▪ 2010 sera marquée par un regain de crise. Cependant, loin de penser qu’il n’y a rien à faire — sauf de courber l’échine en attendant que s’abatte la hache des marchés ou celle du bourreau fiscal –, nous estimons à MoneyWeek qu’il faut s’y préparer et saisir à bon escient les opportunités qui se présenteront.
Avant de présenter nos arguments pour vous dire pourquoi 2010 verra le retour de la crise, je voudrais faire une remarque concernant le discours des optimistes, qui estiment que le pire est derrière nous. Ces optimistes ont tous quelque chose à vous vendre. Les politiques veulent vous vendre qu’ils ont réussi à vous protéger en prenant des mesures, certes coûteuses, mais efficaces.
Les conseillers financiers veulent vous vendre le dernier produit que leur banque a décidé de placer. Les banquiers veulent vous vendre des actions, des obligations, des comptes, du crédit si vous n’en avez pas besoin. Les gérants de fonds veulent vous vendre leur fonds.
Les présidents d’entreprises cotées veulent vous vendre croissance, bénéfices et dividendes pour que vous deveniez ou restiez actionnaires. Tous ces gens ont donc besoin de se montrer optimistes. Pas nous. Nous voulons simplement vous vendre la meilleure stratégie dans une année qui s’annonce difficile.
Une crise d’une essence très différente de celle d’une récession
La crise actuelle n’est pas une crisounette, une récession entre deux périodes de croissance, comme ce que nous avons connu depuis quatre-vingts ans. La crise actuelle est une crise profonde, aussi grave (voire plus grave) que celle de 1929, et différente.
Le recours à l’endettement public pour nationaliser les banques et engager les plans de relance n’a rien résolu, c’est ce que le monde découvrira avec effroi en 2010. "C’est une très grande crise mutidirectionnelle sans précédent historique, qui ouvre un processus de destruction créatrice d’une intensité exceptionnelle", analyse Henri Regnault, professeur d’économie à l’université de Pau.
"Le problème n’est pas de relancer, mais de refonder." "La crise de régulation tient à l’épuisement du modèle fordiste pour cause de mondialisation, puis au caractère insoutenable du modèle de régulation à la Greenspan par endettement des ménages", poursuit Henri Regnault. Ford voulait que ses ouvriers deviennent ses premiers clients.
Gains de productivité, baisse des coûts, hausse des salaires, la mécanique vertueuse a bien fonctionné… Jusqu’au moment où la mondialisation a permis à d’autres ouvriers moins bien payés de fabriquer la même chose. Le niveau de vie a stagné. Le rêve américain, selon lequel demain est nécessairement meilleur qu’aujourd’hui, risquait d’être brisé.
Alan Greenspan, ex-patron de la Fed, a voulu maintenir l’illusion en poussant les ménages à l’endettement, afin que le rêve subsiste. Parallèlement, le monde s’était habitué à vivre comme fournisseur du consommateur américain qui achetait à crédit. La baisse des taux d’intérêt et l’argent facile ont propagé des créances douteuses. Ce constat prouve bien que nous ne vivons même pas une crise similaire à celle de 1929, induite par une surcapacité et un système financier défaillant.
Le mur de la dette s’élève et nous fonçons dedans
Lorsque la crise du subprime a éclaté, l’Etat américain a massivement transféré l’endettement privé — celui des ménages, des institutions mixtes garantes (Fannie Mae, Freddie Mac), des grandes banques — vers le privé. Les Etats-Unis n’ont pas puisé dans une cagnotte (d’ailleurs inexistante), ils ont eu recours à l’endettement par l’émission de dettes souveraines.
Puis, lorsque cela n’a pas suffi, la Fed a racheté ses anciens bons du Trésor, pour pouvoir en placer d’autres, toujours auprès des étrangers. Tous les Etats dits riches ont atteint des niveaux d’endettement et de déficit budgétaire dangereux, permis par un maniement risqué de la monnaie fiduciaire. Les Etats ont jugé bon de sauver les banques, en croyant qu’ils allaient sauver l’économie. Qui dit "sauver l’économie" dit "sauver la croissance" ; les dettes se paieront lorsque celle-ci sera retrouvée, pense-t-on.
Hélas, avoir transféré la dette du privé vers le public, pour ensuite vouloir que les ménages consomment toujours sans en avoir les moyens, ne résoudra rien. Le "noeud coulant des déficits publics que les gouvernements se sont volontairement passés autour du cou en 2009, en refusant de faire assumer au système financier le prix de ses fautes, va peser lourdement sur l’ensemble des dépenses publiques", analyse le dernier bulletin du GEAB. "Parallèlement, le contexte de cessation de paiement d’un nombre croissant d’Etats et de collectivités locales va entraîner un double phénomène paradoxal de remontée des taux d’intérêt et de fuite hors des devises en direction de l’or", poursuit-il.
Nous verrons la suite dès demain…