Trump a promis que l’argent gratuit coulerait à flot, sur les infrastructures, sur les investissements d’Etat. Un gâchis historique se prépare car comment des bureaucrates incapables de prévoir l’avenir pourraient-ils prévoir mieux que les clients et les utilisateurs ce dont ils auront besoin ?
Hier, le Dow a dépassé les 19 000 points : un plus-haut historique.
Et lundi, le Dow, le S&P 500, le Nasdaq et le Russell 2000 ont tous atteint des plus-hauts historiques.
La dernière fois que cela s’est produit, c’était le 31 décembre 1999.
Quelques mois plus tard la bulle des dot.com a explosé, et le Nasdaq qui croulait sous les valeurs technologiques a perdu 80% de sa valeur.
Dans son ensemble, le marché actions américain a perdu environ 50%.
Mais les investisseurs sont haussiers. Ils pensent que le président-élu Trump va faire du bien aux actions.
Il est censé arriver à Washington pour son investiture et marcher directement sur le Capitole pour exiger des allègements fiscaux.
Cela va restituer plus de 6 000 milliards de dollars au secteur privé au cours des 10 prochaines années… sans parler des 1 000 milliards de dollars de folles dépenses proposées pour les « infrastructures ».
L’argent gratuit fait le bonheur !
La semaine dernière, Stephen Bannon, haut conseiller de Trump (et ex-employé de Goldman Sachs), a expliqué ce qui suit à Michael Wolff, du Hollywood Reporter :
« A la manière du populisme d’[Andrew] Jackson, nous allons bâtir un mouvement politique entièrement nouveau« , dit-il. « Tout est lié à l’emploi. Les conservateurs vont être fous de joie. C’est moi, le gars qui met en avant un plan de 1 000 milliards de dollars pour les infrastructures. Avec des taux d’intérêt aussi bas partout dans le monde, c’est l’occasion idéale pour tout reconstruire. Les chantiers navals, les usines sidérurgiques, on va tout remettre sur pied. On va y aller et voir ce que ça donne.«
Oh là là !
Tout le monde parle de cette opportunité que détient l’Etat « d’investir » de l’argent gratuit.
Cela nous rend nerveux. Nous savons à quel point il est difficile d’obtenir un bon retour sur investissement, notamment lorsque vous ne savez pas ce que vous faites.
Le gouvernement paye à peine plus de 2% sur les prêts à 10 ans. Si l’inflation se rapproche un tant soit peu de sa moyenne à long terme, au cours des 10 prochaines années, le coût réel des emprunts sera de zéro, en gros.
L’argent, disent les Grands Dépensiers, à Washington, sera gratuit.
Le grand train de l’argent gratuit va-t-il dérailler ?
Dans les pages du Financial Times, quelqu’un d’autre parle d’investir de l’argent qui n’existe pas.
Il s’agit du vice-président de la Fed, Stanley Fischer, qui s’adresse au Council on Foreign Relations, un think tank :
« La politique macroéconomique ne doit pas forcément se cantonner à la politique monétaire« , déclare M. Fischer… « Certaines mesures budgétaires, en particulier celles qui augmentent la productivité, peuvent augmenter le potentiel de l’économie ».
Voilà un train qui va vite être complet. Tout le monde va vouloir y embarquer. De l’argent gratuit. Des emplois. De l’inflation. Des infrastructures.
Que demander de plus ? Qui ne voudrait pas être passager à bord de cet express à destination du pays des Contes de Fées ?
Notre ami Richard Duncan, de Macro Watch, est déjà à bord, en tête du train.
Richard, spécialiste de l’analyse du crédit — et qui a travaillé à la Banque Mondiale — partage notre point de vue : l’économie mondiale est une gigantesque bulle qui ne demande qu’à exploser.
Mais il préconise quelque chose de différent. En ce qui nous concerne, nous aimerions bien dégainer une aiguille et piquer dans la bulle.
Ce n’est pas que nous aimions voir souffrir des innocents. Mais nous détestons constater que les coupables ne souffrent pas.
