La Chronique Agora

Une histoire d'orignal

Les choses n’ont plus aucun sens à mes yeux, et c’est cette ahurissante confusion — ainsi que la "crainte de l’inconnu" — qui font ressortir mon côté paniqué, contre lequel la science pharmaceutique moderne ne peut rien, les panacées hors de prix rebondissant sur ma paranoïa frénétique telles des balles sur les pectoraux d’acier de Superman.

Quel genre de confusion ? Eh bien, par exemple, le crédit total de la Fed a encore baissé de 4,2 milliards de dollars la semaine dernière, alors que le crédit des banques elles-mêmes ne fait que se développer ; cela signifie, par définition, que la dette continue d’augmenter, donc la masse monétaire devrait faire de même — et pourtant, je vois que cette dernière n’est guère robuste. On s’y perd.

Et la dette américaine augmente toujours de trois milliards de dollars par jour. Les choses empirent d’heure en heure, comme si quelqu’un était vraiment convaincu que la politique budgétaire "du pain et des jeux", qui a toujours échoué par le passé, n’est pas inflationniste et suicidaire ! On s’y perd, on s’y perd !

Mais toutes ces choses terrifiantes ne signifient apparemment rien pour personne — sinon pour les cinglés braillards, fanatiques de l’or, adeptes de l’école autrichienne d’économie et ayant peur de leur ombre comme moi. Et vraiment, la grande nouvelle, ces derniers jours, semble être que l’élite de la banque centrale américaine, les banquiers ordinaires, les sous-fifres, les assistants, les amis, les pique-assiettes et divers "autres" se sont réunis à Jackson Hole, dans le Wyoming. Ils se sont rencontrés pour leur conférence annuelle super-secrète, où je soupçonne qu’ils fument du crack et avalent des pilules d’ecstasy, ce qui expliquerait leur bizarre manière de penser — en particulier cette idée étrange selon laquelle "baisser les taux d’intérêt réglera n’importe quel problème".

La blague, cette année, était de savoir s’ils allaient croiser un orignal — apparemment, leur petite plaisanterie veut que cela annonce une économie en croissance. Ha. Ha. Ha. Et bien entendu, nous voilà avec quelques images d’un triste orignal efflanqué errant quelque part dans le paysage. Non mais franchement, l’endroit grouille de gens du FBI, de gens de la CIA, de gens de la NSA, de gens de la sécurité, de gens de la police, d’équipes de télévision et autres personnages bruyants : il y a de quoi se demander comment un vieil orignal malade et affamé pourrait s’aventurer accidentellement assez près pour qu’un caméraman puisse enregistrer la scène, à la grande joie de CNBC.

Et après ça, j’ai entendu dire que le discours de Bernanke ne concernait pas l’inflation ! Il ne parlait pas non plus de l’effondrement de la bulle immobilière. Pas plus qu’il n’abordait le problème de la dette, tant publique que privée. Ni la masse monétaire mondiale en hausse, ni la chute du dollar US, ni la dangereuse hausse des prix, pas plus que le fait que les autorités monétaires devront bientôt admettre qu’ils sont de sombres idiots pour croire que leur risible théorie économique sur la baisse des taux d’intérêt — encourageant à s’endetter plus encore — marchera éternellement comme par une incompréhensible magie, ou tous ces trucs importants !

Non, au lieu de cela, le discours était composé de bla-bla insipide sur la "mondialisation", et comment elle a progressé étonnamment vite — plus qu’à tout autre moment de l’histoire, et tous ont affirmé être plaisamment confus sur la raison pour laquelle tout cela s’est produit. Ils tombent tous d’accord pour dire que c’est une excellente chose, et qu’ils sont certains que tout sera simplement parfait, parfait, parfait à partir de maintenant — même s’ils se demandent, quand même, pourquoi ?

Devant cet outrage, je bondis de colère et cours vers l’écran de télévision — et mettant mon nez si près de l’écran que je suis certain qu’ils peuvent me voir, je me mets à crier : "Pourquoi ? Vous voulez savoir pourquoi la mondialisation a progressé si rapidement et si loin, bande de crétins ?" C’était censé être simplement une question rhétorique, mais tout à coup, ma famille entière s’est mise à gémir, les enfants pleurent et hurlent "Maman ! Maman ! Dis-lui d’arrêter ! Pour l’amour du Ciel, dis-lui d’arrêter !", tandis que mon aînée lève comiquement les yeux au ciel en se lamentant : "O Mort, où est ton aiguillon ?".

