La Chronique Agora

Le viager, une mauvaise réputation pas toujours justifiée

immobilier - contrat - rente

Le viager peut être un contrat gagnant-gagnant pour certains vendeurs et pour les acheteurs qui veulent accéder à l’immobilier sans avoir recours au crédit.

Même s’il ne séduit qu’une infime partie de la population, le viager peut cependant être une solution intéressante pour les vendeurs sans héritiers directs et/ou sans retraite suffisante d’une part, et pour les acheteurs qui veulent se constituer un patrimoine immobilier sans avoir recours au crédit d’autre part.

Entre 5 000 et 8 000 ventes viagères – les plus optimistes parlent de 10 000 – sont conclues chaque année. Le marché est donc très petit, moins de 1% du marché immobilier hexagonal (un million de transactions en 2017).

Le viager n’a pas bonne réputation. En tout cas du point de vue de l’investisseur. Les plus anciens se rappelleront le film de Pierre Tchernia, dans lequel un médecin (Michel Galabru) et son frère (Jean-Pierre Darras) acquièrent, en viager, la maison de campagne d’un patient (Michel Serrault).

Ce dernier, selon le médecin, n’a plus que deux ans à vivre. L’affaire est donc sans risque. Las, le mal en point n’arrive pas à mourir. Pis, il reprend du poil de la bête. De plus, la rente viagère a été indexée sur l’aluminium dont le cours se met subitement à grimper.

Seule solution : éliminer Martinet, le malade bien portant. Toutes les tentatives se solderont par un échec. Martinet vivra jusqu’à 100 ans, enterrant le médecin et toute sa famille.

Un scénario qui n’est pas sans rappeler l’histoire bien réelle de Jeanne Calment, les tentatives d’assassinat en moins.

Celle-ci, sans héritier à l’âge de 90 ans, vend son appartement à son notaire. Ce dernier a alors 47 ans. Il mourra 30 ans plus tard, mais Jeanne Calment, elle, était toujours en vie. L’épouse du notaire paiera encore un loyer pendant deux années, jusqu’à la mort de Jeanne Calment à l’âge de 122 ans et 5 mois. Finalement, les acquéreurs auront payé l’appartement plus de deux fois son prix !

Avant d’examiner les avantages et inconvénients de ce dispositif, tant pour l’acheteur que pour le vendeur, rappelons brièvement le fonctionnement du viager et évoquons la fiscalité qui y est attachée.

Le viager, comment ça marche ?

L’achat en viager consiste pour l’acquéreur – appelé débirentier – à acheter un logement en échange du versement mensuel d’une rente au vendeur – appelé crédirentier. Cette rente est versée pendant toute la durée de vie du crédirentier. Lorsque ce dernier décède, le débirentier devient pleinement propriétaire du logement.

Le prix du logement n’est pas seulement constitué de la rente. Il s’y adjoint, dans la plupart des cas (mais ce n’est nullement obligatoire), un bouquet qui est la partie du prix payée comptant à la signature du contrat de vente. Le bouquet est librement fixé par les parties. En général, il est compris entre 20% et 30% de la valeur totale du bien.

Le montant de la rente est calculé par le notaire à partir de barèmes, et tient compte de critères tels l’âge et l’espérance de vie du crédirentier, la valeur du bien, ou encore les loyers que pourrait percevoir le crédirentier si son logement était loué.

Dans l’acte de vente, le crédirentier peut faire figurer une clause résolutoire l’autorisant à reprendre son bien si le débirentier ne verse plus la rente. Il peut également inscrire une clause lui permettant de conserver le bouquet en cas de résiliation du contrat de vente.

Les parties peuvent aussi insérer une clause d’indexation permettant la révision automatique du montant de la rente (par exemple sur l’indice des prix à la consommation ou celui de la construction).

Précisons, enfin, pour être complets, que le débirentier ne doit pas avoir eu connaissance de l’état de santé du crédirentier au moment de la vente. Le décès futur du crédirentier doit être imprévisible pour que la vente soit valable.

