La Chronique Agora

Le train du pétrole ne passe plus (2)

Quelques faits bruts sur le pétrole
Pour comprendre en quoi les problèmes liés au transport du pétrole par chemin de fer pourraient ouvrir de belles opportunités pour les investisseurs, il faut comprendre de quelle manière le prix du pétrole brut est fixé.

Comme vous le savez sans doute, le pétrole en lui-même est relativement inutile tant qu’il n’a pas été traité. Les raffineries achètent le pétrole brut et le transforment en formes utilisables qu’elles peuvent vendre.

Or certains pétroles sont plus faciles et moins chers à raffiner que d’autres. Le pétrole connu sous le nom de West Texas Intermediate (WTI), extrait au Texas et dans d’autres régions des Etats-Unis, a des qualités qui le rendent moins coûteux à raffiner. Le pétrole Brent, qui vient du Moyen-Orient et de Mer du Nord, est légèrement plus cher à raffiner. Il y a également le brut provenant du fractionnement, comme celui qu’on extrait du gisement de Bakken. Ses propriétés sont proches de celles du WTI.

Les raffineurs peuvent généralement traiter toutes les sortes de pétroles, mais ils peuvent baisser leurs coûts de raffinage en utilisant le WTI et le pétrole de Bakken, plus « doux ». Lorsqu’ils vendent le pétrole raffiné, ils encaissent un profit plus élevé. La différence de coûts de raffinage selon le type de pétrole créée un écart de profit par baril appelé crack spread.

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Le souci, c’est de faire parvenir le pétrole aux raffineurs. Comme je vous le disais hier, le terminal Canaport accueille des navires pétroliers remplis de Brent provenant du monde entier. Parallèlement, la production de pétrole de Bakken a augmenté à un rythme si rapide que les pipe-line ont du mal à suivre.

Les raffineurs ont donc été forcés d’acheter du Brent quand bien même il coûtait jusqu’à 48 $ plus cher qu’un baril de Brent.

Cette gigantesque différence de prix a toutefois créé une opportunité pour les producteurs de pétrole de Bakken : ils ne pouvaient atteindre les raffineurs par pipe-line… mais le train, en revanche, était une solution.

Il en coûte approximativement 15 $ le baril pour transporter le pétrole par train — contre 1 $ par pipe-line et 2 $ par bateau. Cependant, le différentiel du Brent compensait ces coûts de transport gigantesques. Le pétrole de Bakken transporté par train restait moins cher que le Bren transporté par bateau.

Malheureusement pour les trains, cependant, les prix sont en train de changer. L’avantage du Bakken par rapport au Brent a chuté pour atteindre seulement 10 $-12 $ le baril.

Tout à coup, dépenser 15 $ par baril pour envoyer du Bakken par le train ne semble plus très intelligent. Les raffineurs commencent au contraire à trouver qu’acheter du Brent est une meilleure affaire, plus sûre.

Ceci dit, tout ce débat navires/trains passe sous silence un aspect très important du sujet — la meilleure solution pour le transport de pétrole brut.

▪ Adieu, surplus
Comme je le disais, une partie de l’attrait du fret ferroviaire provient du fait que les pipe-lines ne parvenaient pas à suivre la production.

Le coeur du système de pipe-lines américain se trouve à Cushing, dans l’Oklahoma. Ce réseau relie toutes les grandes zones productrices de pétrole du pays. Il accueille également la plus grande concentration américaine de cuves de stockage pour le pétrole attendant d’être transporté.

Bakken et d’autres gisements de schiste mettaient certes sous pression les systèmes de transport existants pour livrer le brut aux raffineries — mais ils mettaient surtout sous pression le hub de Cushing. Avec la hausse de la production un peu partout, le pétrole brut affluait, et il n’y avait aucun moyen immédiat de le réinjecter dans le réseau de tuyaux.

Cela a provoqué un surplus de pétrole qui s’est retrouvé piégé à Cushing. L’offre était gigantesque, mais les moyens d’acheminement pour satisfaire la demande étaient limités. Naturellement, les prix ont baissé. Les producteurs ont tiré parti de ce prix artificiellement bas pour transporter leur pétrole d’une manière dont le coût serait prohibitif dans d’autres conditions — c’est-à-dire le chemin de fer.

A présent, le surplus est en train de s’épuiser. Les stocks à Cushing sont en baisse de 11% cette année, et le différentiel entre le WTI et le Brent disparaît, emportant avec lui l’avantage Bakken.

Qu’est-ce qui a provoqué un changement aussi radical ? L’augmentation des pipe-lines.

La capacité des pipe-lines américains a grimpé de 38,5% environ en 2013, pour atteindre près de 900 000 barils par jour. Cela a permis à un plus grand nombre de raffineurs d’accéder au pétrole WTI et au pétrole de Bakken, moins coûteux à raffiner. Et transporter le pétrole par pipe-line ne coûte qu’un dollar, le rendant plus attractif que le Brent.

C’est une bonne époque pour les entreprises de pipe-line… ou pour y investir.
[NDLR : Intéressé par le secteur pétrolier et toutes ses opportunités ? Faites confiance à un spécialiste pour y investir…]

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