La Chronique Agora

Le VIX défie les lois de la physique… tout comme le Dow Jones !

▪ Le CAC 40 nous a offert mercredi un copier-coller de la séance de mardi. Il y a eu le même zénith (3 478 points) inscrit dès l’ouverture (à 9h01)… et le même plancher inscrit trois heures et demi plus tard : 3 443 points vers 12h45.

La suite des événements a été à l’identique : quatre heures de stagnation au sein d’un étroit canal (3 445/3 455). La seule petite originalité résidait dans l’absence de sursaut au cours des derniers échanges.

Le marché parisien n’a pas pour autant validé le moindre signal technique baissier ce mercredi — pas plus qu’il n’avait enclenché un nouveau rally en débordant les 3 400 il y a une semaine jour pour jour.

Autrement dit, pour vivre des journées intéressantes, il faut prendre ses gains dès l’ouverture puis sortir faire une partie de golf avec quelques amis loin de la pollution des villes… éteindre son smartphone… bien prendre son temps… ne regagner son bureau que lorsque le jour commence à décliner… racheter un peu de papier entre 16h et 17h afin de le revendre le lendemain dès la reprise des cotations… avant d’aller s’exercer sur un nouveau 18 trous.

Mais si quelque chose de malencontreux se produisait — comme une mauvaise statistique, des tensions dans le golfe Persique, des émeutes à Athènes (la liste est longue) ?

Rassurez-vous, aucun souci à se faire tant qu’un banquier central ne menace pas de restreindre la quantité de liquidités en circulation. M. le Marché n’a que faire du monde réel ; seule compte la prise de son traitement à base de morphine monétaire, à heure fixe et en dose chaque fois un peu plus corsée (sinon gare à la sensation de manque).

▪ Autisme boursier
Pour ceux qui se laisseraient séduire par une stratégie basée sur le suivi de tendance, il est difficile de prétendre surfer sur une psychologie positive du marché. En effet, les séquences haussières caractérisées par un ratio de cinq ou six séances de progression pour une de stagnation ne reflètent guère d’autre caractéristique mentale qu’un autisme forcené.

Ne rien voir, ne rien entendre, ne rien extrapoler reste la seule stratégie jugée efficace au jour le jour. La non-prise en compte du réel semble pure folie ; pourtant, elle est dictée par la rationalité la plus intransigeante, celle qui gouverne le trading haute fréquence.

Pour faire une analogie avec la physique classique : les lois presque exclusivement probabilistes qui régissent l’organisation de la matière à l’échelle subatomique ne sont pas exactement les mêmes que celles qui régissent la mécanique céleste, la fonte d’un glaçon dans un verre de whisky ou l’écoulement de la Seine au pied de la Tour Eiffel.

A l’échelle du centième de seconde, les transactions boursières haute fréquence modifient la nature de la formation du cours de Bourse. Il n’est alors plus qu’une sorte de brouillard quantique de prix auto-référents qui s’affichent de façon aléatoire sur les écrans.

Sur le titre Apple par exemple, plusieurs milliers de transactions entièrement automatisées peuvent se dérouler en un clin d’oeil. Si vous voyez apparaître 512,50 $, il s’agit bien d’un prix qui a été réellement coté… mais le titre a également valu 512,49 $ ou 512,51 $ une bonne centaine de fois dans le dixième de seconde qui a précédé.

Il n’y a plus véritablement d’offre ou de demande, seulement des possibilités d’arbitrages entre plates-formes de cotations. Moins d’un ordre sur 10 000 apparaissant dans les carnets d’ordres provient d’une décision humaine étayée par un semblant de raisonnement, un jugement de valeur sur la pertinence du cours.

C’est pourquoi les traders dont l’horizon d’investissement ne dépasse la clôture de 17h35 s’en remettent intégralement aux robots et à l’analyse technique et se moquent complètement du lendemain comme du surlendemain.

Ils se contentent de rajouter à chaque heure, à chaque minute, un étage sur le château de cartes… Et à chaque fois qu’ils en posent une sans qu’elle retombe, ils marquent un point.

