La Chronique Agora

Wall Street prend 2% en trois semaines, le pétrole 22% : vivement qu’il affiche +50%

▪ La flambée du baril commençait à enflammer les esprits vendredi soir. Les « pompiers » sont toutefois intervenus à Wall Street (comme en Europe quelques heures auparavant) pour éviter aux indices américains de dévisser sous la pression de dégagements de précaution à la veille du week-end.

La situation aurait en effet pu devenir rapidement très inconfortable pour les haussiers — sous les 12 000 sur le Dow Jones et sous les 1 300 sur le S&P. Cependant, une « main invisible » bien intentionnée a permis aux indices américains de réduire leurs pertes de moitié au cours de la dernière demi-heure. Le Nasdaq est repassé de -1% vers -0,5%, tandis que le Dow Jones terminait à -88 points contre -175 points vers 21h30.

Ce petit miracle permet de surcroît à l’indice phare de terminer la semaine sur une note légèrement positive, à la différence des places européennes. Un scénario des plus improbables puisque le baril de WTI a bondi de 7% dans l’intervalle.

Inutile d’invoquer un retournement de la psychologie du marché ou un élément d’actualité favorable de dernière minute. Non seulement ces deux variables ont été totalement absentes du paysage boursier mais le baril de pétrole terminait la semaine au plus haut, affichant 2,8% de hausse à 104,75 $ alors que les combats s’intensifiaient en Libye.

Le soutien volontariste de Wall Street vendredi en fin de parcours induit une autre heureuse conséquence : grâce à un repli limité de 0,75% ce vendredi, le S&P a gagné 2% depuis la dernière « Journée des trois sorcières » (le 18 février) alors que les places européennes chutent de -4% dans l’intervalle.

L’aspect surréaliste de la performance de Wall Street se manifeste dans toute sa splendeur à l’aune d’un baril qui a pris 22% au cours des trois dernières semaines. Pour résumer la situation : voyant le prix des carburants exploser et son pouvoir d’achat chuter en flèche, l’Américain moyen fonce investir en Bourse l’argent qu’il ne possède plus.

▪ Ce seul constat en dit long sur l’intensité de la manipulation indicielle que la Fed téléguide depuis des mois afin d’entretenir un effet de richesse complètement artificiel. Il ne profite qu’aux 10% d’Américains les plus aisés — et surtout aux 2% d’ultra-riches qui ont capté 50% de la richesse additionnelle créée en 2010.

Cela dit, la Fed peut faire valoir une excuse imparable : la hausse spéculative de toutes les classes d’actifs négociées sur un marché organisé. C’est bien le seul levier qu’elle est encore en mesure d’actionner.

Elle ne contrôle plus rien au niveau de l’inflation : elle la laisse filer en se contentant de nier son existence. Elle ne contrôle plus rien au niveau des déficits US : ses injections de liquidités pour maintenir les taux bas encouragent les Etats-Unis à s’enfermer dans le piège de la dette.

Si le loyer de l’argent augmentait, la charge des intérêts deviendrait vite insupportable. Pas d’autre solution que la fuite en avant… même si la quasi-totalité des dernières statistiques invitent la Fed à suspendre par anticipation son « QE2 ».

La publication de statistiques du chômage américain conforte le scénario d’une embellie puisque les 192 000 emplois créés sont proches du consensus de 200 000. La baisse du taux de chômage à 8,9% confirme le mouvement amorcé en janvier. L’autre statistique incluant les personnes ayant disparu des listes officielles connaît le même tassement avec un taux de 15,9%, contre 16,1%.

Les commandes industrielles pour le mois de janvier ont grimpé de 3,1% en janvier. Elles ont été dopées par une hausse de plus de 27% pour les équipements de transport (aéronautique principalement) alors que le dollar se déprécie rapidement face à l’euro (-1,8% la semaine passée, à 1,40).

▪ Cette dépréciation du billet vert, c’est évidemment la clé de la surperformance de Wall Street la semaine dernière. Si la barre des 1,41 $/euro était franchie, cela signifierait que la guerre des devises aurait cette fois bel et bien été déclarée à l’encontre de l’Europe par des Etats-Unis optant pour l’hyperinflation.

Mais la Fed aurait alors beau jeu de déclarer que c’est la BCE qui a précipité — en avertissant jeudi 4 mars d’une prochaine hausse de taux début avril — le renchérissement de l’euro et placé nos entreprises dans une situation des plus inconfortables par rapport à leurs concurrentes américaines, coréennes et japonaises.

Mais la Chine reconnaît elle aussi que la lutte contre l’inflation devient une priorité. C’est un combat perdu d’avance si la Fed ne suspend pas au plus vite son « QE2 » puisque le yuan est arrimé au billet vert.

La fameuse hausse de 22% du pétrole en trois semaines, Pékin la subit avec la même virulence que l’Amérique… mais elle n’aura bientôt plus la capacité, sinon la volonté, de la refinancer en se faisant payer en monnaie de singe.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile