La Chronique Agora

Vale ou Petrobras, faut-il investir au Brésil ?

▪ Pauvre ambassadeur Elbrick.

Imaginez son état le 4 septembre 1969… quand un groupe de gauchistes l’a fait prisonnier à Rio de Janeiro. Les coups de tonnerre révolutionnaires se faisaient entendre partout en Amérique du Sud. Charles Elbrick a dû se demander s’il serait frappé par la foudre.

Les révolutionnaires qui l’avaient capturé n’étaient pas fous, cependant. Ils avaient des exigences rationnelles. En l’occurrence, trois jours plus tard, il a été relâché contre une dizaine de gauchistes détenus dans les prisons brésiliennes.

« Etre ambassadeur n’est pas toujours un chemin pavé de roses », a-t-il remarqué après avoir regagné sa liberté.

Le Brésil a pris sa part de mauvaises décisions… et souffert sa part de mauvaises politiques. Des généraux, des dictateurs, la répression, la dépression et l’hyperinflation — le Brésil a tout vu. Durant les années 80, les augmentations de prix à la consommation au Brésil ont pris le mors aux dents. En devise constante, un trajet en taxi qui aurait coûté quatre cruzeiros en 1980 en aurait coûté 5 000 milliards en 1994.

Entre temps, le gouvernement a essayé de lutter contre l’inflation en introduisant une nouvelle devise, le cruzado. Puis est venu le nouveau cruzado. Puis le retour du cruzeiro. Et finalement le real.

« Ce n’était pas aussi terrible que ça en a l’air », nous a expliqué un collègue à Sao Paulo. « Le gouvernement a essayé de neutraliser le phénomène en liant les prix à l’inflation. Les gens ne se ruinaient donc pas aussi vite qu’on pourrait le penser ».

▪ Quand plus rien n’est rationnel
Mais avec une hausse aussi rapide des prix, les investisseurs et les entrepreneurs ne pouvaient pas faire de projections raisonnables. L’expression des économistes, « des attentes rationnelles », n’avait aucun sens dans un monde où rien ne semblait rationnel du tout.

Naturellement, l’investissement et la production ont souffert… alors que les dépenses gouvernementales continuaient de croître. Comment les autorités brésiliennes pouvaient-elles financer leurs anciens programmes — sans parler des nouveaux — alors que l’économie réelle continuait de se contracter ? Elles ont imprimé plus d’argent !

Le plus intéressant, de notre point de vue, c’est que le gouvernement n’a pas augmenté massivement la masse monétaire pour déclencher l’hyperinflation. Il a simplement couvert ses déficits. A la fin des années 70, l’économie brésilienne semblait bien se porter. Le seul hic : le gouvernement dépensait deux fois plus d’argent qu’il ne levait d’impôts. Les économistes ont été surpris lorsque les prix se sont mis à s’envoler. Ensuite, l’inflation a forcé le gouvernement à imprimer beaucoup plus d’argent pour couvrir des déficits beaucoup plus profonds. En fin de compte, il s’est retrouvé à imprimer de nouveaux morceaux de papier portant beaucoup de zéros.

Note aux lecteurs : l’hyperinflation n’est pas nécessairement la résultante de gigantesques augmentations de la masse monétaire. Elle est autant la cause de l’impression monétaire que sa conséquence. Les gens craignent l’inflation. Ils dépensent leur argent au lieu de l’économiser. La vélocité de la devise s’envole. Les prix grimpent. Les gens se débarrassent de leur argent encore plus vite. Et les autorités doivent imprimer encore plus pour suivre le rythme.

Mais ça, c’était avant. Aujourd’hui, c’est différent. L’inflation a baissé après 1994. L’économie ne s’est pas seulement reprise, elle s’est envolée ! C’est désormais la cinquième au monde… et si nous en jugeons par ce que nous avons constaté à Sao Paulo, ce n’est qu’un début.

▪ Où investir alors ?
Tout de même, notre vieil ami Doug Casey est d’avis qu’il faut y réfléchir à deux fois avant d’acheter des actions brésiliennes :

« Environ 400 entreprises sont cotées sur la principale place brésilienne, Bovespa, pour une capitalisation boursière totale d’environ 1 200 milliards de dollars. Les plus grosses sont de loin la minière de fer Vale et Petrobras, la pétrolière nationale, contrôlée par l’Etat ».

« Ces deux valeurs, ainsi que 27 autres actions brésiliennes, s’échangent aux Etats-Unis. Historiquement, elles ont toujours coté moins cher que leurs homologues étrangères à cause des problèmes bien connus du pays — impôts élevés, bureaucratie lourde, restrictions coûteuses à l’importation, criminalité élevée, population sous-éduquée et infrastructures insuffisantes ».

« Le Brésil s’en sort bien, mais il reste à la traîne de ses homologues d’Amérique latine. Ces 10 dernières années, les bénéfices des entreprises de la région ont grimpé en moyenne de 18% par an. Les pays ayant enregistré les taux de croissance des revenus les plus élevés sont le Pérou (28%), la Colombie (23%), le Chili (13%) et le Mexique (12%). Le Brésil termine la liste avec une croissance de11%. Durant cette période, les actions latino-américaines ont atteint en moyenne un PER de 10. Le plus cher […] est le Chili, avec 15, suivi par le Mexique, la Colombie et le Pérou, avec des PER de 12. Historiquement, le Brésil s’échange moins cher, avec un PER moyen de 8. J’attribue cela à la structure régulatrice et fiscale du pays ».

« Selon le rapport Doing Business 2011 de la Banque mondiale, le Brésil est arrivée 127ème sur 183 pays pour l’accueil fait aux entreprises. Le Mexique est 35ème et le Chili 43ème. Le Brésil se classe particulièrement mal dans les catégories liées au lancement d’une entreprise, l’enregistrement de la propriété, les impôts et la fermeture d’une société. C’est kafkaïen ici comme dans de nombreux autres pays du Tiers monde — dans le sens où ils rendent presque impossible le fait de lancer une entreprise ».

« En se basant sur tout cela, je n’imagine pas acheter de valeurs brésiliennes ».

« Vale », a dit notre homme à Sao Paulo, sans contredire complètement Doug… mais en trouvant ce qu’il pense être un diamant parmi les graviers de la route :

« Nous sommes baissiers sur les valeurs brésiliennes également. Mais nous aimons Vale. Elle ne se vend qu’à sept fois les bénéfices. Et le rendement est de 5%. On ne peut pas faire mieux ».

Vale est bien entendu un grand producteur de matières premières. Ces dernières sont en disgrâce en ce moment, tout comme les entreprises qui les extraient du sol. Les matières premières sont également extrêmement cycliques. De sorte qu’un investisseur pourrait raisonnablement espérer qu’un retournement du marché des ressources naturelles — qui doit se produire un jour — mènera à une hausse du prix de Vale. Il pourrait aussi ne pas s’en soucier. Tant que le rendement tient, il pourrait être parfaitement heureux, quelle que soit les tempêtes s’abattant sur le prix des actions.

Ou il pourrait être frappé par la foudre.

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