La Chronique Agora

Un bon plan

** Ben Bernanke et Alan Greenspan sont tombés d’accord : le boom de l’immobilier a pris fin, et il va entamer un déclin "ordonné". Nous sommes également d’avis qu’il a pris fin, et que les prix des maisons vont commencer à décliner — par contre, nous sommes moins certain de ce qui concerne le caractère "ordonné" de l’affaire.

– "Il nous semble assez clair à présent que le marché américain de l’immobilier se refroidit", a récemment déclaré Ben Bernanke, président de la Fed. "[Mais] nous estimons… que cela semble être un refroidissement très ordonné et modéré". Plus tard dans la même journée, l’ancien président de la Fed Alan Greenspan a observé que "ce boom [de l’immobilier] a été assez extraordinaire. Le boom a pris fin. Je pense que nous pouvons dire cela sereinement, avec un degré de confiance élevé".

– Cependant, Greenspan a continué : "[rien] ne prouve que les prix des maisons vont s’effondrer". Il n’a pas ajouté — et c’est bien commode — que "beaucoup de choses, par contre, prouvent que les prix de l’immobilier POURRAIENT chuter de manière significative".

– De nombreux propriétaires seront réconfortés par ces affirmations des présidents de la Fed anciens et actuels. Pas nous. L’impressionnant CV de Greenspan ne contient aucune rubrique sur son sens du timing. Après avoir prévenu de "l’exubérance irrationnelle" qui a lancé le jeune marché haussier des années 90, Greenspan est devenu le serviteur crédule de la bulle du Nasdaq. En fait, il a même vanté cette énorme bulle d’actifs comme étant le fruit d’une "révolution de la productivité".

– Et alors même que la bulle du Nasdaq et ses effets sur l’économie dansaient directement devant les lunettes de Greenspan, il affirma qu’il ne les avait jamais vus. "A mesure que les événements évoluaient", expliqua piteusement le président de la Fed, "nous avons reconnu qu’en dépit de nos soupçons, il était très difficile d’identifier une bulle avec certitude avant que le fait ne se produise — c’est-à-dire une fois que son effondrement confirmait son existence".

– Nous aurions tendance à prendre l’homme au mot. S’il n’a pas réussi à reconnaître la plus grande bulle d’actifs de l’histoire — si l’on exclut l’actuelle — pourquoi devrait-il en reconnaître une autre ? En d’autres termes, les affirmations naïves des présidents de la Fed inspirent plus d’inquiétude que de réconfort.

– Les prix de l’immobilier pourraient effectivement s’incliner sereinement, comme les roseaux au bord d’un étang… et comme s’y attend Ben Bernanke. D’un autre côté, les prix de l’immobilier pourraient devenir aussi turbulents que des hooligans lors d’un match de foot… comme s’y attend votre correspondant new-yorkais. Personne ne peut en être sûr. Mais l’expérience personnelle récente de votre correspondant fournit une donnée inquiétante… et suggère que la portion "moins ordonnée" du cycle de l’immobilier pourrait approcher rapidement.

** Nous venons tout juste de vendre notre maison. Au cours des sept mois durant lesquels les acheteurs potentiels ont afflué à notre domicile, il est devenu de plus en plus clair que ces derniers se faisaient de plus en plus sensibles… difficiles… et arrogants. Nous avons littéralement assisté au changement de l’équilibre du pouvoir sur le marché de l’immobilier, glissant du vendeur vers l’acheteur. A savoir : le premier individu à avoir fait une offre pour notre maison n’a offert que 80% du prix demandé… et pas un sou de plus. Votre correspondant, ressentant plus de crainte que d’avidité, n’a pas écarté l’offre d’office. Puis, après des semaines de négociations avec cette personne déraisonnable, nous avons refusé. Heureusement, une deuxième offre est arrivée… à 90% du prix demandé. A quoi votre correspondant a répondu : "vendu !"

– Il est magnifique de posséder une maison ; mais il est tout aussi magnifique de la vendre… surtout lorsque les prix s’effondrent et que les acheteurs disparaissent… lorsque le temps joue contre vous.

– Nous n’oserions pas suggérer que, dans l’affaire, le vendeur s’en est mieux tiré que l’acheteur ; nous soulignerons simplement que le vendeur a passé de nombreuses nuits d’insomnie avant de signer l’accord. Une bonne partie de cette anxiété provenait du fait que votre correspondant a passé deux ans à planifier son déménagement en Californie — un déménagement impliquant enfant, travail, chiens, chats et une ex-épouse. Ne pas vendre était donc exclu.

– L’acheteur, cependant, avait un programme bien différent : acheter une jolie maison familiale pour le long terme. En d’autres termes, l’objectif premier de l’acheteur n’avait pas grand’chose à voir avec le timing ou la sensibilité du marché. Exactement le contraire de celui du vendeur.

** "Maintenant que j’ai vendu ma maison", a demandé votre correspondant à un agent immobilier la semaine dernière, "je dois vous poser la question : que se passe-t-il vraiment sur le marché immobilier ?"

– "Ce n’est pas bon… vraiment pas bon", nous a-t-on répondu.

– "Et par rapport à l’année dernière ?"

– "Aucune comparaison", a déclaré l’agent. "L’année dernière, on assistait à un marché printanier typique. Cette année, rien".

– "Quel genre de maisons se vendent ?"

– "Pas grand’chose… quelques maisons de base, mais rien au dessus d’un million de dollars. Si j’étais vous, je louerais pendant quelque temps, quand vous vous installerez en Californie. Ce marché immobilier va empirer partout. J’attendrais juste que ça se passe".

– Hmm… voilà qui semble un bon plan.

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