En revanche, Richard, lui, est un être bienveillant, un optimiste qui porte un regard chaleureux et réjouissant sur la nature humaine. Il ne supporte pas l’idée que la veuve et l’orphelin soient à nouveau piégés dans « une nouvelle Grande Dépression » qui se produirait, à son avis, si la bulle du crédit explosait.
Il suffirait d’un relèvement des taux d’intérêt. Avec autant de dettes dans le monde, dit-il, des taux plus élevés seraient catastrophiques.
Alors comment l’éviter ? Selon Richard :
« Si l’Etat investit à grande échelle dans les secteurs et technologies du futur, cela sortira les pauvres de la pauvreté, aux Etats-Unis. Cela sauvera la classe moyenne. Ainsi, les segments les plus prospères de notre société seront plus opulents — et en bonne santé — que dans leurs rêves les plus fous. »
Dans une lettre/vidéo ouverte à Donald Trump, il propose que l’Etat identifie les 10 000 « entrepreneurs américains les plus prometteurs ».
Il faudrait qu’ils aient de bonnes idées, pour l’avenir : des biotech, nanotech, technologies vertes, peu importe. Mais il faudrait qu’il y ait un « tech » quelque part. Alors l’Etat pourrait investir dans leurs entreprises, et former des partenariats public-privé.
[NDRL : Savez-vous qu’à chaque fois que l’administration américaine donne son feu vert pour la commercialisation d’un médicament, le cours de la biotech qui le développe bondit. Ce qui peut vous procurer des plus-values très importantes. A condition, bien sûr, d’anticiper ces décisions de la Food & Drug Administration. Et c’est exactement ce que fait notre spécialiste de ce domaine. Découvrez ici comment faire des plus-values grâce à la bureaucratie américaine.]
Un train infernal qui jette par les fenêtres des milliards de ressources pillées
Notre coeur de cynique s’est arrêté momentanément de battre. Tout cet argent à prendre. Tous ces contrats sans limite de forfait !
Les téléphones des architectes doivent déjà retentir. Les initiés prévoient déjà d’ajouter une aile à leurs résidences secondaires, à Aspen.
Ce sont des « investissements » d’Etat : inutile de satisfaire un jour un client ou bien d’enregistrer des bénéfices.
Et nous parlons de 10 fois plus d’argent que les 100 milliards de dollars de cadeaux octroyés à la Corn Belt [NDR : région du Midwest qui produisait du maïs]… ou des subventions offertes aux magnats du sucre, les frères Fanjul (qui, ne laissant rien au hasard, ont organisé à Miami des levées de fonds aussi bien en faveur d’Hillary Clinton que de Donald Trump).
Mais Richard Duncan est déjà dans le wagon panoramique… à rêver en laissant le soleil lui caresser le visage.
« Imaginez ce que cela produirait« suggère-t-il, en ajoutant gentiment la chose suivante : « Voilà qui restituerait sa Grandeur à l’Amérique [NDR : référence au slogan de campagne de Trump « Make America Great Again »].
Notre imagination n’est pas à la hauteur. Nous fermons les yeux, crispons notre visage. Pas moyen d’y arriver. Nous n’arrivons pas à imaginer qu’un groupe de politicards, de has-been et de pantouflards bureaucratiques soit capable d’identifier les « secteurs d’avenir ».
Personne d’autre n’a été capable de prévoir l’avenir. Alors comment le pourraient-ils, eux ?
C’est bien connu, les acteurs du capital-risque, même lorsque leur propre argent est en jeu, sont mauvais en matière de financement d’entreprises futuristes susceptibles de réussir.
L’Etat, en « investissant » l’argent des autres, misera forcément sur le mauvais cheval.
Mais attendez… Notre imagination s’est finalement relancée.
Et que voyons-nous ?
Pas de train en direction du futur. Ce que nous voyons, c’est une locomotive en fuite. L’Incompétence est aux manettes, l’Arnaque alimente le moteur, et la Supercherie utopiste fait son cinéma à l’intention des passagers.
Autrement dit, c’est un train infernal… chargé de milliers de milliards de dollars de ressources pillées, mal utilisées, volées et jetées par les fenêtres.