La Chronique Agora

Vous appelez ça un « resserrement » ?

Fed

Depuis quand l’annonce d’une hausse des taux d’intérêt d’un demi-point – et pas avant deux ans – constitue-t-elle un « durcissement » de la politique monétaire d’un pays ?

La Fed a annoncé son intention, décrite dans les médias comme « hawkish » [dérivé de hawk, « faucon », expression utilisée pour décrire une politique monétaire plus restrictive visant à freiner l’inflation, NDLR], de relever ses taux de 50 points de base, non pas cette année, ni même l’année prochaine, mais en 2023.

Ce resserrement de la politique monétaire impliquerait une réduction du programme de rachat d’obligations conduit par la Fed à l’aide de monnaie créée ex nihilo qui s’élève actuellement à 120 Mds$ par mois.

Les gens oublient que la banque centrale « a laissé inchangé son taux de refinancement pour la dixième réunion consécutive, après avoir pris dès le mois de mars de l’année dernière dans le contexte de la pandémie de coronavirus des mesures d’urgence en réduisant ses taux d’intérêt de 100 points de base ».

Une fois de plus, une mesure étatique décidée face à une situation d’urgence est devenue permanente.

Il y a plus grave…

Des records passés inaperçus

[…] Le tweet de Lyn Alden concernant le fait que le bilan de la Fed vient de dépasser la barre des 8 000 Mds$ d’actifs n’a pas fait grand bruit. Cette spécialiste de la politique monétaire de la Fed a également relayé l’information selon laquelle « les opérations de prise en pension de titres inversée ont bondi […] de 235 Mds$ pour atteindre 755 Mds$ ».

Le président Powell n’a pas donné plus de précisions sur ce que fera exactement la Fed. D’après Bloomberg, la presse financière l’a interprété ainsi :

« Le diagramme ‘dot plot’ publié par la Fed, qu’elle utilise pour illustrer ses prévisions en matière d’évolution des taux d’intérêt, indique que les responsables de la Fed ne prévoient aucun changement de politique monétaire cette année, mais anticipent en revanche deux hausses de taux d’ici la fin de l’année 2023 d’après les estimations médianes. »

Cela a-t-il le moindre sens ? Est-ce ainsi que le marché libre est supposé fonctionner ? Qu’en est-il du processus de découverte rationnel des prix ?

Après tout, comme l’expliquait l’économiste Murray Rothbard, « puisque toute décision d’investissement repose sur les anticipations de demande future, les investisseurs sont également engagés dans une démarche entrepreneuriale ».

Depuis quand le fait de prévoir une ou deux hausses de taux dans deux ans est-il considéré comme un « resserrement » de la politique monétaire au point de faire bondir le dollar et de faire chuter l’or ?

Puisque nous sommes dans un monde keynésien, et non autrichien, n’oublions pas que Keynes lui-même affirmait que « le marché peut rester irrationnel plus longtemps que vous ne pouvez rester solvable ».

Et l’or, alors ?

Il y a cependant une autre façon de voir les choses. George Milling-Stanley, directeur de la stratégie d’investissement sur le marché de l’or chez State Street Global Advisors, a déclaré ceci :

« Lorsque j’observe le marché de l’or, je me dis que la période actuelle pourrait s’avérer être un moment intéressant pour acheter […]. J’observe un volume important de ventes résultant d’un sentiment de panique et je ne pense pas que cela puisse durer beaucoup plus longtemps.

Pour schématiser, les marchés ont réagi à la hausse de l’inflation et des taux d’intérêt, mais ils ont complètement ignoré le fait que la hausse des taux d’intérêt annoncée n’aura pas lieu avant au moins deux ans. Beaucoup de choses peuvent se passer en deux ans. »

Milling-Stanley a la mémoire assez longue pour nous rappeler les faits suivants :

« La dernière fois que la Fed s’est réellement engagée dans un cycle de resserrement des taux, c’était entre décembre 2015 et décembre 2018. Le cours de l’or aurait donc dû baisser sur cette période. A la place, il est passé de 1 050 $ en décembre 2015 à 1 270 $ en décembre 2018.

L’or s’est donc apprécié de 21% au cours de cette période de trois ans, en dépit du fait que les taux d’intérêt ont été relevés à neuf reprises. »

Keynes a écrit au sujet de la spéculation que « c’est, pour ainsi dire, comme jouer […] aux chaises musicales – un passe-temps dans lequel le vainqueur est celui qui parvient […] à se saisir d’une chaise lorsque la musique s’arrête. Ces jeux peuvent être joués avec entrain et plaisir, même si tous les joueurs savent que […] lorsque la musique s’arrêtera, certains des joueurs devront rester debout ».

Contrairement à Keynes qui percevait la spéculation comme un simple jeu, Rothbard la considérait davantage comme une activité sérieuse :

« L’esprit d’entreprise est également la caractéristique dominante des spéculateurs, dont la spécialité est d’anticiper les fluctuations futures des prix. Leur activité toute entière consiste à tenter d’anticiper le niveau futur des prix sur le marché et leur succès dépend de la précision de leurs prévisions. »

Personne ne peut affirmer avec certitude si la Fed va réduire ou augmenter ses taux. Et bien que l’inflation provoquée par la Fed nous ait tous forcés, en tant que consommateurs, à apprendre à scanner nous-mêmes nos courses et à remplir nos réservoirs à la station-essence, rares sont ceux qui possèdent le talent entrepreneurial nécessaire pour investir leur épargne de la façon la plus adéquat pour leur retraite.

Compte tenu de l’influence considérable de la Fed sur les marchés, trouver une chaise sur laquelle s’asseoir et faire des prévisions de façon précise risque de s’avérer quasiment impossible.


Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici.

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