** Le milliardaire/investisseur/gourou/modèle du grand-père jovial Warren Buffett a dit que l’économie américaine était un "fouillis sans nom". Buffett a dit à CNBC que la crise financière avait atteint son paroxysme à la fin de l’année dernière (ce dont nous doutons). Et la crise économique ? Elle est encore en pleine action.
– "Je reçois les chiffres d’à peu près 70 entreprises, la plupart quotidiennement", a déclaré Buffett. "Tout ce que je vois en ce qui concerne l’économie, c’est que nous n’avons pas vécu de rebond. Le système financier était en pleine crise en septembre et en octobre dernier, mais elle a été surmontée et c’est extrêmement important. Mais pour que l’économie revienne à un niveau correct, il va falloir pas mal de temps".
– "Pas mal de temps", ce n’est pas un repère temporel précis. Mais Buffett a probablement raison. "Il y a eu beaucoup d’excès qu’il faut maintenant balayer et ce processus est encore en cours, il me semble même que c’est loin d’être terminé. Dans le rapport annuel [de Berkshire Hathaway], j’ai dit que l’économie resterait un fouillis sans nom cette année et sûrement bien après. J’ai peur que cela ne soit vrai".
– Un dernier commentaire de Buffett. "Je ne crains pas la déflation", a-t-il dit. Nous n’avons pas vu la totalité de l’interview. Mais nous supposons qu’il veut dire qu’il craint plus l’inflation — à moins qu’il ne craigne aucune des deux, ce que nous pensons être possible. Mais Buffett a affirmé que, selon lui, la Bourse était une option attractive pour les 10 ans à venir, comparée aux alternatives.
– Si par "alternatives", il entend "liquidités", alors il craint peut-être l’inflation et pense qu’il vaut mieux posséder des actions que du liquide pendant l’inflation. Il ne veut sûrement pas dire par là que les bons du gouvernement américain sont un meilleur pari que les actions pendant l’inflation, n’est-ce pas ?
** Arrêtons d’essayer de lire les pensées de Warren. Jetons rapidement un oeil à ce que le Federal Open Market Committee a dit à propos des taux d’intérêts américains. Nous traquons toujours les mots qui pourraient dévoiler les intentions de la Fed en ce qui concerne le marché des bons du Trésor. Alors, qu’a dit la Fed ?
– Ils ont affirmé que les taux bas — du moins les taux visés par la Fed — resteraient bas. "La commission va maintenir la marge fixée pour les taux fed funds entre 0% et 1/4% et continue à anticiper les conditions économiques qui risquent de garantir les niveaux exceptionnellement bas des taux fed funds durant une période assez longue".
– Que la Fed puisse baisser ou manipuler les taux à long terme afin de les maintenir en sommeil est un autre problème. Mais il y avait plus à dire sur le sujet. "Comme annoncé précédemment, pour soutenir l’emprunt hypothécaire et les marchés immobiliers, et pour améliorer les conditions générales des marchés de crédit privés, la Réserve fédérale va acheter un total de 125 000 milliards de dollars de titres adossés à des hypothèques sur entreprises et jusqu’à 200 milliards de dollars de dettes d’entreprises d’ici la fin de l’année".
– La partie importante de la phrase, c’est ce "comme annoncé précédemment". Cela sonne un peu comme : "je suis sérieux. Je vais vraiment le faire. Je vous le jure. Ne me faites pas acheter ces titres. Je le ferai si je n’ai pas le choix. Ne me poussez pas à de telles extrémités".
– En d’autres termes, la Fed ne fait que répéter ce qu’elle a dit qu’elle ferait il y a déjà un certain temps. Elle n’a pas annoncé une nouvelle politique ou une intention d’étendre l’assouplissement quantitatif pour maintenir les rendements obligataires à un niveau bas. Nous pensons qu’elle ne souhaitera pas mettre en avant sa volonté de continuer à acheter des obligations. Cela peut entraîner un grand nombre de ventes et avoir l’effet pervers de faire grimper les rendements américains, poussant ainsi les investisseurs à s’intéresser à d’autres actifs.
– Mais pour faire bonne mesure, la Fed s’est répétée encore une fois. "De plus, la Réserve fédérale va acheter jusqu’à 300 milliards de dollars de bons du Trésor américain cet automne. La Commission va continuer à évaluer le choix du moment et les montants totaux de ces achats de titres à la lumière des perspectives économiques et des conditions sur les marchés financiers. La Fed contrôle la taille et la composition de son bilan et va ajuster son crédit et ses programmes de liquidités, comme prévu".
– C’est donc un jeu de patience désormais. La Fed espère que l’économie va se remettre cette année, et qu’elle pourra retirer ces gigantesques mesures jouant sur la liquidité avant qu’elles ne finissent par se répandre dans l’économie, provoquant l’inflation. Jusqu’à maintenant, ses facilités de crédit ne se sont pas traduites par une expansion de la masse monétaire — mais c’est ce que craint le marché des bons du Trésor américain (et c’est aussi la raison pour laquelle les rendements des bons à 10 ans ont grimpé ces derniers jours).