Les objectifs de l’accord de Paris sont-ils réalistes ?
Un ex-géologue de chez Equinor et diplômé de la prestigieuse université de Stanford nous a envoyé une analyse au sujet de l’élimination des émissions de carbone.
Les calculs du géologue pointent du doigt l’un des obstacles au remplacement des hydrocarbures dans les transports.
Dave, géologue de formation, surveille les opportunités d’investissement dans les métaux et les matières premières et livre des commentaires sur les besoins en matériaux des objectifs sur le climat.
Au cours de ses deux premières années en tant que nouvelle recrue, Dave a conseillé le comité exécutif du directeur d’exploration d’Equinor à deux reprises, une première fois sur l’allocation du portefeuille et une seconde fois sur l’utilisation des nouvelles technologies en lien à la réduction des émissions de carbone.
Avant de rejoindre Equinor, Dave a étudié la géologie et l’économie à Stanford.
Atteindre les objectifs climatiques : que faudra-t-il ?
Dave présente une estimation de la quantité de lithium qui sera nécessaire pour remplacer l’ensemble de la production automobile française par des véhicules électriques.
Il ne s’agit là que d’un seul des matériaux, parmi d’autres, dont les pays auront besoin pour éliminer le pétrole et le gaz.
Selon lui, les objectifs des dirigeants sur les émissions requièrent soit 1) une hausse inédite des prix des matières premières, 2) un recul majeur des objectifs d’émissions et/ou l’incapacité de les atteindre, 3) des progrès dans le développement des technologies énergétiques à hauteur d’une intervention divine.
D’abord, Dave nous propose un bref aperçu des principaux objectifs climatiques internationaux des dix dernières années :
- Accord de Paris de 2015 : ambition de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels (avec l’estimation que la température mondiale a déjà augmenté de 0,75 à 1°C jusqu’à présent, ce qui laisse entre 0,5 et 0,75°C de marge sur le restant du siècle) ;
- Pacte vert européen: devenir neutre pour le climat d’ici 2050 ;
- France : zéro émissions nettes de gaz à effet de serre d’ici 2050.
Certaines des plus grandes entreprises du monde ont des projets en ligne avec ceux des gouvernements :
- Apple : zéro émissions nettes d’ici 2030 ;
- Microsoft : émissions négatives d’ici 2030, toute émission de carbone éliminée d’ici 2050 ;
- Google : la production d’une énergie sans carbone 24h/24 et 7j/7 d’ici 2030 ;
- JP Morgan : 2 500 milliards de dollars engagés en faveur du financement durable d’ici 2030 ;
- Goldman Sachs : 750 milliards de dollars engagés en faveur d’un financement durable d’ici 2030 ;
- Toyota : neutre en carbone d’ici 2050 ;
- Renault : neutre en carbone d’ici 2050 ;
- Peugeot/Stellantis : neutre en carbone d’ici 2040.
L’effet des directives dans la réalité
Des législations géantes telles que le Green Deal européen de l’UE et l’Inflation Reduction Act des Etats-Unis ont engagé plusieurs milliers de milliards d’euros/dollars.
Pourtant, explique Dave, les institutions qui dirigent le mouvement jusqu’à présent disent que les gouvernements et les entreprises n’arrivent pas encore à la hauteur de leurs engagements.
Tous les cinq ans, les 193 pays participant au programme évaluent leurs progrès vers la réalisation des objectifs de l’Accord de Paris, ce que l’on appelle un bilan climatique.
En septembre 2023, le premier bilan quinquennal a révélé que non seulement les émissions mondiales n’étaient pas en baisse, mais que les participants à l’Accord étaient en passe d’augmenter les émissions de gaz à effet de serre, de 11% d’ici 2030.
Le monde n’est donc pas sur la bonne voie pour atteindre les objectifs à long terme de l’Accord de Paris.
Une estimation du lithium nécessaire pour remplacer toutes les voitures en France par des véhicules électriques
Pour démontrer l’ampleur de l’effort nécessaire pour atteindre les objectifs climatiques affichés, Dave présente la quantité de lithium qui serait nécessaire pour remplacer entièrement une année de production automobile française par des véhicules électriques.
La production automobile annuelle de Renault en 2021 était d’environ 2,9 millions de véhicules. La production automobile annuelle de Stellantis/Peugeot en 2021 était d’environ 2,5 millions de véhicules.
Pour simplifier, nous estimons la production française annuelle à environ 5 millions de véhicules par an. Nous supposons également que la quantité de lithium dans un véhicule électrique moyen (Tesla Model 3) est de 8 kg.
Cela nous donne le calcul suivant : 5 000 000 d’automobiles * 8kg = 40 000 000 kg ou 40 000 tonnes de lithium, par an, pour remplacer la production automobile française par des véhicules électriques.
Pour remettre cela dans son contexte, la quantité de lithium produite en 2021 dans le monde était estimée à un chiffre entre 85 000 et 90 000 tonnes. Cela signifie que si les constructeurs automobiles français tentent d’atteindre leurs objectifs d’émissions, ils devraient utiliser près de la moitié de l’approvisionnement mondial annuel en lithium.
De plus, il s’agit simplement de stocker une partie de l’énergie nécessaire à l’élimination des hydrocarbures. Cela n’inclut pas :
- le lithium nécessaire aux autres pays européens, ou d’ailleurs aux autres continents ;
- le lithium nécessaire à d’autres cas d’usage que les véhicules électriques ;
- les autres matières premières (le lithium ne représente que 7% du poids d’une batterie Li-ion typique) ;
- l’énergie pour alimenter l’industrie pour extraire et transformer le lithium et d’autres métaux ;
- l’énergie nécessaire pour recharger les batteries ;
- l’infrastructure nécessaire pour transporter l’énergie jusqu’à la recharge des batteries.
Impact sur le prix du lithium
Jusqu’à l’année dernière, le marché du lithium a connu une croissance incroyable.
Le prix au comptant du lithium a doublé en dix ans (passant d’environ 5 000 $ à 10 000 $), puis est monté en flèche pour atteindre un sommet de 37 000 $ en 2022, ce qui représente une croissance multipliée par plus de 7.
Depuis, les prix ont chuté de plus de 40%, pour atteindre récemment environ 22 000 $. En dépit de ce dégonflement des prix, cela représente tout de même un gain de quatre fois son prix depuis 2020.
Des entreprises de lithium sous surveillance
Dave surveille le secteur. Il écrit :
« ExxonMobil, le plus grand producteur d’énergies américain, a récemment annoncé avoir acheté plus de 120 000 acres de terrain dans l’Arkansas et prévoit de commencer à extraire et à transformer du minerai de lithium d’ici 2027. Il s’agit d’un changement majeur à son modèle économique, car ils sont jusqu’à présent restés concentrés sur l’extraction d’hydrocarbures, contrairement à de nombreuses autres grandes sociétés énergétiques occidentales.
L’une de ces sociétés est Lithium Argentina, qui a été introduite en Bourse sur le NYSE début novembre. Lithium Americas a connu une magnifique croissance en 2021-2022, suivie d’une dépréciation substantielle en Bourse, car le prix du métal a également baissé. Il reste bien au-dessus des prix sur 5 à 10 ans. »
KoBold Metals fait aussi partie des sociétés dans les viseurs de Dave, mais la société n’a pas de cotation en Bourse pour le moment.
Comme des paris dans le charbon, la production de pétrole, ou le transport d’énergies, Dave pense que des actions dans le minage de lithium peuvent profiter d’un obstacle aux ambitions des gouvernements et des entreprises sur les émissions de carbone.
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