La Chronique Agora

Une reprise qui ne tient pas debout

** D’abord, quelques chiffres que l’on entend dans les couloirs : cette semaine, le pétrole a un peu baissé… l’or a gagné quelques dollars… et les marchés ont un peu bougé. Pris sur un laps de temps de plus de quelques minutes, des mouvements de cette taille se fondent généralement dans un fond complètement blanc. Mais nous ne sommes pas dans une période normale. Nous sommes dans une période de désespoir… et en période de désespoir, les gens se reposent sur n’importe quelle théorie tordue pour confirmer leur propre opinion.

– Evidemment, ces chiffres ne sont pas considérés comme de simples chiffres quand ils viennent de Wall Street ou de Washington. Là-bas on appelle ça des "données solides" ou des "statistiques". En réalité, ces pauvres chiffres torturés ne sont qu’un amalgame d’attentes et de confidences, mélangées à des sentiments, des "lectures" modifiées et des prévisions… mais ils portent un joli costume et parlent une langue officielle lourde d’acronymes. On leur montre le même respect qu’au parrain de la mafia — de la sorte que l’on obtient à coup de genoux brisés et d’utilisation créative de pinces coupantes.

– Les gangsters de tous les coins de la ville se mettent donc en rang pour trouver des liens entre le cycle lunaire et ce rally du marché, entre tel indicateur économique un peu flou et telle raison d’acheter plus d’actions. Regardez attentivement et vous pourrez trouver des tonnes de raisons de vous séparer de votre argent durement gagné.

– Ne vous méprenez pas, cher lecteur. Nous n’avons aucune idée de combien de temps le rally va durer. Il devrait probablement se terminer après que les initiés auront lâché toutes leurs actions (ce qu’ils font à une vitesse effrayante en ce moment), quand reviendra la lumière crue de la réalité. Mais il pourrait durer bien plus longtemps, comme un aquaplaning en voiture sur une autoroute trempée.

– La confiance engendre la confiance… l’illusion engendre l’illusion… et la pluie tombe.

** Aux Etats-Unis, l’économiste moyen n’est même pas capable de prédire correctement la révision de ses prédictions. Le consensus général adopté en début de semaine disait que le chiffre annualisé du PIB américain pour le deuxième trimestre serait revu à la baisse, avec une chute de 1,5%. Après bien des palabres, il a été laissé à -1%. L’économiste moyen n’arrive même pas à avoir tort avec raison.

– Heureusement, seulement la plupart de ceux qui travaillent dans le domaine de la prévision financière ont toujours tort. Certains d’entre eux, comme Nouriel Roubini, vous mettent en garde contre la catastrophe AVANT qu’elle ne se produise, un talent que les agences les plus cotées du monde n’ont souvent pas.

– Alors, comment M. Roubini décrit-il la reprise ? En un mot, "anémique". Roubini voit un "gros risque" de récession à double creux, selon un article publié dans le Financial Times.

– Nassim Nicholas Taleb, auteur du Cygne noir, fait également partie de ceux qui ont "eu raison" — et il est tout aussi dubitatif. Plusieurs mois avant que Bernanke ne soit désigné pour un autre mandat, Taleb avait beaucoup à dire sur le dirigeant de la Fed, à commencer par ça :

– "J’aimerais voir les gens responsables [de la crise] non seulement punis, mais renvoyés. M. Bernanke n’avait pas compris l’ampleur des risques que prenait le système. Je veux qu’il parte"…

– "Je ne pense pas grand bien de voir cette catégorie de gens gérer ce genre de plan dans la société", continue Taleb. "Ils ont échoué et ils échoueront de nouveau".

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