La Chronique Agora

Uber contre les taxis… à moins que ce ne soit l’inverse

▪ Cette semaine, une grève des chauffeurs de taxi parisiens nous a forcé à improviser. Aucun taxi ne voulait de nous… et les trains ne circulaient guère… de sorte que nous nous sommes tourné vers internet. Nous avons essayé une entreprise qui a enregistré près de 213 millions de dollars de ventes l’an dernier… et dont la valorisation boursière dépasse les 18 milliards de dollars. Soit environ 80 fois les ventes. Si on le compare aux revenus, le titre Uber est infiniment riche.

Ceci dit, les ventes d’Uber doublent tous les six mois. Et il y a encore beaucoup de marge à grignoter sur le territoire des taxis traditionnels. Selon les experts du secteur, Uber en a pris une grosse bouchée cette semaine. La grève des taxis en Europe a forcé les voyageurs comme votre correspondant à s’inscrire à Uber. Le nombre d’inscriptions à ladite entreprise a grimpé de 850% mercredi.

Le secteur des taxis vaudrait environ 11 milliards de dollars par an rien qu’aux Etats-Unis. Uber prend 20% des ventes collectées par ses chauffeurs. Si l’entreprise pouvait mettre la main sur 50% du marché des taxis aux Etats-Unis, elle pourrait prévoir plus d’un milliard de dollars de revenus. Ce qui irait directement dans les caisses, supposons-nous, parce que l’entreprise, une fois établie, a peu de coûts. Ce n’est qu’un programme informatique.

Attendez une minute… Les investisseurs semblent prévoir qu’elle fera bien mieux que simplement la moitié du marché US. Un milliard de revenus suffit à peine à justifier la capitalisation boursière actuelle… et ce milliard est encore loin.

En fait, il pourrait ne jamais arriver.

Le problème avec la haute technologie, c’est qu’il y a toujours une plus haute technologie. Qui sait quelles "apps" sont dans les limbes… prêtes à gober Uber toute crue ?

Pour l’instant, Uber est la plus récente et — selon certains critères — la meilleure porte entrée dans le monde fou fou fou des technos en Bourse. C’est une innovation qui relie le monde physique avec le monde d’internet. On appuie sur son smartphone… et un taxi apparaît.

Personne n’est plus déterminé ou plus inventif qu’un Français qui voit son revenu menacé par l’innovation

▪ Les Français, bec et ongles contre l’innovation
Il ne nous semblait pas évident, au début, que ça fonctionnerait. Personne n’est plus déterminé ou plus inventif qu’un Français qui voit son revenu menacé par l’innovation. Les chauffeurs de taxi parisiens ont l’intention d’arrêter Uber par tous les moyens possibles.

Quel est le meilleur moyen de se protéger de la concurrence ? La réglementation ! Ils veulent que la nouvelle entreprise soit si étroitement ligotée qu’elle en perdra son avantage compétitif. Une proposition, par exemple, exigerait des chauffeurs Uber qu’ils attendent 15 minutes avant de répondre à un appel.

Cette semaine, Uber a eu la meilleure publicité possible. Non seulement les chauffeurs de taxi ont bloqué la circulation sur le périphérique parisien — mais ils se sont également positionnés sur les ponts et les passerelles.

▪ Le périph’, quelle aventure !
"Il va falloir faire attention", a dit notre chauffeur alors que nous quittions l’appartement. "Ils m’ont jeté des pierres plus tôt dans la journée — ils m’ont abîmé le capot".

C’était bien dommage : la voiture était une Mercedes toute neuve. Ce n’était pas simplement un délit de la vandaliser, c’était un scandale.

Il faut rejoindre le périphérique pour aller à l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle. La grosse berline noire a donc pris la rampe d’accès partant vers l’est. Tout était calme. Puis la circulation a ralenti. Au-dessus de nous, sur la passerelle, se trouvaient des chauffeurs de taxi qui brandissaient des banderoles rouges et blanches fustigeant les voitures Uber.

"Oh-oh", a dit notre chauffeur.

Il avait pris la précaution de retirer le signe "Uber" qui apparaît normalement sur le tableau de bord. Pris dans la circulation, les vandales n’auraient peut-être rien remarqué.

S’il y a une chose qu’ils détestent plus qu’Uber, c’est un briseur de grève

En fait, ils étaient occupés ailleurs. S’il y a une chose qu’ils détestent plus qu’Uber, c’est un briseur de grève — un chauffeur de taxi qui ne respecte pas leur action collective. Ils en avaient trouvé un de l’autre côté du périph’… et ils allaient lui régler son compte.

Dans les pays latins, les attaques verbales sont courantes ; la violence physique est rare. Les cris… les jurons… les insultes mutuelles à la mère des protagonistes… Tout ça sont des caractéristiques normales d’une dispute liée à la conduite dans Paris. Les grévistes y ont ajouté le vandalisme… mais pas grand’chose d’autre.

De toute façon, la police était sur le coup. Deux policiers à moto sont apparus presque immédiatement. Et tandis que le drame se déroulait de l’autre côté de la route, nous avons glissé sous la passerelle et nous sommes rendu à l’aéroport, pour rentrer à Baltimore.

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