La Chronique Agora

Wall Street aligne les records… et l’or cède du terrain

banques centrales

▪ Et si l’amnésie était au bout du compte cette forme de fatalité inexorable qui anéantit toute vérité bien plus efficacement qu’une propagande officielle ou une « pensée unique » ?

Les deux peuvent d’ailleurs fusionner à l’occasion, et pour de longues périodes : nous avons pu l’observer depuis le milieu des années 80 et l’observons encore à l’orée de l’année 2014.

Les Américains semblent oublier que Wall Street leur doit tout… alors qu’ils ne reçoivent rien en retour.

De son côté, Wall Street paraît avoir effacé en moins de 48 heures le fait que Carl Icahn a twitté haut et fort que la richesse tirée de la planche à billets de la Fed est factice.

Peu importe que les profits stagnent et continueront de le faire. Les marchés disposent d’un véritable arsenal de mensonges et de contre-vérités pour justifier une accumulation de records… Lesquels ne se succèdent que grâce à une fuite en avant dans la création monétaire, qui devrait se poursuivre jusqu’en mars prochain.

Les indices américains ont donc pulvérisé hier une cascade de records de clôture. Le Dow Jones a terminé en hausse de 0,7% à 16 009 — de quoi faire la Une de tous les médias américains. Le S&P 500 a grimpé de 0,81% à 1 796 points, à deux points de son meilleur score final du 15 novembre. Le Nasdaq s’est envolé de 1,22% à 3 970, et enfin… le Russell 2000 a explosé de +1,76% pour atteindre les 1 120 points, un record absolu, avec 90% de titres en hausse.

▪ Wall Street a le sourire
Les commentaires à chaud étaient édifiants, tout comme les larges sourires des traders et des stratèges interrogés peu après le coup de cloche final : « le rally continue parce qu’il y a de plus en plus d’investisseurs impatients de regarnir leurs portefeuilles avant la fin de l’année. On voit bien que le marché paye tous les creux ».

« Cela ressemble à un mouvement perpétuel (sept semaines de hausse consécutive et aucune correction) et beaucoup de gens se demandent comment de tels gains boursiers sont possibles alors que les profits progressent si lentement. Tant qu’ils se poseront la question, tant qu’il y aura des sceptiques, tant qu’ils se méfieront d’une bulle, cela prouve historiquement que le marché est sain… et les indices continueront de progresser et de battre beaucoup de records ».

« La remontée des taux vers 2,80% en inquiète certains, mais si les taux reflètent une anticipation correcte de la croissance en 2014, alors il faut souhaiter qu’ils montent le plus possible, au-delà de 3% ou 3,25%… sans gros à-coups bien sûr ».

« Beaucoup d’entreprises profitent de l’argent gratuit pour racheter leurs propres titres et vont continuer de le faire jusqu’à ce que les taux directeurs remontent. La préservation des marges demeure une priorité absolue et les dividendes vont continuer d’augmenter : il n’y a aucune raison de ne pas privilégier les actions ».

▪ Aucune objection ne tient
Les objections des intervieweurs concernant la décorrélation entre le rythme de progression des profits et des cours de bourse (le rapport est de un à cinq en 2013) sont balayées du revers de la main : la Fed injecte, les flux sont bien présents, il ne peut rien arriver.

Les opérateurs achètent « du risque » — et donc des valeurs bancaires en priorité — ce qui explique que le VIX, avec une chute de 5,6%, retombe sous les 12,65.

A la traîne, on retrouvait tous les grands noms de la distribution : Dollar Tree -4,5%, Target -3,5%, Sears -3,3%, JC Penney -2,9% puis Ross Stores (-1,3% en clôture et -8% après ses trimestriels et des objectifs de vente revus à la baisse).

Personne ne s’alarme du paradoxe entre une consommation qui donne des signes persistants de faiblesse et des anticipations de hausse du PIB qui supposeraient une pleine forme financière (hausse du pouvoir d’achat, emploi abondant…) des ménages.

Mais puisque la hausse des salaires et l’amplification d’une vraie richesse qui s’auto-entretient (et se réinvente) ne sont pas les facteurs qui entretiennent la croissance, alors l’inflation n’est pas près de repointer le bout de son nez.

▪ L’or non plus ne tient plus…
La « pensée unique » postule que le rendement des actions va enfin faire ce fameux bond en avant que l’on nous promettait en 2011 puis fin 2012. Il se manifestera à coup sûr à partir du second semestre 2014 — certains l’espèrent dès le premier trimestre mais il faut laisser du temps au temps, on patiente depuis deux ans, on peut bien patienter trois mois de plus ! Dans ces conditions, la détention d’or est de la dernière absurdité.

Le métal précieux rechute donc sous les 1 250 $ l’once, un niveau qui n’avait plus été observé depuis début juillet dernier. L’or semble bien parti pour retracer les 1 225 $ ; ses détracteurs espèrent le voir s’enfoncer jusque vers 1 190 $ pour Noël tandis que le dollar s’en irait chatouiller les 1,30/euro.

Car comme chacun sait, tout ce qui est abondant, se désintègre à la même vitesse qu’un bout de papier et se trouve adossé à des montagne de créances pourries a toute légitimité pour reléguer une valeur refuge tri-millénaire au rang de « relique barbare ».

Il suffit de vous convaincre qu’un bout de conduite de tout-à-l’égout en plomb oxydé vaut plus qu’un lingot fondu sous Napoléon III. Cela peut mettre du temps, mais vous verrez, ça va finir par venir !

A la Chronique Agora, nous sommes juste inexplicablement plus lents que la moyenne…

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