concernant l’explosion du gazoduc Nord Stream, si ce fut un véritable acte de guerre décidé à Washington, les représentants élus du peuple n’ont pour autant jamais été consultés. Ils n’en ont pas débattu, n’en ont rien su et ne veulent rien savoir sur le sujet.

La décision aurait donc été prise unilatéralement par la Maison-Blanche…

Il y a près d’un siècle, l’illustre écrivain anglais G.K. Chesterton a écrit un article intelligent sur les « vingt façons de tuer une femme ». Par pendaison. Par décapitation. Ainsi de suite. Ce fut un exercice très divertissant pour lui. Un véritable triomphe de l’imagination. Mais il n’a pas mis cela en pratique. En considérant cela comme un exercice intellectuel plutôt que comme un projet professionnel, il a pu apprécier le défi, tout en conservant l’affection et les faveurs de sa femme, Frances. S’il avait essayé de passer à l’acte, il aurait eu bien du mal à se débarrasser de 20 corps et aurait probablement fini ses jours en prison.

Hélas ! Si nos responsables de la politique étrangère ont mis en pratique quelque chose qui aurait dû rester du ressort d’un fantasme à la James Bond et ont fait sauter le gazoduc, ce sont les Etats-Unis qui devront répondre de leurs actes, d’une manière ou d’une autre, tôt ou tard, pour ce qui constitue un acte obtus d’agression contre deux nations.

Que dirions-nous si nos connexions internet cessaient soudainement de fonctionner ? Imaginez qu’un « accident » vienne subitement paralyser le réseau d’électricité ? Imaginez que le système bancaire et que tous les distributeurs de billets tombent en panne ?

Les infrastructures du monde entier sont-elles désormais toutes en danger ?

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