La Chronique Agora

Une nouvelle ère

** Ce week-end, votre correspondant et une amie française se sont abrités de la chaleur étouffante des rues de Manhattan en entrant dans la fraîcheur d’un restaurant sur-climatisé. Après nous avoir trouvé une table, une serveuse dynamique est venue nous offrir trois versions différentes d’eau potable fraîche.

– "Plate, gazeuse ou en carafe ?" a-t-elle demandé. "Plate, s’il vous plaît", avons-nous répondu, n’osant pas commander de l’eau du robinet en présence d’une citoyenne française.

– Bien entendu un grand verre d’eau du robinet bien fraîche aurait été tout aussi satisfaisant — quoique légèrement moins chic. Mais pourquoi étancher sa soif gratuitement lorsqu’on peut payer un tel privilège. En Occident, l’eau en bouteille est un simple luxe, jamais une nécessité absolue.

– Même des décennies avant que notre serveuse du Bridge Café, à Manhattan, commence à offrir trois sortes d’eau à ses clients, l’établissement n’a jamais manqué d’eau fraîche.

– Lorsque le Bridge Café a ouvert ses portes en 1794, l’East River, toute proche, fournissait de l’eau potable en abondance. Cette aubaine n’a pas duré, bien entendu, l’industrialisation rapide de New York, à la fin des années 1800, ayant pollué ses eaux. Mais cela n’a pas été un problème : les habitants de Manhattan ont simplement construits tunnels et aqueducs permettant de puiser dans les vastes réserves d’eau du bassin hydrographique de Westchester, à quelques kilomètres au nord. Toutes les villes d’Occident ont des systèmes d’eau tout aussi complexes… pour garantir que le liquide vital ne cesse jamais de couler de leurs robinets.

** L’eau propre et potable coule avec une telle abondance dans nos infrastructures que nous pouvons l’utiliser pour laver nos 4×4, arroser nos potagers et améliorer nos terrains de golf. Nous utilisons même de l’eau potable pour refroidir nos réacteurs nucléaires et transformer notre bois en papier. Pendant ce temps, la majeure partie des habitants de la planète n’a pas accès à de l’eau saine. Seuls 20% de la population mondiale profite actuellement des avantages de l’eau courante. Les 80% qui restent doivent la trouver où et quand ils le peuvent. Dans certaines régions du monde, les gens passent jusqu’à six heures par jour à chercher de l’eau.

– "L’incapacité de fournir de l’eau portable saine et des services sanitaires adéquats à tous est peut-être le plus grand échec du développement du 20ème siècle", écrit Peter H. Gleick, auteur de Dirty Water: Estimated Deaths from Water-Related Diseases 2000-2020 ["Eau sale : une estimation du nombre de morts dues à des maladies liées à l’eau entre 2000-2020"]. "La principale conséquence de cet échec est le taux de mortalité élevé parmi les jeunes enfants, dû à des maladies évitables, liées à l’eau… Si l’on n’agit pas pour répondre aux besoins de base humains en eau, jusqu’à 135 millions de personnes mourront de ces maladies d’ici 2020".

– Il est tragique de constater que les milliers de morts liées à l’eau se produisant tous les jours n’ont pas vraiment motivé d’efforts pour purifier les eaux de la planète. Mais maintenant que l’eau malsaine est devenu un problème ECONOMIQUE sérieux, des agences gouvernementales et des sociétés privées du monde entier se lancent dans la course. La Chine, l’Inde et la plupart des autres pays en voie de développement réalisent qu’aucune économie ne peut prospérer bien longtemps en polluant l’eau qui soutient sa main d’œuvre. Voilà pourquoi des pays du monde entier dépenseront de centaines de milliards de dollars pour nettoyer leurs réserves d’eau. 

– L’ère de l’eau saine a commencé.

 

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