La Chronique Agora

Quand Warren Buffett imite Hugo Stinnes, l’hyperinflation n’est peut-être pas loin…

▪ Hugo Stinnes est pratiquement inconnu aujourd’hui, mais ça n’a pas toujours été le cas.

Au début des années 20, c’était l’homme le plus riche d’Allemagne, à une époque où le pays était la troisième plus grande économie au monde. C’était un industriel de renom, et un investisseurs ayant diverses positions en Allemagne et à l’étranger.

 

Stinnes jouait en Allemagne un rôle similaire à celui de Warren Buffett aux Etats-Unis aujourd’hui

Les chanceliers et les ministres de la toute nouvelle République de Weimar lui demandaient souvent son avis sur des questions économiques et politiques. Par bien des aspects, Stinnes jouait en Allemagne un rôle similaire à celui de Warren Buffett aux Etats-Unis aujourd’hui.

C’était un investisseur ultra-riche dont l’opinion comptait beaucoup — sur des sujets politiques majeurs –, qui avait une influence aussi discrète qu’importante et qui semblait faire exactement les bons choix quand il s’agissait d’investir en bourse.

Si vous vous y connaissez un peu en histoire de l’économie, vous savez qu’entre 1922 et 1923, l’Allemagne a subi la pire hyperinflation jamais connue par une grande économie industrialisée de l’ère moderne. Le taux de change entre la devise papier, le reichsmark, et le dollar est passée de 208 pour 1 au début 1921 à 4 200 milliards pour un à la fin 1923.

Le reichsmark perdit toute valeur et fut balayé dans les égouts comme un vulgaire déchet. Pourtant, Stinnes ne vit pas sa fortune s’évaporer durant cette hyperinflation. Pourquoi ?

▪ Parcours d’un investisseur de génie
Stinnes est né en 1870 au sein d’une famille allemande prospère qui avait des parts dans des mines de charbon. Il travailla dans les mines pour obtenir une connaissance pratique du secteur et prit des cours à l’Académie des Mines, à Berlin.

Plus tard, il hérita des entreprises de sa famille et les étendit en achetant ses propres mines. Puis il se diversifia dans le fret, achetant des lignes de cargos. Ses vaisseaux étaient utilisés pour transporter son charbon en Allemagne, le long du Rhin, mais aussi depuis ses propres mines à l’étranger. Ses navires transportaient aussi du bois et des céréales. Sa diversification alla jusqu’à inclure un grand journal, qu’il utilisa pour exercer une influence politique.

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Lorsque l’hyperinflation frappa, Stinnes était parfaitement positionné

Avant l’inflation de Weimar, Stinnes avait emprunté de vastes sommes en reichsmarks. Lorsque l’hyperinflation frappa, Stinnes était parfaitement positionné. Le charbon, l’acier et le fret gardèrent toute leur valeur.

Peu importait ce qui arrivait à la devise allemande : un actif tangible est un actif tangible — il ne disparaît pas même si la devise est réduite à rien. Les positions internationales de Stinnes lui servirent aussi beaucoup parce qu’elles produisaient des profits en devises solides et non en reichsmarks sans valeur. Certains de ces profits étaient conservés à l’étranger sous forme d’or détenu dans des coffres suisses.

De cette manière, il put échapper à la fois à l’hyperinflation et à la taxation allemande. Il finit par rembourser ses dettes en reichsmarks sans valeur, les faisant disparaître. Non seulement Stinnes ne souffrit pas de l’hyperinflation de Weimar, mais son empire prospéra et il gagna plus d’argent que jamais.

Il étendit ses positions et racheta les concurrents en faillite. Stinnes gagna tant d’argent durant l’hyperinflation de Weimar que son surnom, en Allemagne, devint Inflationkönig — le Roi de l’Inflation. Lorsque la poussière fut retombée et que l’Allemagne revint à une nouvelle devise adossée à l’or, Stinnes faisait partie des hommes les plus riches au monde, tandis que la classe moyenne allemande était détruite.

▪ Warren Buffett suit les mêmes traces
Il est intéressant de constater que Warren Buffett utilise les mêmes techniques aujourd’hui.

Il semble que Buffett ait étudié Stinnes avec attention et se prépare à la même calamité que Stinnes avait anticipée — l’hyperinflation. Buffett a récemment racheté des actifs majeurs dans le secteur des transports, sous la forme de Burlington Northern Santa Fe Railroad.

Cette ligne ferroviaire consiste en actifs tangibles : droits de passage, droits d’extraction, titres dans le rail et le fret. Les profits proviennent du transport d’actifs tangibles comme les minéraux et les céréales. Buffett a également acheté de gigantesques parts dans le pétrole et le gaz au Canada, sous la forme de Suncor.

Buffett peut désormais transporter son pétrole Suncor grâce à sa ligne Burlington Northern

Buffett peut désormais transporter son pétrole Suncor grâce à sa ligne Burlington Northern — exactement comme Stinnes transportait son charbon dans ses propres navires en 1923.

Pendant des décennies, Buffett possédait également l’un des journaux les plus puissants des Etats-Unis : le Washington Post. Il a récemment vendu ses parts à Jeff Bezos, d’Amazon, mais garde des actifs dans le secteur des communications. Il a également acquis de vastes actifs en Chine et ailleurs produisant des profits hors du dollar qui peuvent être conservés à l’étrangers, libres d’impôts.

Une immense part du portefeuille de Buffett se trouve dans des valeurs financières — particulièrement les banques et les compagnies d’assurance — qui sont des emprunteurs faisant jouer d’énormes effets de levier. Comme Stinnes dans les années 20, Buffett pourrait sortir gagnant lorsque les dettes de ces géants financiers seront vaporisées par l’inflation, tandis qu’ils redéploient agilement leurs actifs pour couvrir leur propre exposition.

Bref, Buffett emprunte la méthode de Stinnes. Il utilise l’effet de levier pour se diversifier dans des actifs tangibles : énergie, transports et devises étrangères. Parallèlement, il utilise ses positions dans la communication et son prestige pour se tenir informé de ce qui se passe en coulisses dans le paysage politique. Buffett est désormais positionné de manière très semblable à Stinnes en 1922.

Si l’hyperinflation devait balayer les Etats-Unis aujourd’hui, les résultats de Buffett seraient les mêmes que ceux de Stinnes. Ses actifs tangibles verraient leur valeur démultipliée, ses dettes seraient éliminées et il serait en position de racheter des concurrents en faillite. Bien entendu, les classes moyennes seraient ruinées, comme cela a été le cas en Allemagne.

Mon conseil, en ce qui concerne les milliardaires du genre de Buffett est d’observer ce qu’ils font, non ce qu’ils disent. Stinnes a vu l’hyperinflation allemande se profiler et s’est positionné en conséquence. Buffett applique la méthode de Stinnes ; peut-être voit-il la même hyperinflation dans un proche avenir. Il n’est pas trop tard pour prendre les mêmes précautions que Stinnes et Buffett.
[NDLR : Comment faire à votre niveau pour diversifier et assurer votre portefeuille ? Jim Rickards vous en dit plus en cliquant ici.]

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