Et c’est là que ma femme s’y met en disant : "non mon chéri, nous ne voulons pas savoir pourquoi, parce que nous le savons déjà ! C’est à cause de la Réserve fédérale, pas vrai ?". Avant que j’aie pu tomber d’accord, elle grogne : "Pas vrai ? Admet-le, Espèce de Dur à Cuire Mogambo (EDCM) ! Admet que c’est à cause de la Fed ! Allez ! Admet-le !" A quoi je réponds, avec mon Humour Mogambo Habituel (HMH) : "Taisez-vous, taisez-vous, taisez-vous ! Taisez-vous, tous autant que vous êtes !" Et je sors en courant, mon petit coeur tout brisé et mes yeux pleins de larmes brûlantes et amères.

Après avoir bu quelques verres avec mes nouveaux amis au bar du coin, qui sert de la nourriture grasse et bon marché ainsi que de l’alcool pas cher (dans des verres graisseux), j’ai réalisé que ma femme avait raison : tout ça était bien à cause de la Fed ! Mais cela a fait naître une autre question : si ma famille peut le comprendre, comment se fait-il que les seuls qui n’y arrivent pas soient ceux de la Fed… et ceux dont la vie dépend des flatteries qu’ils adressent à la Fed, afin de pouvoir assister à ces conférences prestigieuses, faire les importants et faire payer des sommes faramineuses à leurs clients ignorants? Et je me suis dit : "peut-être qu’ils ne savent pas !"

Et c’est là que j’ai eu une Fabuleuse Idée Mogambo (FIM). Il s’agissait de louer un costume d’orignal et d’aller à Jackson Hole. Déguisé en véritable orignal, je m’aventurerai, l’air de rien, tout mignon et gentil, assez près de la conférence pour capter l’attention de tous. Ensuite, je mugirai, vraiment comme un orignal : "L’Esprit de l’Orignal l’exige : envoyez-moi Ben Bernanke !". Ce dernier sortirait en disant : "qu’est-ce que tu veux, l’orignal ?". Ensuite, avec un effet tout à fait dramatique, je sauterais hors de mon costume d’orignal en criant, avec un accent russe à couper au couteau : "Ha ! Je ne suis pas un orignal, mais bien le Mogambo Guru !".

Ensuite, espérant que les équipes de télévision puissent filmer tout ça avant que les gens de la sécurité ne m’arrêtent, je braillerai : "la mondialisation a eu lieu parce que quelqu’un a payé pour, espèce d’idiot patenté ! Elle a été achetée et payée ! Donc la question très pertinente de l’Esprit de l’Orignal est la suivante : ‘d’où crois-tu que le financement de toute cette mondialisation sans précédent provient, crétin des Alpes ?’".

Puis, après une courte pause dramatique, je continuerai, faisant preuve d’éloquence dans ce moment de gloire : "puisque vous n’en avez visiblement pas la moindre idée, je vais vous le dire ! Le financement de la mondialisation provient de la Réserve fédérale, nigaud, qui a créé tant d’argent et de dette, année après année, pour que le gouvernement US puisse vendre des obligations, pour qu’il puisse se lancer dans une orgie sans fin de dépenses déficitaires, et tout le monde a terminé avec de l’argent plein les poches ! De l’argent à brûler, mon pote ! Et les dettes handicapantes qui vont avec ! Et tout cet argent a terminé dans les bourses des riches, comme de bien entendu, parce que ce sont les riches qui prêtent de l’argent. La dette, quant à elle, a terminé chez les pauvres, qui doivent emprunter !"

Du coin de l’oeil, je vois des personnes courant vers moi, et, parlant plus rapidement, je me suis exclamé en hâte : "et ensuite, toutes les autres banques centrales de la planète ont été forcées de faire la même chose, pour empêcher que leurs devises ne se renforcent trop contre un dollar qui se déprécie rapidement ! Et tout cet argent, toute cette montagne d’argent et de dette, a été utilisé pour se développer, se développer, se développer ! Voilà votre satanée mondialisation !".

Et le temps de dire ouf, me voilà à expliquer calmement, d’une voix très forte, aux hommes en noir du FBI qui me traînent dans une limousine noire non-immatriculée : "personne ne voulait voir chuter le dollar — voilà pourquoi les gouvernements étrangers ont créé de l’argent pour racheter tous ces dollars ! Ils ont dévalué leur propre monnaie aussi ! Nous sommes tous maudits ! Vous ne pouvez pas le voir, ignorante flicaille ?".

