** Les marchés sont en train de digérer le discours ambitieux que Barack Obama a fait cette semaine au Congrès américain. Il va diminuer de moitié le déficit des Etats-Unis, augmenter les dépenses, fournir une couverture maladie universelle, améliorer l’éducation, remplacer le pétrole par des énergies alternatives, introduire une taxe sur le carbone… et tout ça avant la pause déjeuner !
– Vous devez vous demander comment ces gens de Washington peuvent encore y croire. N’ont-ils pas remarqué que le pays qu’ils prétendent représenter est en faillite ? Le gouvernement américain a déjà fait trop de promesses qu’il ne peut pas tenir. En faire d’autres ne va rien arranger.
– Mais dans une démocratie, les gens veulent des actes, des aides et un plan ! Donnez leur donc ce qu’ils demandent, comme dirait H.L. Mencken. Ils vont l’avoir, leur plan. Et il impliquera de gros emprunts d’argent.
– Pas étonnant que la bourse soit au plus mal. On s’attendrait presque à ce que M. le Marché se fasse porter pâle et passe la journée sous sa couette. Ou à se saouler au gin.
** C’est peut-être optimiste, mais il y a une chance pour que le statu quo se maintienne pendant environ six mois. On aura un marché désorienté, un prix de l’or se maintenant dans son canal actuel (entre 900 $ et 1 000 $) et des mauvaises nouvelles économiques au compte-goutte.
– Pourquoi six mois ?
– Parce que cela nous amène au CAP (Capital Assistance Plan, Plan d’assistance aux capitaux) annoncé hier par le Trésor américain. Le CAP a été créé pour résoudre les problèmes du secteur bancaire américain. Il va donc effectuer un audit complet des actifs et des besoins de capitaux des banques (à travers divers scénarios) puis donner six mois aux banques pour lever des capitaux supplémentaires sur les marchés privés, ou pour vendre au gouvernement des actions convertibles à un rendement de 9%.
– La première partie du plan semble tout à fait logique. Derrière les portes closes, les régulateurs veulent rencontrer les banques pour parcourir attentivement leurs livres de comptes — TOUS leurs livres de comptes — et voir si les banques ont les capitaux adéquats pour survivre au cas où l’économie se contracterait de 5% de plus cette année.
– Dans son livre blanc sur le programme, le Trésor déclare que : "dans leurs évaluations, les régulateurs vont inclure les engagements hors bilan, les perspectives de revenus, les risques dans les activités des banques et la composition et la qualité de leur capital". Une fois que ce sera fait, les banques, le Trésor, et surtout les investisseurs privés devraient avoir une idée plus précise de la quantité de capitaux dont les banques ont besoin.
– Vous voyez ce que le Trésor essaye de faire. Et il prend la bonne direction. Le Trésor est convaincu que si les banques peuvent fournir au marché un rapport précis des risques futurs, les investisseurs privés aux poches pleines de cash seront plus motivés pour fournir des capitaux. La transparence entraîne un investissement plus libre et plus aisé.
– C’est du moins ce qu’ils doivent espérer. Le problème qui nous vient tout de suite à l’esprit, c’est qu’il y a deux scénarios utilisés pour déterminer les besoins en capitaux et leur pertinence, un scénario "de base" et un scénario "plus défavorable". Le scénario de base repose sur une contraction de 2% du PIB des Etats-Unis cette année et une croissance de 2,1% l’année prochaine. Le scénario "plus défavorable" repose sur une contraction de 3,3% cette année et un accroissement de 0,5% en 2010.
– Mais cela est-il raisonnable ? Le PIB pourrait augmenter cette année grâce au plan de relance du gouvernement. On aurait alors l’illusion d’une plus grande activité économique sans amélioration réelle au niveau de la qualité des actifs bancaires (qui reste le problème principal).
– Qui plus est, le Trésor devrait également inclure un scénario "vraiment défavorable" dans lequel le PIB se contracte de 5% à 10% cette année. Après tout, partout en Asie, les PIB s’effondrent à cause de la baisse des exportations et du plongeon des productions industrielles. Les Etats-Unis ne pourront pas s’en sortir grâce aux exportations si leurs partenaires commerciaux sont déjà en pleine débandade.
– Autre chose. Les ventes actuelles de maisons aux Etats-Unis ont chuté de 5,3% en janvier. Les prix médians ont chuté de 14,8% depuis l’année dernière, pour atteindre le montant intriguant de 170 300 $. Si seulement les gens pouvaient obtenir un prêt ! Sérieusement. Les prix atteignent le niveau de "liquidation" qui devrait provoquer un sursaut de la demande.
– Mais le plan du Trésor n’inclut certainement pas l’éventualité d’une chute supplémentaire de 10% du prix des maisons. Si cela se produit, les banques vont avoir besoin de plus de capitaux qu’on ne peut l’imaginer. Et n’oubliez pas que cet argent ne viendra pas de l’épargne. Il viendra de ce que le Trésor obtiendra en empruntant, en augmentant les taxes, ou en demandant à la Fed.
– L’inflation arrive. Préparez-vous. Maintenant ou dans six mois. C’est la seule façon de faire monter le PIB, même si c’est une fausse augmentation. Six mois. D’ici là, le marché va peut-être accepter ce plan. Ou bien il sera laissé dans l’incertitude. Cela vous laisse le temps de mettre votre propre plan à exécution.