La Chronique Agora

Un empire ne recule jamais

▪ Votre correspondant a offert à son épouse pour une escapade à Chypre. Nous voulions aussi voir où Solon était mort. Il n’est pas certain que Solon — grand législateur grec — soit mort à Chypre. Et on ignore parfaitement ce qu’il faisait là. Selon Hérodote, cependant, son corps a été « consumé dans le feu chypriote ». Ce doit donc être l’endroit où il est redevenu poussière.

Solon était à la tête d’Athènes durant la deuxième moitié du 7ème siècle avant J.-C. A l’époque comme maintenant, les gens s’étaient mis dans le pétrin. Ils devaient trop d’argent. Le fardeau de la dette était si pesant qu’il semblait écraser l’économie tout entière.

Mais Solon n’était pas bête.

« Les Athéniens avaient pour habitude de masquer les aspects déplaisants des choses, leur donnant des noms affectueux et charitables », écrit Plutarque. « Ils appellent les prostituées des maîtresses, les impôts des contributions, les garnisons des gardes et la prison commune une résidence ».

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Ainsi, selon Aristote, Solon pensa que la chose à faire était d’organiser une sorte de délestage. Solon « fit annuler les dettes, aussi bien privées que publiques… ils se délestèrent du poids qui pesait sur eux ».

Le problème, avec les Solon d’aujourd’hui, c’est qu’ils ne se délestent pas du poids qui repose sur leurs citoyens. Ils l’alourdissent. Le principal souci en Europe, c’est la dette gouvernementale. Pourtant, chaque gouvernement de l’Union européenne s’entête à s’endetter toujours plus profondément.

La semaine prochaine — le jour de la Toussaint plus précisément — les Etats-Unis devraient passer le seuil où leur dette nationale dépasse les 100% de leur PIB. Au rythme actuel, chaque année de déficit y rajoute environ 1 500 milliards de dollars.

Si les Etats-Unis suivent effectivement les traces du Japon — comme nous pensons que c’est le cas — nous verrons les autorités doubler leur dette au cours des sept à 10 prochaines années.

Mais attendez. Le Japon a un avantage. Il n’a pas de dépenses militaires vraiment conséquentes. Les Etats-Unis, eux, en ont jusque par-dessus la tête. Le coût de leurs guerres et opérations étrangères représente plus de 1 000 milliards de dollars par an. Il faut un million de dollars par an simplement pour entretenir un soldat en Afghanistan. Ces dépenses pourraient être réduites sans causer trop de douleur ou de souffrances aux Etats-Unis mêmes.

▪ Mais les empires ne reculent pas. En tout cas, l’empire grec n’a pas reculé. Une fois que Solon eût réglé ses problèmes de dette, les Hellènes ne tardèrent pas à redevenir impériaux… et à se réendetter. Voilà pourquoi l’histoire de Chypre se lit souvent comme une mésaventure grecque après l’autre.

Parfois, les Athéniens se battaient contre les Perses et les Phéniciens. Parfois ils se battaient contre d’autres Grecs. Parfois ils se battaient contre les Chypriotes. Parfois ils se battaient aux côtés des Chypriotes. Comme les Américains, ils avaient des troupes un peu partout… et se faisaient des ennemis partout où ils passaient.

Une stèle a été découverte, reprenant les noms des Athéniens de la tribu Erechthéide, qui prit fin dans les années 459-458 av. J.-C.

« De la tribu Erechthéide, voici ceux qui sont morts au combat en Egypte, à Halieis, à Egine, à Mégare »… Les noms de 177 soldats sont gravés.

Athènes n’a pas reculé. Elle a continué — jusqu’à aller trop loin. En 431 av. J.-C., Périclès a prononcé un discours que renierait pas un candidat à la présidentielle actuel. (Aucun candidat ne peut ouvertement parler de gérer le processus de déclin… ce serait un suicide politique).

Périclès louait les efforts de ses ancêtres :

« Cette contrée, que sans interruption ont habitée des gens de même race, est passée de mains en mains jusqu’à ce jour, en sauvegardant grâce à leur valeur sa liberté. Ils méritent des éloges ; mais nos pères en méritent davantage encore. A l’héritage qu’ils avaient reçu, ils ont ajouté et nous ont légué, au prix de mille labeurs, la puissance que nous possédons ».

Il jura ensuite de tenir le cap :

« On ne peut refuser les charges de la cité et s’attendre à en partager les honneurs ».

Il aurait dû reculer. Sous sa direction, Athènes continua à faire la guerre à tout le monde ou presque… jusqu’à ce que les Spartiates l’envahissent, mettent la cité à sac et son peuple en esclavage. Périclès mourut quant à lui de la peste.

Il ne faut pas s’attendre à ce que les Etats-Unis reculent, eux non plus, comme nous le verrons demain.

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