C’est pourquoi la loi considère qu’un décès survenu dans les 20 jours qui suivent la signature de l’acte de vente était prévisible et que, par conséquent, la vente n’est pas valable. Les héritiers du crédirentier peuvent alors demander l’annulation de la vente devant le tribunal de grande instance (TGI).

Quelle fiscalité pour le vendeur et pour l’acheteur ?

Pour le crédirentier (vendeur) :

Les rentes viagères sont soumises à l’impôt sur le revenu pour une fraction de leur montant, décroissante avec l’âge du crédirentier (50% de la rente est imposable entre 50 et 59 ans ; 30% seulement à partir de 70 ans). Le bouquet, en revanche, n’est pas imposé.

La vente immobilière en viager est soumise aux mêmes taxes sur les plus-values que les ventes immobilières « classiques ».

La valeur d’occupation du logement (si le crédirentier continue à l’habiter, bien entendu) doit être prise en compte au titre de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI).

Le crédirentier doit s’acquitter de la taxe d’habitation.

Pour le débirentier (acheteur) :

Le débirentier doit déclarer la valeur du bien à l’IFI (s’il y est soumis), déduction faite de la valeur d’occupation du logement par le crédirentier. En contrepartie, il peut inscrire la valeur capitalisée de la rente qu’il verse au passif de son IFI.

En revanche, il ne peut pas déduire le montant des rentes versées de son revenu imposable.

Le débirentier doit également s’acquitter de la taxe foncière, saut si les parties en ont décidé autrement dans le contrat de vente.

Comme tout acheteur, le débirentier doit régler les droits de mutation et frais de notaire au moment de l’achat.

Quels sont les avantages du viager ?

Le film Le Viager tout comme l’histoire de Jeanne Calment sont assez explicites sur les avantages que le crédirentier retire du viager.

Le crédirentier :

Mais un contrat honnête n’est pas gagnant-perdant. Au delà de l’incertitude sur le prix final lié à l’espérance de vie, l’acquéreur trouve aussi son compte.

Le débirentier :

Les risques sont surtout pour l’acheteur

Les inconvénients du viager pour le crédirentier sont quasiment inexistants. S’il a fait appel à un professionnel pour l’accompagner et si le contrat a été bien rédigé, avec les clauses le protégeant, il devrait être à l’abri d’un acheteur ne payant pas sa rente.

Les risques pèsent, bien évidemment, davantage sur les épaules du débirentier et sont liés à divers aléas, tels :

Les parties devront également porter une attention marquée à ce que le départ du crédirentier du logement soit prévu dans le contrat. En effet, avec l’âge peut survenir une perte d’autonomie et le crédirentier peut être contraint de quitter son logement pour aller habiter chez des proches ou en Ehpad. Qu’advient-il alors du logement ?

Le crédirentier pourrait le louer puisqu’il est usufruitier. En plus de la rente, il percevrait un loyer. De quoi financer le coût de la maison de retraite ! Cette solution cependant ne plaît souvent guère à l’acheteur qui ne connaît que trop bien les difficultés qu’il y a, en France, à récupérer un bien occupé.

La solution est de prévoir la libération anticipée du logement dans l’acte de vente, avec une clause d’abandon de jouissance. Cette clause (attention, elle est définitive) est généralement assortie d’une majoration de la rente, généralement de 30% (mais elle peut-être modulée en fonction du moment auquel le départ du logement intervient).

Cette solution peut être moins avantageuse, pour le crédirentier, que la mise en location. Cependant celui-ci est libéré des contraintes de la gestion locative.

Notons qu’un logement peut être acquis en viager libre. Dans ce cas, le débirentier peut occuper le logement, y loger ses proches ou le mettre en location. Le débirentier assume alors l’entière propriété du logement et ses conséquences en termes d’impôts et d’entretien du bien.

Les pensions de retraite sont laminées, poussant les anciens à rechercher des revenus complémentaires. Les banques deviennent plus frileuses pour accorder des prêts. Le marché du viager devrait donc s’animer.  Vous découvrirez aussi qu’acheteurs et vendeurs jouissent d’une certaine liberté quant à de nombreuses clauses laissées à la liberté des contractant : répartition entre bouquet et rente, choix des modalités d’indexation de la rente, clauses résolutoires, etc.

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