La Chronique Agora

Une bonne statistique de l'emploi ne fait pas une reprise économique

▪ Les autorités américaines ont donné les derniers chiffres de l’emploi vendredi. Apparemment, les choses ne sont pas aussi épouvantables qu’on le pensait. L’économie US a en fait créé 103 000 nouveaux emplois depuis septembre.

Attendez. Cela ne fait pas beaucoup de postes. La main-d’oeuvre américaine se compose d’environ 150 millions de personnes. Ce chiffre augmente — grâce à l’immigration et à la croissance de la population — d’environ 1,2 million par an. Si bien que 100 000 nouveaux emplois ne font pas grand-chose pour revenir au plein emploi.

C’est mieux que rien, toutefois. Et rien, c’est précisément ce que les chiffres montraient pour le mois d’août. Ces données ont elles aussi été révisées à la hausse, toutefois — pour montrer 57 000 emplois créés ce mois-là.

Les investisseurs n’ont pas franchement réagi ; ils sont blasés. Les journaux étaient plus enthousiastes. Ils ont parlé des chiffres de l’emploi avec approbation et espoir. La stabilisation des prix et les nouveaux emplois signifient que les probabilités d’une récession en double creux diminuent. Et alors ? Le problème, ce n’est pas la récession. Une récession concerne la croissance du PIB ; elle mesure le « plus » et le « moins ». Une économie en expansion utilise plus de ressources et produit plus de choses. Une économie déclinante — en récession — produit moins de choses.

Et si le vrai problème avait moins à voir avec la quantité qu’avec la qualité ? Si vous avez une voiture ou un réfrigérateur de plus, est-ce que vous vous en sortez mieux ? Et une nouvelle opération des reins ou une guerre de plus ? A moins que vous ne préfériez un nouveau gadget made in China ou une autre part de dessert ?

Vous auriez plus de choses. Est-ce que vous iriez mieux ? Pas nécessairement.

Beaucoup de gens commencent à refuser ce choix. Et s’ils ne le font pas, ils le devraient. En partie parce qu’ils ne peuvent pas se permettre plus de choses. En partie parce qu’ils ont déjà assez de choses. Et en partie parce que ces choses les encombrent.

▪ Voici un dicton de la Chronique Agora : les gens en viennent à penser ce qu’ils doivent penser lorsqu’ils doivent le penser.

Lorsque fabriquer plus de choses ne rapporte plus…

Lorsque les gens ne peuvent plus se permettre d’acheter plus de choses…

… les choses deviendront impopulaires.

Déjà, si l’on en croit le magazine TIME, l’Américain moyen dépense 2% de moins en biens et services qu’il y a quatre ans. C’est un grand changement dans une économie de consommation.

Il modifie également ce sur quoi portent ses dépenses. Les voitures chères fabriquées à l’étranger ne se vendent plus comme avant. L’Américain moyen ne voyage plus autant. Il fréquente moins les parcs de loisirs et les événements sportifs.

Il reste chez lui et regarde la télévision.

Voici une autre petite chose intéressante : le nombre de marchés de producteurs est en hausse flagrante aux Etats-Unis.

Pourquoi ? Parce que le consommateur est passé de « plus » à « mieux ». Il ne veut pas plus de nourriture ; il veut de la meilleure nourriture.

Il dépense également plus pour des jeux et des appareils de communication. Apparemment, les gens considèrent que ces choses sont importantes pour leur qualité de vie.

On note également une nouvelle tendance dans l’immobilier US. Les grands manoirs tape-à-l’oeil cèdent la place à de petits cottages pleins de charme. Les grandes maisons sont difficiles à chauffer et chères à entretenir. Elles ne sont pas très confortables, non plus. Les petites maisons, en revanche, peuvent être plus douillettes… et plus amusantes à habiter, si l’on aime les gens avec qui l’on vit.

La richesse ostentatoire est probablement en train de passer de mode pour une autre raison : elle devient une cible politique. Les riches sont peu nombreux… mais c’est leur impopularité qui mesure leur richesse, non leur nombre. Ils sont en train de devenir une minorité mal-aimée et vulnérable, sur qui l’on fait peser la responsabilité de la crise économique, et que peu de gens défendent en public. Que peuvent faire les riches ? Ils restent assis dans leurs enclaves bien gardées et attendent que la foule se soulève contre eux.

Certains essaient de s’attirer les faveurs des masses en donnant de l’argent à des oeuvres caritatives ; ils offrent même de payer plus d’impôts. D’autres se font discrets… conduisent de vieilles voitures… et renouvellent leur passeport.

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