▪ Hier, nous sommes allé à Zombietown. Un de nos amis de Washington avait promis de nous présenter à Neil Barofsky, inspecteur général du TARP.
Vous vous souvenez du TARP ? Il s’agissait du programme de 700 milliards de dollars mis en place par les autorités pour sauver l’économie américaine d’une correction. Neil Barofsky était chargé de sa surveillance. Nous avons donc décidé de lui demander quelle avait été la suite des événements. Où étaient passés ces 700 milliards de dollars ? Avaient-ils réparé ce petit problème de moteur ?
« Je me suis demandé la même chose », nous a-t-il répondu (nous le citons de mémoire). « J’ai été stupéfait de découvrir que personne ne le savait. Nous avons donné cet argent aux banques. Mais personne ne sait ce qu’elles en ont fait. J’ai proposé à Tim Geithner de mener l’enquête. Il a été scandalisé. Il m’a insulté en termes peu amènes. Il a déclaré que si je posais la question, cela ferait s’effondrer tout le système bancaire ».
« Je l’ai quand même fait et ai envoyé une lettre. Je n’avais pas vraiment l’autorité ou les équipes pour insister. Mais toutes les grandes banques m’ont répondu… et la plupart m’ont donné des réponses évasives ou ont évité la question ».
« Qu’avaient-elles fait avec l’argent ? Elles étaient censées augmenter les prêts de manière à favoriser une reprise. Aucune ne l’a fait. Elles l’ont plutôt utilisé pour se rembourser mutuellement leurs prêts. En d’autres termes, elles s’en sont servi pour réduire la quantité de crédit disponible… non l’augmenter. Elles ont acheté des bons du Trésor US… comme on pouvait s’y attendre. Et elles ont versé des bonus ».
« En d’autres termes, elles ont mis leurs propres intérêts avant le reste… comme on pouvait s’y attendre. Je ne sais pas si une telle information allait vraiment faire s’effondrer le système bancaire dans son intégralité ».
« Toute cette histoire était d’une perversité à peine croyable. Dans un système financier normal, si une banque fait un mauvais pari, elle paye une pénalité. Les contreparties peuvent lui prêter plus d’argent, mais elles exigent alors des taux d’intérêt plus élevés, pour se protéger. Mais ici, pendant les années de bulle, les grandes banques ont toutes fait certains des pires paris de l’histoire… et que s’est-il passé ? Le gouvernement est intervenu… et leur a prêté de l’argent à des taux d’intérêt plus bas. Elles ont été récompensées pour leurs erreurs. Les banques saines — qui n’avaient pas le soutien du gouvernement — ont en fait payé des taux d’intérêt plus élevés pour leurs emprunts que les mauvaises banques ».
« Je voulais savoir une autre chose : combien d’argent exactement était en jeu. Nous avons donné 700 milliards de dollars. Mais nous avons aussi garanti des prêts… ouvert des lignes de crédit… et appuyé diverses transactions financières. J’ai demandé combien était en jeu… combien avait été risqué. Personne ne semblait le savoir. Nous avons donc fait les calculs. Nous avons trouvé un total de 23 000 milliards de dollars. On parle bien de milliers de milliards ».
« Je ne dis pas qu’il aurait fallu un jour payer cette somme. Il s’agissait en partie de garanties sur d’autres garanties et contre-garanties… très opaque… très difficile à démêler… Mais je pensais qu’il valait la peine de connaître les sommes en jeu. A nouveau, les banques ne voulaient rien dire. Et les gens du département du Trésor US ne voulaient rien savoir ».
« Plus je posais de questions, plus je me trouvais isolé… et en porte-à-faux avec le Trésor et les banques. Au Trésor, le ton est monté. Les banques me détestaient. Et puis le sous-secrétaire au Trésor m’a fait appeler. Il m’a expliqué que si je réduisais la pression sur les banques, je pourrais avoir une très belle carrière après cette mission sur le TARP. Si je ne jouais pas le jeu, j’aurais du mal à trouver un emploi ».
« C’est ainsi que les choses fonctionnent. On suit le mouvement pour se faire son chemin. Si on ne suit pas les escroqueries et le sabir technique… on est viré ».
C’est ainsi que fonctionne une économie zombie, cher lecteur. Les zombies étranglent la fille sans défense — et vous, vous regardez ailleurs. Sinon, gare à vous…