** Notre intention première était de rédiger une Chronique aussi délirante que la hausse des bourses mondiales depuis 48 heures… mais la flambée des cours s’intensifiant d’heure en heure, nous avons désormais du mal à suivre ! Faire plus fort que les marchés en ce mercredi 19 septembre, pour paraphraser un vigile repoussant un touriste en bermuda à l’entrée d’une soirée VIP se déroulant un soir d’élection au Fouquet’s… désolé, ça va pas être possible !
Le geste de la Fed était largement prévisible après une baisse de 50 points du taux de l’escompte le 17 août dernier). Il était également anticipé par deux tiers — au moins — des opérateurs après la chute surprise des prix à la production aux Etats-Unis. Compte tenu de tous ces éléments, du point de vue technique, les chances de voir le CAC 40 gagner 3,5% (ç’aurait pu être 4%, vu l’ambiance !) hier étaient aussi minces que celles de voir le touriste évoqué dans le premier paragraphe venir trinquer avec notre nouveau Président de la République dans les salons ultra-privés du premier étage de la plus prestigieuse brasserie des Champs-Elysées.
Mais c’est pourtant ce qui s’est passé : le CAC 40 reprend plus de 325 points en 36 heures d’horloge et une douzaine d’heures de cotation. Notre calculette indique une performance voisine de +6%, tandis qu’un sous-programme de notre conception nous apprend que de nombreux vendeurs à découvert ont cessé d’exister (boursièrement, s’entend) alors que la hausse venait de franchir le cap des +3% — soit +5% en 48 heures, ce qui s’avère dévastateur en matière d’appel de marge sur les futures.
Si l’on exclut le pourcentage global, proche des 6% (le CAC 40 en déjà gagné le double en mars puis avril 2003), il s’agit d’une des plus fortes hausses de l’histoire en nombre de points gagnés en l’espace de 48 heures. Le record absolu date des 2 et 3 février 2000 avec 350 points — France Télécom essayait alors d’acheter une licence UMTS à 50 milliards d’euros en Allemagne, une affaire !
** Nous allons tenter d’élucider ce mouvement à la lumière de l’analyse technique : nous venons d’assister à l’apparition d’un gap de plus de 105 points (et de +130 points à l’ouverture). Ce dernier constitue un phénomène pratiquement sans précédent au cours de la dernière décennie, y compris après des actions « surprise » de la Fed en octobre 1998 et 2002.
La hausse est étayée par des échanges supérieurs à 11 milliards d’euros –ce qui n’a été observé qu’à cinq reprises depuis 1988 (création du CAC 40). Il s’agit donc d’une activité record, même si les 13 milliards du 17 août dernier semblent encore hors d’atteinte. L’essentiel des volumes résulte cependant des prises de position de gérants « passifs » qui se contentent de répliquer l’évolution de l’indice. Cela ne leur fait ni chaud ni froid de payer le marché 0,3% ou 3,3% plus cher que la veille, pourvu que leur benchmark soit respecté.
Les causes d’une telle flambée ne les intéressent pas — sinon pour l’anecdote –, et il n’entre pas dans leur attribution de juger de leur bien fondé. Les chartistes raisonnent exactement de la même façon ; leur seule référence est « ce qui est », et ils acceptent le réel sans broncher… ce qui n’est pas sans rappeler l’équanimité des adeptes du bouddhisme devant les inévitables coups du sort qui jalonnent une existence : d’un mal peut surgir un bien, et réciproquement !
** Pour avoir parcouru pas mal de forums d’AT (Analyse Technique) hier, nous en avons retiré le sentiment que les outils des chartistes (graphes, indicateurs de « force » ou de volatilité) leur tombent des mains tant la secousse est violente et l’évolution des cours imprévisible. En termes de probabilité, le scénario du jour relevait du 500 contre 1 — et encore : ce n’est même pas modélisable !
Mais comme lorsque entrent en mouvement des quantités d’argent aussi colossales (et nous parlons de milliers de milliards de dollars, de yens et d’euros), nous ne croyons pas au hasard. Nous commençons systématiquement à rechercher des « coïncidences » qui n’ont rien à voir avec l’actualité macro- ou microéconomique du jour… comme par exemple une initiative de tel ou tel éminent sherpa monétaire de la planète, connu pour son culte du largage de liasses de billets de 100 $ par hélicoptère.
** Pour mieux vous en convaincre, revenons quelques instant sur le menu des chiffres du jour : nous découvrons un net recul des mises en chantier de logement neuf aux Etats-Unis, et la baisse de 0,1% des prix à la consommation (un miracle tout à fait passager, n’en doutez pas).
Il s’agit donc de deux chiffres qui constituent — aux yeux des investisseurs — autant d’encouragements supplémentaires devant inciter la Fed à poursuivre l’assouplissement rapide de sa politique monétaire (un loyer de l’argent de 4% est anticipé d’ici fin 2007 ou mars 2008).
Autres indicateur intéressant, les stocks de pétrole US se sont contractés de 3,8 millions de barils la semaine dernière. Le WTI pulvérise la barre des 82 $ sur le NYMEX — mais la flambée des cours s’explique aussi par les tensions qui opposent Téhéran à Paris et Washington au sujet du programme nucléaire iranien.
Les potentielles retombées inflationnistes d’un baril s’installant durablement sur la crête des 80 $ n’impressionnent pas davantage les investisseurs. Selon l’avis le plus répandu, la Fed a fait son choix : plutôt l’inflation que la récession… Des cours du brut élevés génèrent des flux financiers supplémentaires qui vont immanquablement s’investir en bourse — et à Wall Street de préférence, parce qu’en Europe, il ne faut pas compter sur la BCE pour relancer la machine économique ni prêter main forte aux spéculateurs.
** L’espoir d’un afflux de pétrodollars (même dévalués sous les 1,40/euro) nous semble toutefois un peu court pour justifier ce que nombre de rédacteurs de la Chronique jugent fondamentalement injustifiable. Jetez donc un petit coup d’oeil au calendrier des postes : ce 21 septembre correspond certes à l’avènement de l’automne… mais il coïncide également avec un troisième vendredi du mois, qui marque pour les gérants la fin boursière du troisième trimestre 2007.
Si vous nous suivez bien, il ne reste plus que 48 heures avant la journée des Quatre Sorcières. Plus que 48 heures pour faire du troisième trimestre 2007 un « bon cru » boursier à Wall Street !
Pour le CAC 40, un sérieux obstacle graphique se dessine vers 5 775 points, et les 6 100 de la fin juin sont encore assez lointains… Pour le Dow Jones, en revanche, le record absolu des 14 000 points n’est plus qu’à 1,5% ; il est à portée de main et nous parions d’ores et déjà que son attraction va s’avérer irrésistible !
Philippe Béchade
Paris