C’est à ce moment là que l’officier A a dit à l’officier B : "je pense qu’il résiste à son arrestation. Remettons-lui un petit coup de fusil tranquillisant !". Et j’ai hurlé : "je n’oppose aucune résistance ! Je suis immobile et menotté, bande d’idiots !". A quoi l’officier B a répondu : "Voilà qui me semble bien être de la ‘résistance’, officier A !".

Mais nous ne parlons pas du fait que le reste de la journée n’est plus qu’un vide dans mon esprit, ni de costumes d’orignaux, mais bien du dernier conclave de Jackson Hole, et comment Bernanke a apparemment dit, de manière stupéfiante — entre toutes les autres choses qu’il aurait pu dire : "le défi, pour les décideurs politiques, est de s’assurer que les bénéfices de l’intégration économique mondiale sont partagés suffisamment largement". Quoi ? Je n’en crois pas mes oreilles ? Quel genre de sottises sort-il, pour un banquier central ? Mes mains tremblent visiblement devant cette horreur !

Nous l’avons vu plus haut, Bernanke a dit : "le défi, pour les décideurs politiques, est de s’assurer que les bénéfices de l’intégration économique mondiale sont partagés suffisamment largement".

En utilisant l’expression "s’assurer que les bénéfices de l’intégration économique mondiale sont partagés suffisamment largement", Bernanke voulait évidemment dire que "le gouvernement doit s’emparer de l’argent et du pouvoir des gens, et le donner à moi et mes amis".

Et qui sont ces "amis" ? Bernanke nous donne rapidement la réponse en affirmant : "il faut par exemple aider les travailleurs déplacés à obtenir la formation nécessaire pour profiter de nouvelles opportunités". Hahahaha ! Le pauvre homme a-t-il personnellement connaissance de véritables succès dans la "formation de travailleurs déplacés" (qui ne le sont que parce qu’ils coûtent trop cher de l’heure) afin de profiter de "nouvelles opportunités" ? Moi, en tout cas, je n’en connais aucun ! Hahahaha !

La raison à cela est qu’il n’y a pas de "nouvelles opportunités" permettant au travailleur américain surpayé de gagner plus d’argent qu’un ouvrier étranger à bas coût, mon pote ! S’il y en avait, les étrangers seraient déjà sur le coup ! Hahahaha !

Donc croyez-moi quand je dis que s’il y avait vraiment de "nouvelles opportunités" auxquelles les étrangers puissent faire concurrence, les salaires grimperaient dans ce secteur, l’argent irait là-bas aussi, et il y aurait beaucoup de gens louches dans le coin, essayant furtivement de s’accaparer un morceau du gâteau, de manière légale ou non.

Meilleures salutations,

Le Mogambo Guru
Pour la Chronique Agora

— Comme le dit le Mogambo : la Grande Leçon Mogambo (GLM) que l’on retient de l’Histoire, c’est que lorsqu’on atteint les dernières phases d’un cycle boom/krach, les gens se précipitent toujours, de plus en plus nombreux et de plus en plus rapidement, pour acheter de l’or et de l’argent — et le prix de ces métaux augmente tandis que les gens fuient, de plus en plus nombreux et de plus en plus rapidement, loin d’une devise en pleine inflation.

C’est ainsi que les choses se passent chaque fois qu’un gouvernement crétin ou désespéré a commis les Mêmes Péchés Economiques (MPE) que ceux que nous commettons aujourd’hui. C’est pure idiotie que de penser qu’aujourd’hui, sans aucune raison particulière, les choses finiront différemment.

On peut voir que je vais entrer dans une des mes "crises", mais avant que je puisse me lancer dans une autre de mes tirades fatigantes-et-bruyantes sur la stupidité des gens et la perfidie de la Fed, qui créée tout cet excès de monnaie et de crédit, Sol Palha, du Tactical Investor, nous fournit la morale de l’histoire : "vivez et pensez comme un idiot, et vous investirez et obtiendrez les récompenses d’un crétin".

Etant moi-même un crétin, je peux vous assurer avec certitude que les "récompenses" auxquelles pense M. Palha nous arriveront au royaume des cieux, parce que personnellement, je n’en ai jamais vu une seule.

Non, mieux vaut "vivre et penser comme quelqu’un qui peut retenir les leçons de l’histoire, et vous investirez et obtiendrez les récompenses des gens intelligents" — ce qui, dans le cas présent, revient à acheter de l’or et de l’argent. En grandes quantités !

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