▪ L’été est arrivé, apparemment.
Le soleil brille, la température est passée au-dessus des 22°C ; en terrasse, les Parisiens ressemblent à ces créatures des profondeurs qui ne voient jamais la lumière du jour — pâles, désorientés, béant de stupéfaction et clignant des yeux dans cette atmosphère inhabituelle.
Eh oui, huit mois d’hiver, ça fait long, tout de même.
Les marchés, en revanche, agissent comme s’ils habitaient aux antipodes. On dirait que la belle saison touche à sa fin. Les signes d’agitation se multiplient ; les bonnes statistiques ne sont plus si bonnes, les mauvaises non plus (eh oui, rappelez-vous — avec la politique miracle de la Fed, même les mauvaises nouvelles sont de bonnes nouvelles).
On a même vu — rendez-vous compte — un vendredi dans le rouge pour Wall Street (le 31 mai). Ce n’était plus arrivé depuis janvier !
Le temps de la baisse est-il en train d’arriver ? L’été — pour filer la métaphore météorologique — sera-t-il chaud sur les marchés ?
Et la question à 1 000 points d’indice : sur quels marchés sera-t-il le plus chaud ?
▪ Parce qu’il n’y a pas que les actions, dans la vie. Le marché obligataire est lui aussi en pleine bulle… et d’inquiétants remous commencent à se faire sentir. Simone Wapler nous en dit plus dans La Stratégie de Simone Wapler :
« Dans le vaste monde, les taux montent. Ceci est peut-être le plus important, même si cela ne suscite pas les commentaires. Le plus étrange est peut-être que les taux montent alors que l’activité économique ralentit. Je ne vous ferai pas de triomphalisme, mais le côté factice de la reprise américaine commence à faire surface ».
« […] Parallèlement, les taux obligataires montent, or dans la logique keynésienne communément admise, les taux devraient baisser dans une telle configuration. En effet, face à une récession (dépression), le réflexe classique est de trouver refuge dans le marché obligataire qui garantit un petit rendement sans risque. Les obligations — et surtout les obligations d’Etat — sont alors recherchées et les taux baissent. Habituellement. Ce n’est pas ce qui se passe aujourd’hui ».
« La vraie raison à cette hausse des taux, c’est que la monnaie ne circule plus. On a beau l’imprimer, la créer, vouloir en inonder les marchés, elle reste immobilisée. Le moteur est noyé, la pompe à injection peut toujours pomper, le carburant supplémentaire est inutile et n’arrive pas dans la chambre de combustion… Ce que les économistes appellent la vélocité monétaire s’effondre. La monnaie refuse de changer de main car l’activité économique décline ».
▪ Mais comme le clament nombre d’experts, il n’y a pas à s’inquiéter — bien au contraire. Bill nous expliquait ça plus en détails jeudi : le QE3 ne va pas s’arrêter… parce qu’il ne fonctionne pas.
« Les taux zéro et l’assouplissement quantitatif sont des remèdes de charlatan », disait-il. « Ils tiennent de la saignée… qui empire l’état du patient et l’empêche de guérir. Puisque le QE et les taux zéro ne fonctionnent pas, l’économie ne se remet pas… et a donc besoin de plus d »aide’ de la Fed ».
Pire même : la Fed a en réalité tout intérêt à ce que les choses n’aillent pas mieux. Bill continue : « parce que si l’économie se remettait vraiment — même un peu — l’inflation et les taux d’intérêt grimperaient. Et ensuite ? Ensuite, l’économie, autrefois alcoolique au dernier degré, devrait se sevrer d’un seul coup. Ce ne serait guère agréable. La Fed ne pourrait pas continuer ses taux zéro et ses rachats d’obligations — pas avec un IPC en hausse. Elle devrait arrêter ».
« M. Bernanke & Co. seraient coincés, piégés entre la Scylla d’une économie qui s’effondre et la Charybde d’une inflation galopante. Leurs manoeuvres commenceraient à ressembler à de grosses erreurs ».
Vous voyez un peu dans quel pétrin se trouve le système économique et monétaire mondial ?
Devant une telle déconfiture, voici mon conseil du jour, cher lecteur : faites comme votre correspondante — asseyez-vous à la terrasse la plus proche avec un bon bouquin (ou des gens que vous aimez, ou rien du tout pour mieux observer les passants) et commandez votre boisson préférée.
Parfois… ça fait du bien d’ignorer les réalités du monde, ne serait-ce que le temps d’un petit apéritif.
Meilleures salutations,
Françoise Garteiser
La Chronique Agora