La Chronique Agora

De l’autre côté de la vallée, en Argentine

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Lorsque vous lirez ces lignes, nous serons en route pour la civilisation — ou du moins pour la France. Nous allons prendre la voiture jusqu’à Salta… puis l’avion jusqu’à Buenos Aires… et enfin Paris. Cette année, nous n’avons pu passer que quelques courtes semaines en Argentine. Notre visite a été glissée entre divers engagements — des mariages, des réunions d’affaires et une cérémonie de remise de diplôme.

Pendant que nous voyageons, nous allons clore cette série sur la vie au ranch avec un rapide résumé de nos derniers jours sur place.

Dans le canyon à l’aube

Nous sommes partis à l’aube, accompagné par Jorge (ex-intendant du ranch désormais à la retraite) et Elizabeth. La température était sous le zéro. Mais le soleil brillait et il n’y avait pas de vent.

Tant que nous étions au soleil, nous avions assez chaud. Mais dès que nous sommes entrés dans le canyon menant vers le nord, un froid glacial s’est levé.


Le cayon glacial menant vers le nord – Photo : Elizabeth Bonner

Jorge et Elizabeth, sagement, portaient d’épais manteaux. En ce qui nous concerne, nous n’avions que des pulls.

Nous n’avions jamais vu cette propriété, ni la vallée dans laquelle elle se situe

Le but de cette sortie était de rendre visite à nos plus proches voisins — dont la ferme est attenante à la nôtre, côté nord.

Nous n’avions jamais vu cette propriété, ni la vallée dans laquelle elle se situe. La raison de cette ignorance : une haute montagne, El Colorado, nous sépare. Le seul moyen d’y accéder (à part quatre heures de route en voiture) est à cheval ou à pied, en suivant la rivière le long du canyon qu’elle a formé.


Don Bill prêt à partir – Photo : Elizabeth Bonner

Notre ranch a deux rivières — les deux sont à sec. L’occasion semblait donc toute trouvée de suivre le lit asséché tout le long du canyon vers la propriété voisine, à trois heures de cheval environ.

Jorge était notre guide en vertu du fait qu’il s’était rendu sur place il y a 45 ans et qu’il avait dit vouloir nous accompagner.

Nous nous rendrions sur place ensemble. Quelqu’un nous retrouverait de l’autre côté, en camionnette, pour ramener Jorge en ville. Pour notre part, nous reviendrions au ranch avec les chevaux par le chemin pris à l’aller. La traversée du canyon prendrait environ une heure.

Nous nous sommes frayé un chemin au-dessus des rochers et le long d’étendues de sable. De l’eau apparut dans la rivière dès que nous entrâmes dans le canyon, d’abord un filet, puis, plus tard, une vraie rivière d’environ 1m50 de large, profonde de 30 cm.

Cette même rivière était à sec de notre côté de la montagne. L’eau devait être souterraine du côté de notre propriété, pour ressortir dans le canyon.

Qu’elle nous ait ainsi échappé ne semblait guère équitable, mais il n’y avait personne à qui se plaindre.

De chaque côté, des roches rouges s’élevaient à des centaines de mètres… à certains endroits, des rochers acérés hérissaient les flancs des collines… et à d’autres encore, de gigantesques blocs avaient été lissés par le vent et l’eau. Comme avec les nuages, on pouvait voir ce qu’on voulait dans ces formes extravagantes — des châteaux, des tours, des cavernes, des bateaux, des avions… des icebergs de roche rouge.

Cela nous rappelait le Canyon de Chelly, en Arizona, mais plus petit, plus étroit et plus court. A certains passages, il faisait peut-être 300 mètres de large… à d’autres, les chevaux devaient se mettre en file indienne. Nous suivions la rivière. Les fers des chevaux glissaient et claquaient sur les pierres… ou faisaient rejaillir l’eau. A un moment, Jorge désigna une plaque de sable sombre et humide et nous indiqua de nous en tenir éloignés. Nous avons obéi… sans rien voir de différent par rapport aux kilomètres de sable humide que nous avions déjà parcourus.

Là où il y a de l’eau, il y a des champs, des prairies et des gens

Enfin, les parois du canyon se transformèrent peu à peu en collines… et la rivière entra dans une vaste vallée arrosée par la confluence de deux rivières, en plus de celle que nous avions suivie pour arriver. Et là où il y a de l’eau, il y a des champs, des prairies et des gens.

Vignes, noix et luzerne

Nos chevaux passèrent au-dessus d’une toma, où la rivière était bloquée de manière à ce que l’eau puisse être réorientée vers un grand canal d’irrigation.

A gauche se trouvait une piste et une camionnette garée non loin, sous un arbre d’algarrobo. Nous vîmes un champ de vigne. Et, plus loin, un champ de noyers.

Il y avait des maisons d’adobe… certaines joliment positionnées dans un bosquet de noyer ou au bord des vignes. Quelques prés semblaient abandonnés. Ils n’avaient été ni irrigués ni plantés. Et il y avait plusieurs grands champs verts de luzerne.

Les yeux de Jorge se sont illuminés. De la luzerne !

Jorge est un homme de bétail. Pour lui, la luzerne est comme une université exclusivement féminine pour un obsédé sexuel ; une fois qu’il l’a vue, il n’arrive plus à l’oublier.

Sur notre ranch, la luzerne sèche et brunit. Nous nous trouvons à court d’eau, de sorte que nous allons devoir acheter des bottes de céréales — à environ 50 $ la botte — chez un ami à Molinos, à une heure et demie de route.

Nous avons estimé qu’il y avait environ 50 acres couvertes de luzerne. Ce qui fait beaucoup de billets de 50 $.

A suivre…

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