La Chronique Agora

Vision d’un Occidental sur les boutiques de luxe en Chine

▪ Le voyageur étranger s’attend à découvrir beaucoup de constructions spectaculaires en Chine. Un petit bout des 6 500 kilomètres de la Grande Muraille, une place Tien an Men et une Cité Interdite équipées de centaines de caméras de surveillance, un Palais d’été avec son lac artificiel de 3 kilomètres carrés (pour faire joli) entièrement creusé à la main…

Mais ce qui affole l’imagination lorsque l’on survole de grandes agglomérations, c’est de se figurer que ces centaines, puis ces milliers, puis ces dizaines de milliers de toits en tôle bleue de toutes tailles recouvrent soit un atelier, soit un garage, ou une petite usine, un entrepôt, une chaîne de production, un complexe industriel.

Dans certaines zones, les toits bleus le disputent aux toits rouges — toujours de la bonne tôle ondulée qui prend bien la chaleur tropicale ! Il doit s’agir de bâtiments purement administratifs ou à usage de logement temporaire pour certains salariés.

Ce ne sont pas des pavillons d’habitation ni des abris pour les véhicules particuliers. Les ouvriers n’en possèdent pas et certaines zones de production ne sont même pas équipées d’un réseau routier digne de ce nom. Sur beaucoup de chemins dans les campagnes, un vélo ou un scooter, à la rigueur ça passe, une voiture… il faudrait la rétrécir de moitié dans le sens de la largeur !

▪ Rouler en voiture n’est pas une sinécure en Chine
Oui il faut se figurer des dizaines de millions de travailleurs suant sous les toits bleus tandis qu’une frange marginale de la population chinoise les survole avant d’embarquer dans des TGV climatisés ou de grosses berlines allemandes — qui ne peuvent d’ailleurs dépasser les 100 km/h sur les voies rapides.

A quoi sert donc cette débauche de chevaux — six ou huit cylindres et 200CV sont un minimum si l’on ne veut pas paraître ridicule en se rendant dans les centres-villes à 3 km/h en moyenne ! — alors que la vitesse est ultra-limitée en agglomération comme sur l’ensemble du réseau autoroutier.

Vous êtes pressé ? Prenez l’avion ou le TGV.

En ville, si vous êtes pressé, prenez vos pieds : vous franchirez ainsi certains carrefours en moins de 10 minutes.

▪ Des boutiques de luxe… vides !
A Pékin comme à Shanghai ou à Shenzhen, si vous voulez gagner un apéritif sans aucun suspens, pariez avec n’importe quel étranger en train de se liquéfier sur une banquette de bus (ils sont rarement climatisés) qu’en descendant au prochain arrêt vous atteindrez une station située à trois ou quatre kilomètres de là bien avant lui, ce qui vous laissera largement le temps de faire le plein d’amuse-gueules pour agrémenter l’apéro.

J’avais aussi — avant d’arriver sur le sol chinois — l’image de grands centres commerciaux, grouillants comme des fourmilières, proposant tous les marques occidentales près des quartiers d’affaires ou en lisière des quartiers résidentiels les plus huppés.

Aucune surprise en ce qui concerne la présence de ces malls à l’américaine ou ces centres commerciaux sur cinq ou six étages et constituant la copie conforme des Galeries Lafayette du boulevard Haussman.

Mais ces malls et les boutiques de luxe (Louis Vuitton, Cartier, Gucci, Ferragamo, Zegna, Tiffany, Rolex, Blancpain, Omega…) s’avèrent beaucoup plus nombreux que prévus, même dans des villes de taille moyenne (deux à quatre millions d’habitants). En revanche, ils sont beaucoup moins fréquentés que je ce que j’imaginais en découvrant les chiffres canons de LVMH ou Hermès en Asie.

Plus troublant, il y avait souvent bien moins de Chinois chez Cartier ou Chanel qu’à Paris dans les boutiques des Champs Elysées ou avenue Montaigne.

Quand je dis « moins », c’est en vérité beaucoup moins !

J’ai arpenté des milliers de mètres carrés de surfaces commerciales — dans au moins six villes différentes durant mon voyage — sans croiser personne. Les vendeurs sont partout plus nombreux que les clients.

Bon, il ne faut pas en tirer de conclusions trop hâtives… le consommateur chinois fait peut-être relâche au mois d’août.

Je n’ai pu m’empêcher d’aller à la pêche au renseignement set de glaner quelques indications sur les périodes fastes et les périodes creuses. Les Chinois (aisés, les autres n’ont même pas accès aux zones commerciales que j’évoque) se livrent à une débauche d’achats au mois de janvier (ou début février), durant les festivités du nouvel an.

Il y a une autre petite période assez active au moment des fêtes de l’automne — qui coïncide plus ou moins avec la rentrée — mais le reste du temps (10 mois tout de même), c’est assez calme, que ce soit le matin, le midi ou le soir.

Les Chinois adorent faire du shopping mais ils boudent les taxes appliquées aux produits de luxe étrangers. Seuls les ultra-riches font leurs emplettes à Pékin ou Shanghai. Les nouveaux showrooms Vuitton et Cartier ouverts juste en face de la Pearl Tower sont somptueux mais relativement déserts. Les autres descendent à Hong Kong qui reste pour encore 35 ans un vaste duty free.

Autrement dit, la plupart des magasins des avenues huppées des grandes métropoles chinoises servent uniquement de vitrines. Les rares visiteurs rentrent seulement pour demander le prix avant de ressortir téléphoner à un de leurs proches en voyage à Paris, Londres ou Dubaï afin qu’il effectue une véritable orgie d’achats en mode détaxe.

Je pourrais disserter pendant encore des heures sur le mirage de la consommation chinoise vue par les Occidentaux. Mais ce qui m’a clairement le plus marqué, ce sont ces dizaines de malls déserts, alors qu’on se les représente avec des vigiles organisant les queues devant les corners Gucci ou Prada.

En revanche, les petites boutiques pas chères et qui copient l’ambiance et le style des enseignes de milieu de gamme occidentales sont prises d’assaut. Surtout le coin des soldes, avec des aboyeurs dotés d’un mégaphone et qui hurlent les promos à chaque étage.

C’est assourdissant… la foule qui se presse est étourdissante… les clients qui grugent sans vergogne les queues aux caisses sont irritants. Le vrai luxe en Chine je vous l’assure… c’est le silence !

Il semblerait qu’il n’y ait pas de juste milieu : les galeries commerciales populaires sont sonorisées comme des boîtes de nuit à Ibiza, avec force techno ou rap local… mais chez Chanel, pas un son !

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