La Chronique Agora

Tout le monde suffoque en même temps

** Nous envisageons de prendre notre retraite. Pour nous mettre à l’élevage de bétail, peut-être. Ou peut-être pour nous faire ermite.

* Voilà les pensées qui ont dû traverser des millions de cerveaux la semaine dernière.

* "Le Jugement", titrait le New York Times.

* La semaine dernière, le Dow a chuté sous les 8 000 points — pour la première fois depuis 2003. Dow 5 000 nous voilà !

* Oui, notre Transaction de la Décennie continue de se porter comme un charme. Alors que le Dow s’effondre, l’or grimpe ! Et toutes les conditions sont réunies pour qu’il continue de grimper…

* Mais nous n’y prenons aucun plaisir.

* "Notre activité consiste à offrir des conseils financiers aux gens", expliquait un collègue. "Lorsque le marché baisse ainsi, les gens perdent tout intérêt. Personne ne veut de conseils financiers. Ils veulent juste sortir de là".

* A présent, tout le monde semble vouloir sortir de là.

* Nous espérons au moins que nos lecteurs sont en lieu sûr. Avez-vous fait attention à notre drapeau d’Alerte au Krach ? Avez-vous vendu les actions lors des rebonds, comme nous l’avions suggéré ? Avez-vous acheté de l’or durant les creux ?

* Nous l’espérons. C’est à peu près tout ce qu’il y a à faire.

* Et qu’en est-il des obligations ? Oui, les bons du Trésor US grimpent aussi. A mesure que la crise s’aggrave, ils grimperont probablement plus. Mais où est la marge de sécurité ? Mettez votre argent dans un T-Bond US à trois mois, et vous n’obtiendrez quasiment aucun intérêt. Certes, vous ne perdrez pas d’argent en termes nominaux. Lorsque le moment viendra pour le gouvernement américain de vous rembourser, vous pouvez être sûr que l’argent sera là. Mais en fin de compte… et peut-être que cela n’arrivera que dans quelques années… cet argent tournera mal.

** Vendredi, on apprenait que le Trésor US se prépare à suivre l’exemple britannique — et à nationaliser les banques.

* L’approche anglaise, nous expliquait notre collègue Andrew Vaughn, "fournit des capitaux de premier niveau en exigeant — et non pas simplement en espérant — que les banques prêteront. Le plan exclut spécifiquement la possibilité de voir une banque prendre l’argent et simplement le stocker".

* "Les baisses de taux décidées partout dans le monde [la semaine dernière] représentaient un tournant", continue Andrew, "parce qu’elles étaient coordonnées. Elles signalent aux marchés que l’action des autorités dans un pays ne causera plus simplement une fuite des capitaux ailleurs. Sans les baisses de taux au-dehors du Royaume-Uni, les événements de la semaine dernière auraient causé une chute de la livre sterling — le plan de sauvetage à cause de la hausse d’emprunts gouvernementaux qui lui est associée, la baisse de taux d’intérêt à cause du différentiel de taux qui en résulte (sans cela, la livre aurait vu son rendement baisser par rapport à celui d’autres devises)".

* Oui, cher lecteur, c’est le nouvel ordre mondial. Les gouvernements travaillent désormais ensemble. Ils vont tous reprendre le secteur bancaire — à des degrés différents. Ils vont tous garantir les dépôts bancaires. Ils vont tous garder en mouvement les rouages de la finance. Vive le gouvernement ! Il n’est plus un problème ; il est la solution. Et pas simplement un gouvernement… mais tous les gouvernements du monde, travaillant en harmonie, pour construire un monde meilleur et plus sûr.

* Ou, comme le résumait David Brooks dans un éditorial du New York Times… ce dont nous avons tous besoin, c’est de "leadership". Vive le chef !

* Mais attendez… ne s’agit-il pas des mêmes chefs que ceux qui régulent, contrôlent, se mêlent des affaires des autres, interviennent, secourent et mènent l’humanité à la baguette depuis que la civilisation est apparue sur les rives du Tigre ? Eh bien, si. Mais selon le sentiment qui prévaut actuellement, nos dirigeants ont pris des vacances après les révolutions Reagan/Thatcher. Ils sont partis en exil… pour se la couler douce… parfaire leur bronzage… et se reposer. A présent, il est temps de les faire revenir à leur poste. Ramenez la vieille aristocratie de la bureaucratie. Laissez-les faire ce pour quoi ils sont le plus doués — envenimer une situation déjà catastrophique.

* Jusqu’à présent, plus les autorités réparent les choses, moins elles fonctionnent. Les prix vont là où ils veulent aller — vers le bas — en dépit des efforts des régulateurs.

* Qu’est-ce qui nous attend ? Personne ne le sait, bien entendu. Mais nous avons l’impression que la contraction du crédit est loin d’être terminée. Le boom a fait son chemin. La bulle a fait son chemin. A présent, le krach est en train de faire le sien.

* Les autorités aussi feront ce qu’elles font. Attendez-vous à de nouvelles interventions. Encore plus de dépenses gouvernementales. De prises de contrôle. De contrôles tout court. Toujours plus de cadavres paradés en place publique.

* Les autorités continueront d’essayer de regonfler la bulle. Mais il y a déjà des milliers de fuites… et de nouveaux trous semblent s’ouvrir tous les jours. Chaque famille qui se retrouve mise à mal par le resserrement du crédit ou la baisse des revenus et ferme son portefeuille… ou réduit ses dépenses. Chaque entreprise qui voit ses bénéfices chuter… Chaque banquier vérifiant son bilan pour s’apercevoir qu’il doit faire rentrer ses prêts… Chaque investisseur qui regarde ses positions et panique…

* Tous suffoquent en même temps…

* … et la Grande Contraction du Crédit va en empirant.

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