La Chronique Agora

Les traficotages de la Fed et l’épineuse situation du pétrole

▪ Surprise, surprise ! Juste au moment où le marché commence à chanceler un peu, voici qu’entre en scène la Fed avec sa rhétorique rassurante. Mercredi dernier, la Réserve fédérale a terminé une réunion de deux jours sur les taux d’intérêt. Clairement, elle a utilisé la plus grande partie de ces deux journées à discuter de la façon dont le marché réagirait aux termes qu’elle utiliserait plutôt que de ce qui se passait dans l’économie réelle.

Voici ce qui est ressorti de ces deux jours de palabres…

Les pontes de la Fed ont effacé la référence au maintien des taux d’intérêt bas pour une « période considérable » pour la remplacer par l’assurance qu’elle se montrera « patiente ».

Qu’est-ce que cela signifie?

LA LISTE NOIRE DE L’INVESTISSEMENT
Ces quatre placements présentent un danger immédiat pour vos finances : en êtes-vous protégé ?

Pour le savoir, continuez votre lecture…

Je n’en ai aucune idée. C’est pourquoi je me suis tourné vers un spécialiste de la Fed, John Hilsennrath du Wall Street Journal, pour qu’il m’éclaire à ce sujet…

« Plusieurs semaines déjà avant la réunion de la Fed, les responsables ont débattu pour savoir comment changer de discours et éliminer la notion de taux proches de zéro pour une période de temps ‘considérable’. Cette déclaration indique clairement que les responsables se sont préparés pendant des mois pour convaincre les gens que les taux ne vont pas remonter de sitôt ni rapidement.

Certains responsables se sont inquiétés du fait que si la Fed renonçait à cette sémantique, cela ébranlerait les marchés et entraînerait par mégarde certains investisseurs à penser que la Fed se dirigeait vers une hausse des taux plus tôt que prévu. Plutôt que de laisser tomber de but en blanc la notion très surveillée de ‘période de temps considérable’, la Fed a préféré rassurer en affirmant qu’elle sera patiente et a déclaré que cela signifiait en réalité la même chose ».

Des semaines de délibérations pour un simple changement sémantique qui signifie essentiellement la même chose ?

Très bien — mais des semaines de délibérations pour un simple changement sémantique qui signifie essentiellement la même chose ? Il est bon de savoir que ces tireurs d’élite sont en charge d’un système économique beaucoup plus fragile qu’on ne le pense. Que Dieu nous vienne en aide lorsque frappera la prochaine crise.

▪ Elle pourrait arriver plus vite qu’on ne le pense…
En fait, elle est en cours de préparation en ce moment même, et la hausse du dollar US est un symptôme inattendu des problèmes auxquels doit faire face le système financier mondial.

Le dollar est encore en hausse. La Fed en a de toute évidence fait assez pour convaincre les marchés que, même si elle ne prendrait plus de « temps considérable » pour remonter les taux d’intérêt et resterait « patiente » à la place, cela signifie toujours que les taux d’intérêt finiront par grimper.

Au-delà de ce point sémantique, on peut aller plus loin. Voici ce qu’en dit M. Hilsenrath :

« Cependant, il existe plusieurs éléments qui pourraient altérer la trajectoire de la Fed [vers une hausse des taux d’intérêt]. Le plus évident est l’inflation. La forte chute des prix du pétrole pousse vers le bas les prix à la consommation. Le Ministère du travail américain a rapporté mercredi, quelques heures avant la communication de la Fed, que les prix à la consommation ont reculé de 0,3% en novembre par rapport au mois précédent, soit la plus forte baisse sur un mois depuis que la crise financière de 2008 a secoué l’économie mondiale« .

Dans les sociétés grandes consommatrices de pétrole comme la société américaine, une baisse des prix est sans conteste une bonne chose pour les ménages

Qu’en pensez-vous ? La chute des cours du pétrole est-elle une bonne ou une mauvaise chose pour l’économie ? Naturellement, il y a des gagnants et des perdants mais dans les sociétés grandes consommatrices de pétrole comme la société américaine, une baisse des prix est sans conteste une bonne chose pour les ménages — et la consommation représente près de 70% de la croissance économique aux Etats-Unis.

Par conséquent, une chute des prix du pétrole est une forme de stimulus pour les ménages. Cela augmente leur revenu disponible et par conséquent leur pouvoir d’achat.

▪ Mais est-ce un stimulus aux yeux de la Réserve fédérale ?
Non, parce que ses modèles affirment que des prix du pétrole plus bas sont déflationnistes… et que la déflation n’est pas une bonne chose. Je m’explique :

Une baisse des prix du pétrole signifie une chute de « l’indice des prix à la consommation », une mesure précise de l’inflation, ce qui signifie en termes réels une hausse des taux d’intérêt (parce que les taux d’intérêt réels = taux nominaux moins l’inflation).

La Fed considère une hausse des taux réels mauvaise pour l’économie, même si ce qui a initié cette hausse des taux réels est la chute des prix du pétrole, qui est en fait un stimulus.

Vous êtes perdu ? C’est normal, c’est fait exprès.

Le fait est que dans une économie moderne il existe des tonnes de variables qui entrent en jeu dans la constitution des prix. Malheureusement, les universitaires et les responsables de la Fed (qui sont principalement des universitaires) ont tendance à vouloir fourrer toutes ces informations dans de jolis petits modèles qu’ils utilisent pour mettre au point les choses et obtenir les résultats escomptés.

Ils peuvent essayer de le faire… mais cela ne marchera jamais — ou du moins pas tout le temps. Les conséquences involontaires des actions passées de la Fed n’ont pas encore atteint les Etats-Unis. Mais elles font actuellement des ravages dans les économies des marchés émergents.

Qui aurait pensé que les milliers de milliards de dollars injectés par la Fed pendant six ans se termineraient par un marché haussier du dollar américain ?

Qui aurait pensé que les milliers de milliards de dollars injectés par la Fed pendant six ans se termineraient par un marché haussier du dollar américain ? Peu de monde, c’est certain. Telle est la nature des conséquences involontaires. Il arrive des choses que l’on aurait auparavant considérées comme insensées.

Le résultat de tout cela est que, lorsqu’on traficote un signal de prix aussi important qu’un taux d’intérêt, il arrive des choses qu’on ne peut contrôler. Et si on le fait pendant un assez long moment, ça se passe mal.

Notre problème est que ceux qui traficotent ont un niveau tellement élevé d’arrogance intellectuelle qu’ils ne le verront jamais de cette façon. Les problèmes qu’ils créent ne sont que d’autres problèmes à résoudre.

Et ainsi de suite…

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile