Le bitcoin est une monnaie fiduciaire mais surtout un mode de transfert. Tout peut-être un moyen d’échange dans la mesure où ce moyen est accepté.
Nous nous intéressons de près aux cryptomonnaies comme le bitcoin depuis un certain temps. Aujourd’hui, nous retranscrivons une récente interview que nous a accordée un grand ami de Bill Bonner, l’auteur à succès Doug Casey, et menée par notre collègue Justin Spittler, éditeur du Casey Daily Dispatch. Doug nous explique en quoi le bitcoin est une monnaie.
Justin Spittler : Doug, vous possédez des bitcoins depuis un certain temps. Qu’est-ce qui vous a amené aux cryptomonnaies ?
Doug Casey : Je les ai repérées pour la première fois il y a de cela plusieurs années à Cafayate, en Argentine.
Un jour j’y rencontrai un jeune Belge et lui offris à déjeuner. Il me parla du bitcoin, dont il était un des tous premiers adeptes. En guise de remerciement pour le déjeuner, il me donna un bitcoin physique. Oui, ça existe. Ce sont des objets de collections sur lesquels les codes d’identification sont gravés.
Je possède toujours ce bitcoin. A l’époque, un bitcoin valait 12 $. Aujourd’hui, il en vaut environ 4 000 $.
C’est pour cette raison que je peux dire que c’est le déjeuner le meilleur marché que j’aie jamais offert à quelqu’un. Je regrette de ne pas avoir suivi ses conseils parce que j’aurais été aujourd’hui millionnaire. Un facteur multiplicatif d’environ 300 en seulement quelques années…
Justin : Oui, l’envolée du bitcoin ces dernières années est impressionnante.
Pensez-vous qu’il va continuer sur sa lancée ? Ou bien s’agit-il d’une bulle sur le point d’éclater ?
Doug : J’ai des doutes sur le niveau auquel le bitcoin s’échange actuellement. La bonne nouvelle c’est qu’on n’en créera jamais plus de 21 millions. D’après ce que j’en sais, pour l’instant, il n’en a été créé que la moitié environ.
Seulement 25 millions de personnes environ possèdent actuellement des bitcoins dans le monde.
C’est peu mais ce nombre va augmenter. Les gens vont acheter beaucoup plus de bitcoins et d’autres cryptomonnaies simplement parce que très peu en possèdent aujourd’hui et qu’il y a de bonnes raisons d’en posséder.
Justin : Je suis d’accord que le marché des cryptomonnaies va croître. Mais pourquoi exactement ?
Doug : Les cryptomonnaies sont la seule application – et la plus évidente – de la technologie blockchain.
Je ne suis pas expert informatique mais ce n’est pas nécessaire pour comprendre les implications de cette technologie – tout comme il n’était pas nécessaire d’être pilote ou mécanicien il y a un siècle pour se rendre compte des avantages de l’automobile. On dit que la technologie blockchain pourrait bien être le développement le plus important depuis l’invention de l’internet.
Elle va changer la façon dont les documents sont transmis, dont les biens immobiliers sont vendus et enregistrés, dont les actions et les obligations sont suivies, dont les stocks sont contrôlés. Elle est révolutionnaire par bien des aspects.
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Concernant les cryptomonnaies, mon objection initiale au bitcoin était qu’il n’est adossé à rien. C’est donc réellement une monnaie fiduciaire qui ressemble beaucoup au dollar américain, au kwacha zambien, au peso argentin ou à toutes les autres 150 monnaies ou plus qui circulent aujourd’hui. C’est une abstraction flottante.
Mais il y a quelque chose que je n’avais pas compris lorsque j’avais dit, à l’époque, qu’elle n’avait pas de valeur. C’est une monnaie fiduciaire mais elle a beaucoup plus de valeur que les autres.
Justin : Que n’aviez-vous pas compris ?
Doug : Au 4ème siècle avant Jésus-Christ, Aristote a défini les cinq caractéristiques d’une bonne monnaie. Son analyse est aujourd’hui encore d’actualité : elle doit être durable, divisible, pratique, constante et avoir une valeur d’usage en tant que telle. Sur cette base, Aristote pensait que l’or et l’argent-métal étaient ce qui convenait le mieux pour être utilisés comme monnaies. Analysons le bitcoin selon ces cinq critères.
Durable. Le bitcoin et les autres cryptomonnaies sont totalement durables, à moins qu’une impulsion électromagnétique ou une éruption solaire ne détruise tous les ordinateurs sur Terre. Elles ne sont pas aussi durables que les métaux mais elles conviennent, sauf effondrement de notre civilisation.
Divisible. Le bitcoin est indéfiniment divisible et même mieux que les métaux physiques – même si ces derniers peuvent également être divisés en fractions minuscules.
Pratique. Oui mais… – tant que vous avez un smartphone, le bitcoin est très pratique. Mais votre smartphone, ou un équivalent, peut ne pas toujours être sur vous. Et votre contrepartie doit également en posséder un. Ce n’est pas très pratique si quelqu’un ne connaît pas ou ne fait pas confiance au bitcoin. En ce moment, cela représente probablement 98% de l’humanité.
