▪ « Nous arrêterons de permettre aux résidents américains de faire du trading sur les métaux le vendredi 15 juillet à 17 heures. Nous vous prions donc de clôturer toutes vos positions de ce type d’ici là ».
L’avertissement du courtier en ligne Forex.com à l’intention de ses clients est clair : les investisseurs individuels américains ne pourront plus échanger de produits dérivés sur l’or et l’argent à partir du 15 juillet.
Il semble que les autorités veulent limiter la spéculation, et donc pousser les cours vers le bas. C’est tout à leur avantage puisqu’elles prévoient de devoir acheter le plus d’or possible pour éviter un effondrement du système monétaire.
Vous n’avez probablement pas lu le pavé de 2 300 pages de la loi Dodd-Frank ; personnellement, je ne vous en veux pas. Et puis après tout je suis là pour ça. La section 742(a) de cette loi sur la « protection des investisseurs » (je cite, car je ne permettrais pas qu’il me soit attribué un tel non-sens) mettra fin dès le 15 juillet aux marchés de gré à gré sur les métaux précieux, y compris l’or et l’argent.
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Le danger est toujours là… mais il n’est pas trop tard
Vous pouvez encore vous protéger contre la tempête qui menace d’engloutir les marchés… à conditions de prendre ces deux mesures toutes affaires cessantes.
Continuez votre lecture pour tout savoir…
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Dans le détail : investir sur ces marchés dits OTC (Over The Counter, l’équivalent anglophone de l’expression « de gré à gré ») avec du levier ou des appels de marge sera réservé aux entités commerciales et aux individus fortunés (qui sont considérés comme mieux informés que le commun des mortels, et également plus aptes à encaisser des pertes).
▪ Exit le particulier… à moins de la jouer « livraison physique »
L’interdiction, qui concerne également le marché des changes (Foreign Exchange en anglais ou Forex pour faire court), ne s’applique pas si les transactions se traduisent par une livraison de la marchandise sous 28 jours.
Autrement dit, vous pourrez continuer à boursicoter sur l’or si vous possédez un coffre-fort à la maison et si vous acceptez de vous faire livrer le métal jaune. Qu’il faudra réexpédier lorsque vous le vendrez… Dans la pratique, combien d’investisseurs individuels s’encombreront d’un coffre-fort ? Très peu, malheureusement.
La loi Dodd-Frank définit ensuite qui aura le droit d’investir dans des produits dérivés sur l’or. Les ménages ayant une fortune d’au moins un million de dollars, mais sans tenir compte de la valeur de la résidence principale. Ou ceux qui déclarent un revenu annuel de plus de 200 000 $ (ou 300 000 $ pour un couple). Ou encore les initiés des institutions qui émettent les produits financiers en question.
Ceux qui rempliront l’une de ces conditions seront considérés comme des « investisseurs accrédités » et pourront continuer à investir dans des dérivés sur l’or ou l’argent. Les autres seront purement et simplement exclus du marché.
▪ Pourquoi une telle décision ?
Officiellement pour protéger l’investisseur individuel et éviter qu’il laisse sa chemise dans des produits dérivés complexes.
En réalité, il faut se demander si les autorités américaines ne veulent pas tout simplement faire baisser les cours des métaux précieux. En éliminant les nombreux individus qui jouent la hausse de l’or et de l’argent.
Cette possibilité est d’autant plus sensée pour qui songe que le dollar ne vaudra bientôt plus rien (ce qui pousse d’ailleurs les investisseurs à acheter de l’or) et que Washington devra trouver d’autres supports pour stocker de la richesse que le dollar en perdition. Or tout le monde sait que la classe d’actifs la plus apte à remplir cette mission est l’or.
▪ Un premier pas vers l’erreur fatale de feu John Law
John Law de Lauriston, ministre des Finances du royaume de France, avait imaginé un système simple pour forcer le peuple à accepter le billet de banque :
– il a d’abord rendu illégale la possession de métaux précieux ;
– puis il a promis à tous les délateurs qu’à chaque fois que la police trouverait de l’or ou de l’argent grâce à une dénonciation, le corbeau en question recevrait l’équivalent en billets du pactole confisqué.
Je vous résume la fin : cela n’a pas duré longtemps. John Law sera obligé de s’enfuir, vivra ses dernières années abandonné de tous et quasiment sans la moindre ressource.
Les politiciens américains semblent donc avoir autant de lacunes en histoire qu’en économie ; après tout, s’ils avaient terminé premiers de classe ils n’en seraient pas réduits à l’avilissement de la politique.
J’avoue humblement avoir été un cancre à l’époque où monsieur Magnenat (mon barbu professeur d’histoire-géo au collège) tentait de faire comprendre à la tête blonde que j’étais l’importance de la géopolitique. Mais je peux dire fièrement que, depuis que les planches à billets du monde tournent à plein régime, je me soigne.
▪ Ma conclusion
Si la nouvelle loi devait faire davantage baisser les cours des métaux précieux, je n’en achèterais que davantage. Ceux-ci me seront ensuite livrés, puisque les coffres des établissements bancaires n’offrent plus une bonne protection.
Si le sujet vous intéresse, je vous reparlerai de tout cela et du risque de contrepartie (les banques possèdent-elle vraiment l’argent qu’elles mettent sur le marché ? Et si vous voulez le récupérer et qu’il n’y a rien… ?) le 16 septembre lors du Jour de l’Or à Paris. Réservez votre place dès maintenant, il n’y en a que 300 en tout et pour tout.
Première parution dans l’Edito Matières & Devises du 11/07/2011.