La tontine, qu’elle soit financière ou immobilière, peut présenter un véritable intérêt en fonction de votre situation patrimoniale et matrimoniale. Cependant, attention aux pièges…
Du bon usage de la tontine financière
Les promoteurs de la tontine mettent en avant son rendement qui serait supérieur à celui des fonds en euros de l’assurance-vie. C’est possible, bien que les rendements passés ne préjugent pas des performances futures comme chacun le sait. Néanmoins, n’oublions pas que la tontine présente deux inconvénients majeurs : les fonds sont bloqués sans possibilité de rachat et, en cas de décès, ils sont définitivement perdus. On comprend que la tontine puisse rebuter nombre d’épargnants.
C’est pour cela qu’il est possible de souscrire à une assurance décès et perte totale et irréversible d’autonomie (PTIA). Différentes garanties sont possibles, mais elles ont évidemment un prix, qui varie en fonction de l’âge de l’adhérent et du montant du capital assuré, qui vient entamer le rendement de la tontine. Si le souscripteur décède avant la liquidation de la tontine, les bénéficiaires désignés seront exonérés de prélèvements sociaux. Et sur le plan fiscal, l’assiette de taxation est limitée à la seule prime d’assurance-décès. Si le bénéficiaire est le conjoint ou le partenaire de Pacs, il est même exonéré de toute fiscalité.
Signalons que la tontine échappe à la loi Sapin II de 2016 qui permet à l’État de « suspendre, retarder ou limiter temporairement le paiement des valeurs de rachat » de l’assurance-vie. Si les fonds sont bloqués durant toute la durée de la tontine, en revanche ils sont parfaitement liquides à l’échéance.
Souscrire à plusieurs tontines à des dates différentes permet d’avoir des échéances de sortie successives, et ainsi de disposer de revenus échelonnés dans le temps, et d’optimiser l’abattement de 4 600 € (ou 9 200 € pour un couple) qui est annuel.
La tontine peut également être un outil de transmission patrimoniale. Comment faire ? Il d’agit, tout simplement, de transmettre une somme – généralement dans la limite des abattements légaux – à ses enfants ou petits-enfants, en amont du placement. Les sommes transmises sont ensuite placées dans des tontines au nom de chaque bénéficiaire de la donation. Le donateur peut alors choisir à quel moment les fonds seront disponibles en souscrivant des tontines de durée différente.
La tontine immobilière, pour protéger un tiers non-héritier
Il existe également un pacte tontinier – ou clause de tontine – parfois appelé tontine immobilière, qui est un moyen de transmettre du patrimoine à un bénéficiaire de son choix.
Concrètement, le pacte tontinier est une association dans laquelle les membres mettent en commun un capital pour l’acquisition d’un bien immobilier qui reviendra au dernier survivant. Celui-ci est alors considéré comme propriétaire du bien depuis l’origine. La (ou les) personne décédée qui avait acheté le bien avec lui est déclarée ne l’avoir jamais fait. Par conséquent, ses héritiers n’ont aucun droit sur le bien qui est considéré comme ne faisant pas partie du patrimoine du défunt.
Prenons l’exemple d’une personne divorcée qui vit en concubinage avec une personne elle-même divorcée. Ils achètent une maison en commun avec une clause de tontine. Au décès de l’un deux, la maison revient au survivant. Les héritiers du défunt n’ont aucun droit sur la maison. Le survivant est ainsi parfaitement protégé, le danger de l’indivision est écarté.
L’achat avec clause de tontine n’est pas considéré comme une donation ni comme un héritage. Logiquement, la fiscalité applicable devrait être celle des droits de mutation à titre onéreux, plus avantageuse que celle des droits de succession. Mais l’État qui craint l’optimisation fiscale a prévu d’appliquer la fiscalité des droits de succession aux tontines immobilières. L’acquéreur final, le survivant, devra donc s’acquitter de ceux-ci en fonction de son degré de parenté avec le défunt. Par exemple, entre concubins, les droits sont de 60 % après un abattement – ridicule, il faut bien le dire – de 1 594 €. Cependant, si le bien constitue la résidence principale des acquéreurs au moment du décès et que sa valeur est inférieure à 76 000 €, le survivant ne paie que des droits de mutation à titre onéreux (soit le taux maximum légal de 5,81 %). En revanche, il n’y a pas de droits à payer si les acquéreurs sont légalement mariés ou pacsés.
Ce pacte tontinier a cependant quelques contraintes. Premièrement, les décisions doivent être prises à l’unanimité. Si les acquéreurs n’arrivent plus à se mettre d’accord, il n’y a pas d’autres solutions que de vendre le bien ou de faire racheter la part de l’un par un autre. Ces opérations nécessiteront cependant, elles aussi, l’unanimité des associés car, contrairement à l’indivision, le juge ne pourra pas intervenir pour provoquer le partage ni exiger la vente du bien. La situation peut très vite être inextricable et ne se dénouer qu’au décès d’un des membres.
Deuxièmement, la tontine est un contrat dit « aléatoire ». Elle doit donc respecter les conditions de l’aléa, à savoir qu’il ne doit pas être possible de connaître à l’avance qui sera le bénéficiaire final. Autrement dit, les membres de la tontine ne doivent pas avoir une différence d’âge laissant supposer que l’un d’entre eux décèdera bien avant les autres. Par conséquent, les parties au pacte tontinier doivent appartenir à la même tranche d’âge et avoir des conditions de santé similaires. Si quelqu’un conclut un pacte tontinier avec son petit-fils, il est probable que le pacte soit requalifié en donation avec toutes les conséquences que cela implique (redressement fiscal).
De même, chacune des parties à la tontine doivent participer, à même hauteur, au financement du bien, faute de quoi il pourra également être considéré qu’il s’agit d’une donation déguisée. Les éventuels héritiers pourraient aussi intenter une action en justice pour revendiquer le bien.
Enfin, le pacte tontinier ne doit pas chercher à priver de succession les héritiers réservataires. Ceux-ci, lésés, pourront chercher à le faire invalider en démontrant que la tontine a été créée en vue de les déshériter.
La tontine, qu’elle soit financière ou immobilière, peut présenter, comme nous l’avons vu, quelque intérêt en fonction de votre situation patrimoniale et matrimoniale. Il est cependant nécessaire de bien peser le pour et le contre avant de s’engager – car c’est pour de longues années – et de prendre conseil auprès de professionnels aguerris, notamment d’un notaire s’agissant de la tontine immobilière.