Constante. Absolument. Chaque bitcoin ressemble exactement à tous les autres. C’est au moins aussi bien que de l’or fin 24 carats.
Le problème que j’ai rencontré avec le bitcoin au début portait sur le cinquième point : le bitcoin a-t-il une valeur d’usage intrinsèque de sorte qu’on ne puisse pas se retrouver un jour « Gros-Jean comme devant » ?
Si vous possédez un million de dollars et que personne ne les accepte, ils n’ont aucune valeur intrinsèque. Ils ne sont que les dettes non-garanties d’un gouvernement en faillite. Comme un million de dollars du Zimbabwe. Une monnaie fiduciaire est facilement détruite par celui qui l’émet. Ces choses sont comme des allumettes qui s’enflamment. Elles ont des demi-vies, comme les éléments radioactifs.
Je pensais que c’était là le problème du bitcoin. Mais j’avais tort.
Le bitcoin est certes une monnaie fiduciaire comme le dollar ou le kwacha. Mais c’est également un excellent dispositif de transfert. On peut faire passer de l’argent d’un pays à l’autre ou d’une personne à l’autre de manière rapide et confidentielle. Je dirais même de manière secrète mais on n’est plus censé dire « secret » aujourd’hui, seulement « confidentiel. » Le politiquement correct a corrompu même le langage.
On peut faire tout cela en dehors du système bancaire, qui est de plus en plus important.
Heureusement, entre autres choses, la blockchain et le bitcoin vont détruire le système SWIFT, qui est cher (au moins entre 50 et 100 $ par transaction), lent (généralement un jour ou deux, parfois une semaine ou plus) et peu sûr (qui fait encore confiance aux grandes banques ou au gouvernement américain ?). En outre, le réseau SWIFT impose que tous les comptes dollars soient soldés à New York.
[NDLR : SWIFT est utilisé par des milliers de banques à travers le monde pour envoyer des instructions de paiement d’une valeur de milliers de milliards de dollars chaque jour.]
Par conséquent, ceci est la valeur d’usage du bitcoin. Il vous permet de transférer quelque chose qui est accepté comme monnaie hors du système bancaire et hors des monnaies fiduciaires.
Justin : Iriez-vous jusqu’à le qualifier de devise ?
Doug : Oui… Qu’est-ce qu’une devise ? La monnaie est un moyen d’échange et une réserve de valeur. Donc, pratiquement tout peut être utilisé comme monnaie. Certaines choses sont simplement meilleures que d’autres.
Le sel, les coquillages et les vaches, ces éléments ont tous été par le passé utilisés comme monnaie. Après tout, le terme « pécuniaire » vient du latin « pecus« , qui veut dire vache. Et le mot salaire vient du mot latin « sal« , qui veut dire sel. Les wampums étaient des coquillages. En prison et dans les zones de guerre, les cigarettes sont de l’argent. Même les disques de pierre géants des îles Yap ont été utilisés comme monnaie.
Tout peut être un moyen d’échange tant que cela est accepté. Le bitcoin l’est de plus en plus. Il répond à tous ces critères – ou est en passe de le faire. Il deviendra de plus en accepté alors que la plupart des monnaies fiduciaires émises par les Etats approcheront de leur valeur intrinsèque – essentiellement nulle – au cours du prochain cycle économique.
Justin : Qu’en est-il de la réserve de valeur ?
Doug : C’est plus problématique. Vous avez deux sortes de monnaies : les monnaies liées aux matières premières et les monnaies fiduciaires.
Les monnaies liées aux matières premières sont des biens physiques, des marchandises. Vous savez qu’elles ont une valeur d’usage. D’un autre côté, les monnaies fiduciaires sont créées. Elles sont totalement arbitraires.
Cela me rappelle la blague sur les sardines. Vous pouvez manger des sardines et vendre des sardines. Les monnaies liées aux matières premières sont comme manger des sardines. Les monnaies fiduciaires sont comme vendre des sardines. Naturellement, rien ne garantit que le bitcoin sera accepté d’ici un an ou deux ; s’il ne l’est pas, il échouera au test de la réserve de valeur. Mais pour l’instant, il est accepté. Sa valeur augmente à un rythme spectaculaire – contrairement aux monnaies fiduciaires qui ont toutes chuté d’environ 5% à 10% par an face aux biens et aux services. Soit dit en passant, je ne fais guère confiance à la précision des chiffres de l’inflation donnés par les gouvernements.
Le bitcoin est une innovation technologique. Il pourrait y avoir un bitcoin 2.0 et 3.0. Que vaudra alors le bitcoin actuel ? Il y a une raison pour laquelle l’expression « high tech, big wreck » (haute technologie, grand naufrage) est vraie. Ce n’est pas parce que jusqu’ici cela a été une super spéculation que cela signifie que c’est une bonne réserve de valeur. La technologie, une éruption solaire ou même une action du gouvernement pourraient le détruire.
En résumé, le bitcoin réussit pour l’instant le test du moyen d’échange et celui de réserve de valeur. On peut donc affirmer qu’il s’agit d’une monnaie – pour l’instant. Mais c’est également le cas du peso argentin. Je ne crois pas que le bitcoin existera encore dans cinq ans.