▪ Oui, si l’on s’en tient aux principaux indices. Heureusement, cela n’a pas été le cas pour tout le monde, car des opportunités existent quoi qu’il arrive, et je suis sûr que certains d’entre vous ont pu réaliser de juteux profits.
Pour un investisseur, la crise c’est voir son portefeuille fondre comme neige au soleil. Bien sûr, les marchés montent et descendent. L’investisseur espère toujours qu’ils vont monter, et c’est heureusement souvent le cas. Mais à l’inverse, il est toujours exaspérant de voir s’évaporer des gains difficilement gagnés.
Néanmoins, je comprends que vous soyez choqué par le déclin des marchés. Ils ne reflètent pas la situation économique globale et les conséquences des politiques suivies. Et c’est vrai que tout cela est assez décevant. Mais voici venir le temps du courage et du discernement pour les investisseurs car dans ce monde qui change, face aux gigantesques défis dont je vous parle tous les mois, il y a toujours de la place pour des profits.
▪ Politiques et financiers au pilori
L’époque d’une croissance infinie, l’idée selon laquelle nous croyons que demain sera meilleur qu’aujourd’hui, donc que nous pouvons payer aujourd’hui avec l’argent de demain, l’époque d’une industrie financière trop importante, l’époque de l’assistanat et du confort social permanent…
Cette époque est finie. Tout cela touche à sa fin. Et ce n’est pas pour autant la fin du monde. Tout au plus la fin d’une époque.
Depuis des dizaines d’années, les politiciens de tous les pays du monde ont fait la même chose pour être élus : vous vendre « un lendemain meilleur ». Ils ont vendu des promesses que l’économie réelle ne pouvait pas payer. Que ce soit couvertures sociale et médicale ou retraite avancée, il n’y a tout simplement pas assez d’argent pour payer.
Faire payer les riches est une utopie, tout simplement parce qu’il n’y a pas assez de riches pour payer. Et puis, ils s’enfuiront vers les paradis fiscaux avant d’être taxés. La recherche forcenée du profit par des financiers peu scrupuleux et socialement irresponsables a conduit aux délocalisations qui sont un autre mot pour désindustrialisation.
Cela veut dire beaucoup de pertes d’emploi, beaucoup de drames humains, qui ont en plus des conséquences économiques. L’industrie de la finance reposant sur du vent est devenue trop grosse, produit trop peu de valeur pour les Etats, coûte trop cher. Son destin est d’éclater.
Comme pour s’excuser de ce comportement qu’ils ont adoubé, ou pour compenser, les Etats européens se sont laissés aller à des politiques sociales et sociétales menant au chaos, perdant toute compétitivité et, par là-même, toute chance de croissance significative qui aurait assuré des emplois. Pendant ce temps, ce sont les BRIC, et parfois les anciens pays communistes, qui assurent la croissance du monde !
▪ Un nouveau paradigme
Ce qui va s’estomper, c’est le monde de l’endettement à outrance, le monde d’une industrie de la finance arrogante qui s’est développée trop vite et qui a pris trop d’importance, qui se retrouve donc en difficulté.
C’est aussi la fin du monde de l’Etat-Providence dans certains pays avancés, et des aides et des assistanats de toutes sortes. Peu importe si on les appelle l’assurance-chômage, assurance-maladie, aide à ceci ou à cela. Naturellement, cet univers était confortable et le reste encore. Mais de plus en plus, il va falloir que chacun se prenne en charge en grande partie, même s’il restera une part de solidarité en provenance des Etats.
Trop de promesses ont été faites par les hommes politiques et n’ont pu être tenues qu’en s’endettant lourdement. Ils en sont arrivés à ne plus pouvoir s’endetter et donc, ils sont obligés de reculer.
Travailler moins et vivre dans une civilisation de loisirs ne sera plus possible. La civilisation de loisirs va continuer à exister bien sûr, mais il faudra travailler plus pour en profiter. L’assistance médicale quasi gratuite pour tout le monde, c’est probablement terminé également : il faudra une contribution de plus en plus forte de chaque individu pour s’offrir une couverture médicale du niveau qu’il souhaitera.
Idem pour les pensions de retraite : elles seront rabotées inévitablement et s’obtiendront en travaillant plus longtemps. On peut le regretter, on peut crier à l’injustice, mais c’est une réalité. On peut dire que c’est une marche arrière dans le progrès social, cela n’y changera rien. Voyez cela comme étant propice à de nouvelles opportunités.
▪ L’Europe et la France n’ont rien vu venir
En Europe, ce sont les gouvernements eux-mêmes qui ont ruiné leurs finances. Ils ont compensé le manque de croissance « à la mode des Trente Glorieuses » par une augmentation des services publics financés par la dette. Ce qui a permis aux gens d’améliorer leur niveau de vie, même s’ils ne gagnaient pas plus d’argent.
La crise européenne proprement dite, c’est-à-dire post-subprime, a commencé par l’Irlande, vous le savez. Une bulle immobilière s’y est créée, dont l’Union européenne est en partie responsable à cause de ses subventions à tout-va. Les banques en difficulté ont été aidées par l’Etat qui, du coup, s’est retrouvé lui-même en difficulté et très endetté.
Presque simultanément, une crise similaire est apparue au Portugal et en Espagne, avec toujours l’immobilier en toile de fond et des dépenses excessives des gouvernements, financées par le recours à la dette.
▪ La France a une curieuse tradition
En 1936, alors que montent les périls que l’on sait, le Front populaire instaure les congés payés. Dès lors, le pays partage son temps en trois : travail, grève, vacances. En 1981, après deux chocs pétroliers et une inflation ravageuse, alors que le made in Japan ou le made in Taïwan commencent à tailler des croupières aux produits français, la retraite à 60 ans est décrétée ainsi que la cinquième semaine de congés payés.
Les « dragons asiatiques » produisent de plus en plus, les Français travaillent de moins en moins… Bien sûr, les gains de productivité compensent, en termes économiques ; mais pas en termes d’état d’esprit mêlant alanguissement et sûreté de soi.
En 1998, le gouvernement décide les 35 heures, fruit d’une réflexion technocratique espérant répartir la masse de travail. Cette décision intervient au moment même où la mondialisation est en marche, où la désindustrialisation a largement commencé au profit des pays émergents et où la concurrence fait rage plus que jamais. Tout cela se fait en partie à coups de financements étatiques, lesquels ont bien sûr recours à l’emprunt.
Au fil du temps, la plupart des Français manifestent un désamour pour le travail — puisqu’en travaillant moins, on a « plus »… Par goût d’une jouissance immédiate ou par dogmatisme, les Français tournent le dos à la réalité du monde, s’étourdissent de consommation, se souciant peu du déficit de la balance commerciale qui se creuse d’année en année. La perte de compétitivité est la conséquence implacable de cet engrenage : les produits coûtent trop cher, car plombés par un Etat qui prélève trop parce qu’il dépense trop, et par des salariés qui coûtent trop cher en ne travaillant pas assez.
Nous verrons demain ce qu’il en est de l’autre côté de l’Atlantique…