La Chronique Agora

Vive les philosophes (surtout français) !

▪ Nous sommes en France, où les choses sont à peu près telles que nous les avons laissées.

C’est bien là le problème avec la France. Rien n’y change vraiment — du moins pas en bien. C’est comme si le pays avait atteint son sommet sous la troisième République, et déclinait depuis.

« La France est presque un pays de zombies », avons-nous dit à une amie aux Etats-Unis. « Des morts-vivants ».

« Citez-moi un seul cinéaste français au statut international », l’avons-nous défiée. « Ou un compositeur ? Un groupe musical, de quelque sorte que ce soit ? Ou un écrivain ? »

« Essayez de décrire le dernier ‘style français’ en matière de design… d’architecture… ou de quoi que ce soit d’autre »…

« Et le théâtre ? La fête ? Paris avait des salles de spectacles populaires… le Moulin-Rouge… les Folies-Bergères… il y a un siècle. Et puis il y a eu les pièces de boulevard des années 20… mais ensuite ? Je ne sais pas… En attendant Godot — écrite par un Irlandais. Et puis il y a ces pièces des années 60 comme Les Mouches ou Huis-Clos. Elles semblent presque ridicules, aujourd’hui. Il y a peut-être du bon théâtre en France, mais il ne voyage sans doute pas très bien. Il n’est pas connu en dehors du pays ».

« J’ai déjà parlé des films… mais qu’en est-il de la philosophie ? C’est peut-être là que le déclin est le plus notable. En philosophie, les Français ont commencé bas et creusé profond ».

« Au moins la philosophie française était-elle populaire dans les années 60. On essayait de comprendre de quoi il s’agissait. Aujourd’hui, qui s’en soucie ? »

« Peu de gens peuvent nommer un domaine où les Français sont en tête, et de loin — sinon la dette publique, où ils sont à peu près au coude-à-coude avec les Etats-Unis ».

▪ Et que voyons-nous là ? Le plus grand philosophe télévisé français — BHL, Bernard-Henri Lévy — est de retour en couverture. Quelle est sa philosophie, exactement ? Nous n’en avons pas la moindre idée. Nous avons rencontré BHL il y a 30 ans. Nous avons essayé de déchiffrer ce dont il parlait à ce moment-là ; nous n’avons jamais réussi à en tirer ni queue ni tête.

Au cours des trois décennies qui s’en sont suivies, BHL est devenu une star. Il passe à la télé. Il écrit des livres. Il a épousé une célèbre actrice. Et il a encore tous ses cheveux. Nous pouvons lui pardonner beaucoup de choses, sauf ça. Si nous devons perdre nos cheveux, aucun homme n’a le droit de conserver les siens.

Mais il fait partie des people — il est riche, talentueux, beau et intelligent. Plus important, c’est un activiste !

Oui, cher lecteur, voilà où en est la philosophie française. L’activisme ! Les empêcheurs de tourner en rond ! L’amélioration du monde ! Mais BHL n’est pas arrivé là tout seul. Des générations de philosophes français ont dû creuser pour tomber si bas.

Nous accusons Descartes d’avoir porté le premier coup de pioche. « Je pense donc je suis » résolvait peut-être un problème important pour les philosophes, mais ça a mené le secteur tout entier dans la mauvaise direction. Imaginons qu’il ait pensé qu’il était un oignon. Aurait-on pu en faire une soupe ? Non, toute cette histoire de philosophie française était condamnée dès le début.

Et ce n’est pas allé en s’améliorant. A l’époque moderne, Jean-Paul Sartre a déclaré qu’une personne devait se mêler des affaires des autres pour exister. C’était la différence entre « l’être et le néant ». Il fallait « s’engager » dans la politique, disait-il. Naturellement, il a épousé les marxistes… et ne s’en est jamais remis.

Et voilà que BHL monte au front. Selon la presse, il est monté à bord d’un camion de légumes pour passer la frontière libyenne en douce. Il a ensuite arrangé une réunion clandestine avec les rebelles. Sa mission ? Eh bien, nous ignorons quelle était sa mission. Mais si l’on en croit un article dans Le Point, il agissait comme une sorte de ministre sans papier pour le gouvernement français. Sarkozy l’a invité à rencontrer les rebelles. BHL s’est exécuté, et en a conclu qu’ils étaient des combattants pour la liberté — ayant grand besoin du soutien de l’Occident. Et l’armée de l’air française n’a pas tardé à larguer des bombes sur la Libye… entraînant les Américains avec eux dans cette guerre.

 
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