▪ Cette journée de mardi aurait pu fort mal se terminer compte tenu d’une chute de 1,5% de Wall Street lundi soir, assortie d’un plongeon de 3,5% de la Bourse de Tokyo en tout début de matinée. Manifestement, le climat boursier semble avoir quelque peu fraîchi depuis le final incandescent du mois de juillet.
Lors de ma dernière chronique rédigée à cette époque, je m’interrogeais encore sur le risque de voir la poignée de brokers les plus influents de Wall Street nous rejouer le scénario de l’été 2009. Les gérants indiciels auraient docilement suivi une tendance haussière montée sur vérins hydrauliques, sans faire grand cas d’une série de signaux conjoncturels nous hurlant depuis le début de l’été que l’ascension des indices boursiers était totalement déconnectée de la réalité économique.
En de telles circonstances, ce paradoxe se résout tout naturellement par un concept abracadabrantesque : plus les nouvelles sont pires, plus l’avenir s’annonce radieux pour Wall Street — en vertu de la fameuse troisième loi de Newton qui postule le principe des actions réciproques (ou « action/réaction » d’égale intensité).
Tout déboire de l’économie américaine induit donc une intervention de la Fed qui sera d’autant plus musclée et spectaculaire que le péril déflationniste apparaît important.
Ben Bernanke est le premier à reconnaître que le rythme de contraction du taux de croissance aux Etats-Unis est bien plus brutal que prévu. C’est ce qui justifie la mise en délibéré d’une nouvelle série de mesures monétaires — probablement non-conventionnelles — pour éviter que le scénario de reprise en « W » ne se matérialise.
La Fed ne saurait envisager que la situation puisse empirer davantage. Cependant, une majorité d’investisseurs redoute désormais que le W ne se transforme en quelque chose qui ressemble à un V, suivi d’une figure de type « racine carrée »… avec une barre horizontale se situant à proximité du niveau zéro en 2011 et 2012.
La première estimation du PIB américain fin juillet puis la forte révision à la baisse de la croissance US trois semaines plus tard accrédite ce genre d’hypothèse.
▪ Mais il n’est pas de situation de crise dont les Etats-Unis ne soient ressortis sans regonfler une bonne bulle immobilière. Ben Bernanke, qui connaît bien ses classiques, n’a pas manqué de rappeler à ses homologues réunis le week-end dernier à Jackson Hole, dans le Wyoming, que cela a fonctionné sept fois sur huit lors des plus sévères récessions observées depuis le début du XXe siècle, notamment celle de 1929 à 1932.
L’exemple le plus emblématique fut bien celui dont Bernanke lui-même a été l’une des principales chevilles ouvrières de 2003 à 2007, sous la houlette de son mentor, Mister Alan « Bubble » Greenspan. On avait alors assisté à un doublement de l’activité « crédit aux particuliers » puis du prix des logements, sur fond de titrisation galopante.
Mettez de côté l’arnaque des prêts subprime et la carambouille des CDS, et vous obtenez un scénario très comparable à celui que connaît la Chine depuis le début du XXIe siècle… sauf que l’empire du Milieu n’a pas encore subi l’effondrement d’une bulle immobilière, à l’image de ce qui se produisit au Japon à l’entame de la dernière décennie du XXe siècle.
▪ Nous n’avons cessé d’écrire que le Pays du Soleil Levant ne s’en est toujours pas remis… Toutefois, vous seriez assez surpris de découvrir à quoi ressemble aujourd’hui ce pays après 20 ans de « crise ». Sitôt la folie immobilière jugulée par la camisole du tarissement du crédit, le Japon s’est lancé dans une orgie d’investissement dans les infrastructures : rien ne semblait alors trop grand, trop coûteux, trop démesuré aux yeux des dirigeants nippons.
C’est ce que j’ai pu constater au cours de la quinzaine de jours que j’ai passé à sillonner le Japon en famille.
Des autoroutes se mirent à traverser les montagnes, avec des portions où l’on compte pas moins de 40 kilomètres en tunnel et 10 kilomètres en viaducs sur une distance de 50 kilomètres.
Sur les routes secondaires, il a suffi qu’un ancien évoque un petit éboulement rocheux lors d’un violent tremblement de terre en 1954, à trois kilomètres de la sortie du village, pour que surgisse un paravalanche de deux kilomètres, doté de sa piste cyclable (séparée des voies de circulation par un rail de sécurité) et d’un incontournable distributeur automatique de boissons fraîches à chacune de ses deux extrémités.
Ce n’est que l’une des nombreuses anecdotes que je ne vais pas manquer de glisser au détour de mes prochaines chroniques.
Cela pourra compléter utilement notre réflexion économique sur le Japon si nous devons connaître de nouvelles séances où les indices boursiers occidentaux en terminent sur un score d’équilibre, comme ce fut le cas en Europe puis à Wall Street mardi soir.
▪ Les indices américains étaient encore assez nettement dans le rouge à une demi-heure de la clôture. Un coup de pouce opportuniste au cours des ultimes minutes de la séance a quand même permis au S&P 500 d’afficher un gain symbolique de 0,04% au lieu d’une perte de 0,4% (vers 21h30). Le Dow Jones a quant à lui préservé in extremis le seuil des 10 000 points au coup de cloche final (+0,05% à 10 015 points).
Globalement, le mois d’août constitue un assez parfait symétrique du mois de juillet. On enregistre une chute de 7,25% du Nasdaq, dans le sillage d’AMD et son score de -25%. Le S&P chute quant à lui de 4,8% sur le mois ; il perdait plus de 5% à l’ouverture… tout comme Paris, qui a rebondi mardi matin sur les 3 430 points pour en terminer au contact des 3 490 points, soit une performance mensuelle de -4,2%.