La Chronique Agora

Un membre de la Fed, ça ferme sa g*** ou ça démissionne !

▪ Hommes (et femmes) de peu de foi, repentez-vous d’avoir douté de la tendance haussière ! Le Dow Jones a bel et bien aligné mercredi soir une huitième hausse consécutive. Il s’effritait de 0,3% à la mi-séance jeudi, tout comme la veille. Croyez-vous que cela l’empêchera d’en inscrire une neuvième (qui oserait interrompre cette symphonie haussière) ?

Le CAC 40 confirme la totale maîtrise du terrain boursier par les haussiers. L’indice phare termine au plus haut du jour, sur un gain de 0,1% — après avoir affiché jusqu’à -1,2% ce matin, testant au plus bas les 4 040 points.

Deux séances de repli consécutif à Paris ? Vous n’y songez pas ! Qui se souvient d’ailleurs de ce qui avait provoqué le mouvement de correction initial ? Une tension des taux au Portugal ? Le plongeon de la bourse d’Athènes dans le sillage de banques en quasi-faillite ?

Bravo ! Il y en a qui ont encore du temps à perdre avec des anecdotes sans aucune relation avec le contexte haussier qui règne depuis 11 semaines sur les places occidentales.

Si les informations qui vous parviennent n’étayent pas le pronostic haussier, dites-vous bien qu’elles n’ont aucun rapport avec l’évolution des marchés. Si vous recevez de la pluie sur la tête alors que votre baromètre en plâtre indique "tempête de ciel bleu", dites-vous qu’il doit s’agir d’une erreur : vous n’êtes tout simplement pas à l’endroit où vous pensiez être !

Vous avez probablement franchi involontairement une faille dans l’espace-temps. Vous évoluez provisoirement dans une dimension parallèle — celle que les rédacteurs de la Chronique décryptent pour vous jour après jour. Dès que vous apercevrez de nouveau le soleil, c’est que tout sera redevenu normal.

▪ Les marchés n’ont jamais perdu la conviction que le soleil allait continuer d’inonder Wall Street. Un splendide rayon a d’ailleurs percé sous quelques vagues nuages en fin d’après-midi sur le Vieux Continent et provoqué un spectaculaire rebond des indices : l’Euro-Stoxx 50 est repassé de -1,1% à -0,2%.

Les acheteurs sont revenus en force alors que commençait à circuler la rumeur (ouvertement propagée par la CIA) d’une démission du président Moubarak. Ils interprètent cela comme un triomphe de la démocratie et la disparition d’une hypothèque géopolitique. Nous aimerions beaucoup savoir si le vice-président qui est pressenti pour reprendre le pouvoir sera un allié indéfectible des Etats-Unis alors que la dictature qui vient de s’effondrer a été indéfectiblement soutenue durant des décennies par une demi-douzaine de dirigeants américains successifs.

Nous avons également été surpris par l’absence totale de réaction des investisseurs à la publication des chiffres hebdomadaires du chômage. Ils confirment la teneur de ceux publiés vendredi dernier : le nombre d’allocataires chute de 36 000, à 383 000 — le meilleur total depuis la mi-juillet 2008. La moyenne mensuelle chute de 16 000, à 415 000. Enfin, le nombre total de chômeurs repasse nettement sous la barre des quatre millions.

Aucune réaction non plus au maintien de son taux directeur à 0,5% par la Banque d’Angleterre. Beaucoup d’économistes jugent pourtant qu’elle joue avec le feu (l’inflation flirte avec les 4%) et devrait impérativement resserrer sa politique monétaire d’ici le mois de mai pour conserver sa crédibilité aux yeux des marchés.

Mais si le taux était porté à 1%, cela ne changerait rien au climat inflationniste ; s’il était relevé jusqu’à 2% d’ici la fin de l’année non plus. Regardez ce qui se passe en Chine et au Brésil. Même avec des taux à 6% et 11% — ou peu s’en faut — respectivement, ces deux pays ne viennent pas à bout du dérapage des prix alimentaires et des produits manufacturés de première nécessité (les carburants, c’est encore un autre problème).

Au fait, les spécialistes du pétrole ne semblent pas avoir la même lecture optimiste que Wall Street. Le baril ne profite pas de l’apaisement espéré en Egypte : il s’échange au-dessus des 87 $… et l’écart par rapport au Brent (100 $) s’accroît encore.

▪ Wall Street se montre tout aussi indifférent à la démission d’un des membres votants de la Fed, un dénommé Kevin Warsh qui avait fait une partie de sa carrière chez Morgan Stanley (division fusions/acquisitions).

Figurez-vous qu’il s’agit d’un trublion qui a osé mettre publiquement en doute la pertinence du "QE2". Il n’est pas allé jusqu’à voter contre en décembre dernier (imaginez le scandale et l’opprobre dont il se serait couvert)… Cependant, il semble partager certaines de nos vues à ce sujet, plus anciennes que celles du sénateur Ron Paul ou de Darrell Issa évoqué jeudi par Bill Bonner.

L’annonce de sa démission (effective au 31 mars prochain) remonte à seulement quelques heures. Elle sera certainement oubliée avant que la Fed ait racheté son prochain paquet de T-Bonds à 30 ans — ils affichaient un rendement de 4,75% hier soir… pas de quoi s’inquiéter, naturellement !

Ce départ illustre un principe bien connu en France : "un ministre, ça ferme sa g*** ou ça démissionne". D’autres membres de la Fed ont déjà exprimé d’une manière ou d’une autre leur doute sur l’opportunité de mener le "QE2" jusqu’à son terme ; ils sont cinq dans ce cas depuis septembre dernier mais deux étaient en fin de mandat début janvier.

Mais ils ont voté comme un seul homme sa poursuite lors de la dernière réunion de fin janvier… y compris, donc, le fameux Kevin Warsh.

Il semblerait que cela ait fini par l’empêcher de dormir, ou déclenché les railleries de son club de supporters… mais une chose est sûre, il n’aura pas à se compromettre une nouvelle fois. Lors du prochain meeting de la Fed mi-mars, il sera certainement autorisé à participer à une partie de pêche ou à effectuer un voyage culturel en Chine car nous ne voyons pas ce qui pourrait l’empêcher de voter contre le "QE2".

Le problème, c’est que les marchés de taux pourraient voter contre bien avant lui !

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile