La présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, a demandé aux responsables de l’institution d’éviter d’exprimer des opinions divergentes sur les décisions de politique monétaire pendant les jours qui suivent celles-ci.
C’est un rappel à l’ordre que certains considèrent comme un frein à une présentation sincère des débats, a-t-on appris de plusieurs sources.
À son arrivée à la tête de la BCE fin 2019, Christine Lagarde s’était engagée à favoriser le consensus, la fin de mandat de son prédécesseur, Mario Draghi, ayant été marquée par des divergences au sein des organes de décision.
Mais elle a dû faire face ces derniers mois à des prises de position dissonantes de « faucons » du Conseil des gouverneurs, qui jugent la stratégie de la BCE trop accommodante face au niveau record de l’inflation, ainsi qu’à des fuites persistantes sur la teneur des débats internes.
Elle a donc demandé aux responsables concernés de privilégier l’opinion majoritaire dans leurs déclarations publiques au cours des jours qui suivent les décisions de politique monétaire, annoncées le jeudi, et de s’abstenir d’exprimer des opinions « personnelles » jusqu’au lundi suivant, a-t-on appris de quatre sources directement informées.
La présidente a également demandé de pas faire « fuiter » les détails des débats internes à la presse, ont précisé ces sources.
Un porte-parole de la BCE s’est refusé à tout commentaire.
Les instructions de Christine Lagarde sont informelles, ce qui implique que les responsables concernés ne risquent aucune sanction s’ils ne les respectent pas. Mais il semble bien qu’elles aient déjà eu de l’effet. Cliquez ici pour lire la suite…
Après l’annonce le 14 avril par la BCE de son intention d’arrêter ses achats d’obligations au troisième trimestre et de commencer à relever ses taux « quelque temps » après, plusieurs faucons, comme Joachim Nagel, le président de la Bundesbank allemande, et Pierre Wunsch, de la Banque nationale de Belgique, ont attendu cette semaine pour appeler à une accélération du resserrement monétaire, comme l’avait fait leur homologue néerlandais, Klaas Knot, en février.
Les critiques de l’initiative de Christine Lagarde soulignent que ses demandes affaiblissent les opinions divergentes puisque ces dernières ne sont autorisées à s’exprimer qu’une fois bien engagés les cycles ouverts par les nouvelles décisions.
Ils ajoutent qu’elles sont contre-productives puisqu’elles incitent les responsables visés à partager leur opinion avec des journalistes en requérant l’anonymat.
« Est-ce qu’on veut des fuites ? Parce que c’est le bon moyen d’en avoir », a dit l’une des sources, qui a elle-même demandé à ne pas être identifiée. « Si les gens ne peuvent pas parler ouvertement, ils vont continuer de parler en utilisant d’autres canaux. »
Les soutiens de Christine Lagarde estiment de leur côté que les critiques exprimées juste après les décisions du Conseil affaiblissent celles-ci et sèment le doute. Ils ajoutent que le délai de quelques jours demandé par la présidente permet à l’opinion publique de mieux comprendre et d’accepter les résultats du Conseil.
« Une fois que nous avons pris une décision, nous devons nous y tenir, même si certains d’entre nous ont des opinions différentes », a dit une autre source. « Le problème, c’est que c’est facile à dire mais pratiquement impossible à mettre en pratique. »
Aux Etats-Unis, seul le président de la Réserve fédérale est autorisé à s’exprimer publiquement pendant un jour et demi après l’annonce des décisions de politique monétaire, afin que les marchés puissent intégrer celles-ci.
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