Leur risque reste en effet limité à la dernière carte installée sur la pyramide. En cas de courant d’air, ils ne perdront en effet pas grand-chose ; pour les épargnants et les gérants value, en revanche, c’est la Bérézina.

▪ Epargne longue contre indice de la peur
Toutes les autres cartes empilées patiemment représentent notre épargne longue (le classique « acheter pour le long terme ») — une formule de placement où les points ne s’encaissent que si la pyramide est achevée sans s’écrouler.

C’est typiquement le cas au moment de prendre leur retraite pour les salariés américains qui bénéficient d’un « 401K » (une sorte d’enveloppe fiscale comparable à notre assurance-vie mais alimentée par les employeurs et très orientée actions). Ce qu’ils touchent est fonction de la hauteur de la pyramide au moment précis où ils cessent d’épargner.

La solidité de la pyramide est aujourd’hui évaluée au moyen du VIX, le célèbre « indice de la peur ». Plus son score est bas (en-deçà de 18 dans l’idéal, mais sous les 20, cela reste très favorable), plus le château de cartes est jugé solide.

C’est un indicateur un peu contre-intuitif : tout le monde sait bien que dans notre monde réel, les lois de la physique postulent que l’accroissement du poids et de la hauteur augmentent l’instabilité et la vulnérabilité au moindre courant d’air.

Mais dans l’univers quantique du VIX, c’est tout le contraire. Un peu comme si le dernier étage consolidait les précédents : plus les prix montent, plus l’édifice devient invulnérable.

A force de différer les consolidations, les tensions s’accumulent sans jamais avoir la possibilité de se relâcher. C’est pourquoi, depuis 2007, les marchés ont basculé brutalement à la baisse alors que le degré de confiance induit par le VIX était à son zénith.

L’optimisme apparent du marché culmine actuellement. Il en va de même pour un indice comme le Wilshire 500 (recouvrant la totalité des 6 350 entreprises cotées aux Etats-Unis), qui se retrouve non pas à 9%, comme le Dow Jones, mais à 5% seulement de son record historique absolu du 9 octobre 2007 (à 2% en intégrant les dividendes distribués), lorsque la croissance américaine caracolait à plus de 4,5% et celle de l’Eurozone autour de 3%.

Wall Street voit donc certaines de ses composantes sectorielles évoluer à des niveaux très proches d’un zénith séculaire alors que les périls conjoncturels sont multiples et que le principal moteur de la croissance (le crédit à l’économie réelle) reste en panne.

▪ Le rebond immobilier américain n’aura pas lieu
Les plus optimistes attendent une résurrection du marché de l’immobilier américain : ce ne sera pas pour le mois de janvier ! Les ventes de logements anciens ont effectivement rebondi (+4,3%) mais le chiffre s’avère inférieur aux anticipations (+5%).

Les stocks de logement invendus se réduisent encore de 0,4% à 2,31 millions… Toutefois, cela ne tient pas compte des millions de biens immobiliers encore détenus par les banques après saisie, ce qui ferait plus que doubler le score total.

Quant à la reprise censée nous éviter une récession en 2012, elle demande à être confirmée : selon la dernière estimation « flash » de l’institut européen Markit, l’indice PMI composite pour l’Eurozone a chuté de 50,4 en janvier vers 49,7 ce mois-ci. Le PMI ressort également en recul en Allemagne — toujours selon Markit — alors qu’il était anticipé en légère hausse. Seule la France s’épargne un recul en janvier grâce à une hausse surprise de la production manufacturière.

Avec un pétrole se rapprochant des 120 $ (pour un baril de Brent), peut-être les usines françaises tournaient-elles plus vite qu’en décembre… mais nous attendons avec impatience de connaître l’évolution de leurs marges.

Et nous pouvons imager sans peine quelle sera la tendance du moral des consommateurs en février maintenant qu’un plein moyen (60 litres) de « sans plomb 95 » revient à plus de 100 euros dans la plupart des stations-service du nord de l’Europe. L’essence reste un peu moins chère aux Baléares et aux Canaries : courez-y vite !

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