La Chronique Agora

Voyage en Terre Promise

Nous sommes en Israël sur l’invitation d’un lecteur. Originaire de Baltimore, ce lecteur s’est installé en Terre Promise.

« Comment êtes-vous arrivé ici ? » avons-nous voulu savoir.

« Une longue série d’échecs », nous a-t-il répondu.

« J’ai échoué à l’université, alors j’ai abandonné et je suis parti à Wall Street. Avec un ami, j’ai lancé un fonds d’investissement… on était dans les années 60. Nous avions au total 175 000 $ à gérer. Vous imaginez ? Ce n’est même pas un bonus respectable, de nos jours. Mais beaucoup de fonds étaient petits, alors. Nous ne nous attribuions même pas de salaire pour la gestion. Juste 15% des profits. Croyez-le ou non, nous nous en sortions plutôt bien ».

« Ensuite, je me suis lassé de la gestion de capitaux. J’ai donc cherché quelqu’un pour reprendre l’affaire… qui gérerait l’argent à ma place. Là aussi, ça a été un échec… mon partenaire a refusé. Alors je l’ai placé auprès d’un nouveau venu… quelqu’un dont personne n’avait entendu parler… un type du nom de Warren Buffett ».

Inutile d’en dire plus.

▪ Israël et les Etats-Unis, les raisons de la proximité
En ce qui concerne Israël, le pays a autant d’histoire que tout autre sur terre. C’est-à-dire une longue liste d’échecs et de désastres… de guerre… de destruction… de captivité. Les juifs doivent être les élus de Dieu ; il semble les avoir choisis pour leur mener la vie dure.

L’épisode le plus dramatique et le plus mortel des 4 000 ans d’histoire juive s’est probablement produit du vivant de bon nombre de nos lecteurs. Adolf Hitler s’est lancé dans l’annihilation de tous les juifs d’Europe. Et il y est presque parvenu.

Nous avons grandi avec l’histoire de l’Holocauste. Lorsque nous étions encore nourrisson, l’horreur entière des camps de concentration et des chambres à gaz fut révélée dans la presse.

Les Etats-Unis avaient une signification différente, à l’époque. Ils se tenaient aux côtés de juifs parce que ces derniers étaient opprimés. Ils avaient besoin d’un grand frère pour veiller sur eux. Ensuite, durant la Guerre froide, les Etats-Unis… et Israël… représentaient la liberté… la raison… laisser les gens faire ce qu’ils voulaient et être ce qu’ils voulaient sans le poids écrasant d’un Etat tout-puissant.

Guy Sayer était soldat dans l’armée allemande durant la Deuxième Guerre mondiale ; il a passé des années à se battre sur le front de l’est. Dans son livre, The Forgotten Soldier [« Le soldat oublié », NDLR.], il raconte qu’il n’aurait jamais imaginé se rendre aux Soviétiques. Etre fait prisonnier par les Soviétiques était une sentence de mort (les Allemands administraient le même traitement aux prisonniers de guerre soviétiques). Mais lorsqu’il fut transféré sur le front de l’ouest, il se rendit aux Américains à la première occasion. Il savait que la guerre était perdue. Et il pensait que les Américains le traiteraient correctement. Il avait raison.

Ces jours sont bien finis. Après la torture, les drones et les assassinats de dirigeants, qui pense encore que les Yankees sont plus corrects que les autres ?

Durant le procès de Nuremberg, les procureurs avaient du pain sur la planche. Les dirigeants nazis n’avaient fait que « suivre les ordres » ou « obéir à la loi ». Après tout, ils les écrivaient eux-mêmes !

Afin de pendre Frick, Franck et les autres, les procureurs ont dû remanier les lois — accusant les condamnés de « crime contre la paix »… de mener des « guerres agressives » ou de commettre des « crimes contre l’humanité ». Evidemment, on pourrait condamner une demi-douzaine de présidents des Etats-Unis (ou d’ailleurs) pour ces crimes… Lincoln, Theodore Roosevelt, George W. Bush… et plus récemment Barack Obama lui-même.

Mais les crimes de Bush et d’Obama ne sont rien comparés à ceux de Hitler ou Himmler. Bush et Obama ont tué quelques milliers de personnes — innocentes pour la plupart –, mais Hitler et Himmler se sont lancés dans le massacre de millions.

▪ Un massacre soigneusement planifié
Tandis qu’ils ont déployé d’immenses moyens pour éliminer les juifs — nuisant même à leurs propres efforts de guerre en détournant de précieuses ressources militaires –, ils ont tué plus encore en ne faisant aucun effort du tout. Les prisonniers de guerre soviétiques étaient laissés sans nourriture et sans abri. Durant les premiers mois de l’opération Barbarossa, les Allemands ont capturé 3,3 millions de soldats soviétiques. Six mois plus tard, 1,1 million d’entre eux étaient encore vivants, dont 400 000 seulement étaient apte aux travaux forcés.

Bien entendu, ce n’était pas dû au hasard ou à l’incompétence. Il faut la planification centrale pour parvenir à un résultat aussi vertigineusement abominable. Les Allemands avaient un plan : le Plan Faim. L’idée était de dépeupler les régions occupées par la Wehrmacht, de manière à ce que les fermiers allemands puissent réoccuper le pays.

Hitler a attribué l’idée aux Américains. Il parlait de cette opération comme s’il s’agissait de la colonisation de l’ouest par les Américains. « La Volga est comme le Mississippi », a-t-il expliqué. « Nous allons coloniser les terres qui sont au-delà ».

Mais si l’on veut coloniser un nouveau territoire, il faut d’abord le vider de ses habitants existants. C’est ce que la cavalerie américaine… la variole… et les pionniers affamés de terres ont fait à l’ouest du Mississippi. En Pologne et en Union soviétique, c’était la Wehrmacht et le « Plan Faim ».

La nourriture commençait déjà à manquer en Allemagne elle-même dès 1941, à cause des politiques agricoles désastreuses des nazis.

« Si quelqu’un a le ventre vide, ce ne sera pas nous », fut la réaction d’Hitler. Il ordonna à ses seconds de réquisitionner la nourriture des Ukrainiens, des Polonais, des Russes et des Français. Chaque commandant local avait des objectifs concernant la quantité de nourriture à confisquer pour l’envoyer en Allemagne. Le commandant militaire allemand en France jugea l’objectif si absurde qu’il l’ignora purement et simplement. A l’est, en revanche, les nazis devaient non seulement livrer du grain aux Allemands mais également en priver la population locale. De la sorte, le plan prévoyait que jusqu’à 30 millions de Polonais, d’Ukrainiens et de Russes mourraient de faim.

Le Plan Faim ne fut jamais complètement mis en pratique. Il était impossible de supprimer le marché noir et d’affamer entièrement les villes. Malgré tout, des millions de personnes moururent — surtout celles dont l’accès au reste du monde, et aux marchés, avait été restreint, notamment les prisonniers soviétiques et les juifs.

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