▪ Aujourd’hui, jour anniversaire de Waterloo, nous ne célébrons pas la guerre. Seul un idiot fêterait une chose aussi horrible. Mais nous nous inclinons devant la glorieuse imbécillité de tout cela. La guerre est épouvantable, beaucoup de bruit pour rien par de nombreux aspects, mais c’est également une entreprise magnifique. Elle engage le coeur et l’esprit et expose à la fois le génie de notre espèce et son incroyable stupidité.
Nous parlons de vraie guerre. Pas de guerre bidon contre des ennemis ne posant aucune réelle menace. Les guerres factices permettent à l’industrie militaire de faire de vrais gains, mais n’offrent qu’un ersatz de gloire aux guerriers. Les vrais soldats n’en tirent aucune fierté. Pour les vrais héros, elles sont une source de honte et d’embarras.
Les guerres ne sont pas menées pour Libérer la Terre Sainte. Ou Rendre le Monde plus Sûr pour la Démocratie. Ou Débarrasser le Monde des Tyrans. Ou Lutter contre le Terrorisme. Ce ne sont là que des prétextes pour couvrir le reste — des slogans pour que le public offre ses trésors… et ses enfants.
Les guerres sont menées pour libérer l’esprit de combat — ce fantôme de nombreux millénaires passés à se battre pour survivre |
Les guerres sont menées pour libérer l’esprit de combat — ce fantôme de nombreux millénaires passés à se battre pour survivre.
▪ Tout avait pourtant bien commencé…
C’est donc ainsi qu’il y a 200 ans, l’un des plus grands génies militaires de tous les temps — Napoléon Bonaparte — s’est trouvé confronté à deux puissantes armées : les Anglais, menés par le duc de Wellington, et les Prussiens, menés par Gebhard von Blücher. Napoléon avait été chassé de France puis était revenu. Les vétérans se rallièrent à sa cause et il se retrouva bientôt avec une armée de 300 000 soldats expérimentés. Agissant rapidement, il avait mis ses forces dans sa position centrale favorite entre Wellington et Blücher.
D’abord, le 16 juin 1815, il attaqua les Prussiens et les repoussa. Ensuite, il se tourna contre Wellington qui avait placé son armée sur un léger monticule, à Waterloo.
Napoléon savait comment planifier et exécuter une campagne. Il était là où il souhaitait être, avec ses meilleurs commandants de chaque côté : le maréchal Grouchy à sa droite et le maréchal Ney à sa gauche.
Napoléon devait briser la ligne anglaise avant que les Prussiens n’arrivent derrière lui |
Mais il avait deux éléments contre lui. Les Prussiens avaient été battus mais pas détruits. Ils se regroupèrent rapidement et marchèrent vers Waterloo. Et il pleuvait. Les sols détrempés favorisent toujours les défenseurs. Les attaquants s’épuisent dans la boue. Wellington n’avait qu’à tenir sa position. Napoléon devait briser la ligne anglaise avant que les Prussiens n’arrivent derrière lui.
Le décor était donc planté, le 18 juin, pour l’un des affrontements les plus extravagants de l’histoire militaire.
▪ Brave parmi les braves
La bataille commença à la fin de la matinée — personne ne sait quand exactement. Rapidement, le désordre se répandit, personne ne sachant avec certitude ce qui se passait. Napoléon sous-estima un point crucial : l’approche rapide des Prussiens, dont il pensait qu’il leur faudrait deux jours pour se remettre en ordre de bataille après leur défaite du 16.
Pour gagner, les Français devaient déloger Wellington de son promontoire. Ils menèrent plusieurs attaques. Et à chaque fois, ils échouèrent. Les Anglais — avec un grand nombre d’Irlandais, d’Ecossais et d’Allemands — tenaient bon.
Les Scots Greys, les Gordon Highlanders, les Inniskillings irlandais — tous se battirent mieux que Bonaparte et Wellington s’y attendaient.
Mais le « brave des braves » était du côté français — le maréchal Ney, dont nous avons vu la statue il y a quelques jours. A cette occasion, nous nous sommes demandé : quelle sorte de gens exécutent un homme pour trahison puis honorent sa mémoire avec une statue à son image dans leur capitale ?
Ney était un héros parmi les héros, un homme dont la carrière militaire était d’un tel éclat… défiait tellement la loi des probabilités… qu’il était difficile de croire qu’il avait vraiment existé. Il était tout ce que ne sont pas nos gros lards de militaires modernes : c’était l’esprit du combat fait homme.
On aurait pu penser que rien ne résisterait au choc de cette terrible masse mouvante |
▪ Cuirassiers et défaite
Jusqu’à 12 attaques séparées avaient été lancées contre les lignes britanniques. Ney, menant la charge personnellement, avait vu cinq chevaux fusillés sous lui. Un soldat de l’infanterie britannique se rappelle ce à quoi ressemblait son avancée :
« A quatre heures de l’après-midi environ, l’artillerie ennemie devant nous cessa soudain de tirer, et nous vîmes de vastes masses de cavalerie avancer : pas un homme présent ayant survécu n’aurait pu oublier par la suite l’effroyable grandeur de cette charge. L’on découvrait au loin ce qui semblait une longue ligne mouvante qui, en avançant, étincelait comme la vague orageuse de la mer sous le soleil. Ils avancèrent jusqu’à être assez près, tandis que la terre elle-même semblait résonner sous le tonnerre de l’armée à cheval. On aurait pu penser que rien ne résisterait au choc de cette terrible masse mouvante. Il s’agissait des fameux cuirassiers, quasiment tous de vieux soldats qui s’étaient distingués sur la majeure partie des champs de bataille d’Europe. En un temps incroyablement court, ils étaient à vingt pas de nous, criant, ‘Vive l’Empereur !’. L’ordre de se préparer à recevoir la cavalerie avait été donné ; chaque homme du premier rang s’agenouilla, un mur hérissé d’acier, tenu par des mains fermes, se présenta aux cuirassiers furieux ».
— Capitaine Rees Howell Gronow, des Foot Guards
Mais même le maréchal Ney ne parvint pas à briser les carrés défensifs de Wellington. Puis Blücher arriva et Napoléon fut battu. Sa « position centrale » devint un piège, où il fut écrasé par les Prussiens contre l’enclume britannique.
A suivre…